NETTALI.COM - La chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar a vécu, ce mardi 9 Août, une audience hors normes. À la barre, une dizaine d’individus, accusés d’avoir pris part à une série de cambriolages spectaculaires commis en mars 2019 dans la capitale sénégalaise. Parmi les cibles, le domicile de l’ancien khalife général des mourides, Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké et plusieurs boutiques situées aux HLM. Le parquet a requis des peines allant jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, tandis que la défense a plaidé l’acquittement. Le délibéré est attendu le 11 novembre 2025.
Les faits remontent à la nuit du 6 au 7 mars 2019. Selon l’acte d’accusation, une bande d’une dizaine d’individus aurait multiplié les assauts, s’attaquant successivement au domicile de l’ancien khalife général des mourides puis à plusieurs commerces des HLM. Au domicile du défunt guide religieux, le vigile Diène Diouf a été surpris vers 2 h, maitrisé et roué de coups. L’homme a subi une incapacité temporaire de travail (ITT) de sept jours. Les cambrioleurs ont emporté une somme de 831 000 F CFA, un ordinateur portable et une imprimante.
Le même groupe aurait ensuite pris la direction du marché des HLM. Dans la boutique de Gora Guèye dit Bara Guèye, 96 téléphones portables, trois radios, deux ordinateurs et 55 000 F CFA ont été dérobés. Quelques heures plus tard, c’est Fana Boutique qui a été visée. Là-bas, un coffre-fort contenant 5 685 000 F CFA, un MacBook et une tablette Itel ont disparu. Enfin, chez Fatoumata Bintou Rassoul, installée à HLM Rails-Bi, les voleurs auraient emporté la somme colossale de 14 097 000 F CFA ainsi que deux chèques bancaires. L’un de 10 millions et l’autre d’un million de la CBAO et Ecobank.
Interpellés quelques jours plus tard, les mis en cause avaient, pour certains, reconnu leur participation lors de l’enquête préliminaire ou devant le juge d’instruction. C’est le cas de Thierno Hamzatou Diallo alias “Hamza” et d’Al Seyni Dramé dit “Abass”, qui avaient admis avoir pris part à des vols en compagnie d’Ibrahima Camara dit “Milieu”.
Mais à l’audience, tous ont unanimement contesté les faits, affirmant avoir été brutalisés en garde à vue et contraints de signer des procès-verbaux qu’ils ne reconnaissent pas. “Je n’ai jamais participé à ces cambriolages. On m’a juste demandé de décliner mon identité. Les aveux qu’on m’attribue ne sont pas les miens”, a déclaré Hamza à la barre, contestant même les déclarations faites devant le juge d’instruction.
De son côté, Abass a nié avoir été trouvé en possession d’argent provenant des braquages, affirmant qu’il détenait un million de francs CFA et non 61 500 F comme indiqué dans le dossier. Une version aussitôt recadrée par la présidente du tribunal qui lui a rappelé que cette somme correspondait exactement au montant déclaré volé par l’une des victimes, la commerçante Khadidiatou Konté de Fana Boutique.
Parmi les accusés, certains se distinguent par leur rôle supposé. Amadou Pathé Diallo alias “Vaccin” est décrit par l’enquête comme membre actif de la bande. S’il nie aujourd’hui les cambriolages, il reconnaît avoir été trouvé en possession de chanvre indien. Son nom apparaît cependant dans le dossier du recel, puisqu’il aurait vendu cinq téléphones portables à son acolyte Amadou Sadio Barry. Ce dernier, surnommé “Rasta”, est poursuivi uniquement pour recel. À la police, il avait avoué avoir acheté des téléphones “sans batterie” à Vaccin, au prix de 5 000 F l’unité, tout en reconnaissant connaître la réputation de délinquant de son vendeur.
À l’audience, il a tenté de se dédouaner : “Je ne connais aucun de ces accusés. Je n’ai rien à voir avec ce cambriolage.” Mais l’enquête a révélé que des ordinateurs et téléphones volés avaient bien été retrouvés en sa possession.
D’autres accusés, comme Mamadou Alpha Diallo alias “Jackson”, auraient joué un rôle de guetteur lors des cambriolages. Dans ses déclarations à la police, il avait admis détenir des armes et un arrache-clou, avant de nier en bloc devant le tribunal.
Pour le parquet, les éléments du dossier sont suffisamment concordants. Le procureur a insisté sur la gravité des faits : “Ces individus ont commis des vols en réunion, avec usage d’armes, de violences et de moyens de locomotion. Ils ont terrorisé des vigiles et dépouillé des commerçants de sommes considérables.”
S’appuyant sur les réquisitions téléphoniques, les aveux partiels et les biens retrouvés entre les mains de certains accusés, le représentant du ministère public a requis 20 ans de réclusion criminelle contre la plupart d’entre eux. À l’encontre de Rasta, poursuivi pour recel, il a demandé 15 ans, estimant qu’il “ne pouvait ignorer l’origine illicite des portables et ordinateurs acquis à des prix dérisoires”.
En face, les avocats de la défense ont plaidé l’acquittement. Maitre Diallo a dénoncé un “manque de preuves directes”, soulignant qu’aucun témoin n’avait formellement identifié les accusés sur les lieux des cambriolages. Il a aussi fustigé des “aveux extorqués” sous la contrainte et relevé des incohérences dans les procès-verbaux.
Pour la défense, le dossier repose sur des déclarations fluctuantes et des recoupements incertains, insuffisants pour condamner des prévenus à de lourdes peines de réclusion criminelle. Après plusieurs heures de débats tendus, la chambre criminelle a mis l’affaire en délibéré. Le verdict est attendu pour le 11 novembre 2025.