NETTALI.COM- Le Sénégal est confronté à une « crise sécuritaire systémique » alimentée par l'instabilité politique et l'ascension du crime organisé, révèle le monitoring 2021-2024 du Mouvement contre les armes légères en Afrique de l’Ouest (Malao). L'étude souligne que la violence liée aux troubles civils a causé entre 65 et 80 décès. Parallèlement, le pays fait face à une professionnalisation des bandes armées, à l'emploi croissant d'engins explosifs dans le Sud et à un crime économique transfrontalier massif.
Le paysage sécuritaire sénégalais a connu une mutation profonde entre 2021 et 2024, évoluant d'une série de crises isolées vers un système de menaces interdépendantes, selon Mouhamadou Lamine Diatta, chargé de programme du Malao.
La principale source de violence au cours de cette période a été l'instabilité sociopolitique. Le Malao établit que les manifestations ont causé entre 65 et 80 décès, ciblant majoritairement des jeunes. Cette létalité est directement corrélée à des pratiques de maintien de l’ordre impliquant l’usage de munitions.
Cette situation a créé une « fenêtre d’opportunité » pour l'émergence du crime organisé. Dès la fin de 2023, une professionnalisation inquiétante s'est manifestée à travers des braquages planifiés, commis avec des armes automatiques, un exemple étant l'attaque lourdement armée d'un pressing à Thiès.
De Sédhiou à Kédougou : Une Menace aux frontières
L’étude parcourue par le Soleil révèle que le risque s’étend aux régions frontalières. Dans le Sud, le conflit avec le MFDC est désormais caractérisé par l’apparition d'Engins Explosifs Improvisés (EEI) et de mines, des tactiques qui ont causé la mort d'environ 28 personnes et empêchent l'accès aux terres.
À l'Est, dans les régions de Kédougou et Tambacounda, les trafics liés à l'orpaillage clandestin sont adossés à l'usage d'armes de guerre, avec des groupes organisés ciblant les orpailleurs le long de la frontière.
Parallèlement, le vol de bétail est identifié comme un crime économique majeur. Plus de 20 000 têtes ont été dérobées entre 2021 et 2022, avec un bilan humain de près de 65 éleveurs tués. Ce bétail est souvent échangé contre des armes, créant un risque de dégénérescence en conflit avec des pays voisins, notamment la Guinée-Bissau, dans la région de Sédhiou.
Dakar et Thiès concentrent 44 % des violences quotidiennes
Dans les zones urbaines, Dakar et Thiès concentrent 44 % des incidents. La violence interpersonnelle, quant à elle, demeure forte : 45 % des incidents recensés sont des meurtres ou homicides, le plus souvent commis à l'arme blanche, l'outil privilégié des assaillants. Cependant, le Malao précise que la moitié des incidents se déroule dans les zones semi-rurales, théâtre de braquages de transit et de violences interpersonnelles.
Face à cette "transition sécuritaire profonde", le Malao formule trois recommandations urgentes : le renforcement de la coopération frontalière, une lutte plus efficace contre la prolifération des armes légères (ALPC), et la formation des communautés à la sécurité collaborative et à l’alerte précoce.





