NETTALI.COM - La fonction présidentielle est une affaire sérieuse et on ne cessera jamais de le répéter. La réaction du président Bassirou Faye, au moment de prononcer son discours, lors de la 80ème Assemblée générale des Nations Unies aux États-Unis, a quelque chose d’étonnant et même d’inquiétant. Alors que les feuilles de papier de son discours, n’étaient pas disponibles sur le pupitre au moment de prendre la parole, celui-ci a paru bien décontenancé et désemparé, qu’il a eu un moment d’hésitation, avant de se résoudre à se retourner et à réclamer les documents sur lesquels était rédigé son discours.

Une bévue protocolaire certainement que l’ancien député Thierno Bocoum a relevé. Pour l’histoire, on avait déjà vu le président de la république au tout début de son mandat, s’emmêler les pinceaux, lors d'une visite en Guinée Bissau, avec son micro et le dispositif qu'il devait mettre à son oreille. Ce qui lui avait d’ailleurs valu quelques railleries dans les réseaux sociaux.

Mais, ce qui a été d’autant plus étonnant dans cette affaire de discours, c’est de réaliser que le président de la république n’a pas été capable de saisir ce moment pour improviser un discours qui ne devrait durer que quelques petites minutes. L’on n’ose quand même pas croire que le président n’ait pas pris, à ce stade de l’événement, connaissance des grandes lignes de son discours, au point de ne pas pouvoir s’en passer, au regard des circonstances. La position du Sénégal de soutien du Sénégal vis-à-vis de la cause palestinienne est solidement ancrée dans la tradition de nos présidents de la république, pour avoir été un soutien affirmé de longue date. De ce point de vue-là, il n’ y avait donc aucune difficulté à évoquer un tel sujet.

L’image du président relax, jouant au Scrabble dans l’avion, dans un moment de détente, qu’on a vu circuler dans les réseaux sociaux, n’aurait jamais dû être publiée. L’on imagine bien qu’il puisse avoir besoin de se détendre pour un trajet aussi long, mais fallait-il pour autant laisser filtrer cette image qui renvoie une image de président pas très occupé à réviser ses dossiers ? On l’aurait montré dans une situation de concentration intense devant des piles de dossiers, que son image en serait grandie.

Pourtant pour qui connaît bien la tradition diplomatique sénégalaise et la stature de nos présidents successifs, leurs voix ont toujours porté sur la scène internationale. Leopold Sédar Senghor est le parfait exemple du président de la république qui a fait rayonner le Sénégal à travers la littérature, l’art et la culture sur la scène mondiale. Ses successeurs ont aussi su porter le flambeau et garder l’image de notre pays toujours aussi glorieuse.

Avec le nouveau régime, l’on semble de plus en plus emprunter des chemins qui ne rehaussent pas le niveau de notre diplomatie et l’aura de notre pays qui a, jusqu’ici l’une des meilleures images en Afrique, pour la vitrine démocratique qu’il est ; sans oublier cette image de pays de paix, de stabilité, de dialogue et d’intellectuels. Après la ministre des affaires étrangères Yassine Fall heureusement remplacée par Cheikh Niang, diplomate chevronné qui a servi sous deux des présidents passés, le président Diomaye Faye a le devoir de ne pas moins que les autres, en propulsant davantage l’image du pays.

Un président de la république n’est certainement pas l’homme le plus intelligent et le plus expérimenté dans un pays, mais il doit être doté de beaucoup de qualités à la fois. Président de la république, c’est une fonction sérieuse et de lourdes responsabilités qui pèsent sur les épaules d’un seul citoyen, choisi parmi des millions de Sénégalais. De ce point de vue, la fonction a ses exigences. Devant endosser une fonction de représentation et de diplomatie, le talon d’Achille de notre cher président ne devrait point être la communication. Ses conseillers ont donc le rôle et le devoir de déceler ses faiblesses dans ce domaine et lui apprendre à rentrer dans ses discours et à prendre la parole en public, un aspect capital et déterminant de sa mission.

A la vérité, ne devient pas président qui veut. Pour le devenir, le futur chef de l’Etat a été obligé d’aller à la conquête des voix de ses concitoyens. Pour cela, il lui a fallu presque faire le tour du Sénégal, prendre la parole en public, vendre son projet et tacher de convaincre. Surtout qu’il venait de quitter fraîchement la prison. Tout cela pour dire que ce n’est pas une personne muette qui a été élue, mais bien un homme avec des qualités incontestables et qui a été obligé de s’adresser à ceux dont il réclamait les voix. Vue sous cet angle, la communication ne devrait point être un handicap.

Thierno Bocoum nous a, vidéo à l’appui, démontré les couacs enregistrés dans le protocole. Selon la version officielle, le président Bassirou Diomaye Faye aurait attendu pour commencer son discours car son prédécesseur aurait emporté par erreur le texte préparé. Un argument que l’opposant rejette catégoriquement en ces termes : « Cette version est contredite par les images et les faits qui ne coïncident pas avec ce récit officiel. », citant au passage, les précédents orateurs, Joko Widodo, président de l’Indonésie et Albert II de Monaco, qui « sont venus avec leurs discours qu’ils ont emportés en repartant, comme l’ont fait d’autres dirigeants, à commencer par Emmanuel Macron ». Pour Bocoum, il est inacceptable d’insinuer qu’un chef d’État aurait commis une telle erreur de protocole.

Notre président Bassirou Diomaye est homme pondéré, poli et surtout attachant. Mais seulement, il doit faire beaucoup d’efforts en communication, domaine qui semble être un de ses points faibles. Il doit surtout s’évertuer à mieux choisir les personnes de son entourage. Lorsque des observateurs se permettent d’émettre des critiques sur le casting gouvernemental, eh bien, c’est juste pour éviter d’avoir des conseillers qui ne puissent pas efficacement et rigoureusement être à la hauteur de ce sacerdoce qui est celui de servir l’Etat et son chef. Ce d’autant plus que l’image de notre pays est intimement liée à la stature, la prestance et les actes que pose ce dernier.