NETTALI.COM - Nous sommes en Août 2025, exactement dans les mêmes conditions climatiques et les mêmes situations d’inondations, avec son lot de désolations, que durant les années Wade, Macky. Et à la une des journaux, ce sont des situations aussi inquiétantes que désespérantes qui sont relevées.
« Touba paie un lourd tribut aux eaux », un titre signé « Vox populi » du week-end du 23-24 Août, avec Serigne Mountakha qui a donné « instruction à Touba sa Kanam de structurer les opérations de secours aux sinistrés » et cette info supplémentaire, selon laquelle Serigne Habibou Mbacké Falilou « lance un vaste appel au secours à tous les mourides » ; le quotidien « La Tribune » du vendredi 22 Août indique à son tour que « la situation s’aggrave à Touba », où « les pluies du mercredi ont rendu la situation plus compliquée », où « le bassin de Darou Rahmane s’affaisse en augmentant les dégâts » et où encore « les populations appellent au secours et au pompage des eaux » ; Thies n’est pas non plus épargné avec plusieurs quartiers sous les eaux et des axes routiers pris dans les inondations.
Des jours avant, c’étaient les situations de Parcelles-Assainies, Yoff, Thiaroye, Mbour, Kaolack, Touba aussi, Tambacounda etc qui étaient signalé pour avoir subi le même sort, alors que dans d’autres localités, les populations étaient dans la psychose des inondations. Comme à Saint-Louis, où le sommeil des populations des zones inondables de Ndar était hanté par les dernières prévisions de la météo annonçant des pluies et des orages. A Matam aussi, le danger des inondations était imminent, alors que le fleuve n'était plus qu'à 74 cm de quitter son lit. Dans le Dandé Mayoo, les eaux avaient déjà commencé à envahir la forêt et se dirigeaient vers les habitations, avec des populations qui risquaient de vivre à nouveau, le calvaire des crues exceptionnelles de l'année dernière avec son cortège de catastrophes, si des mesures préventives des autorités n'étaient pas prises.
Bref. C’est en tout cas un triste constat de noter que les années passent, les régimes se succèdent et les inondations demeurent. Ce sont toujours les mêmes visites, les mêmes discours et les même promesses d’en finir.
Et en lisant à la Une de « Walf Quotidien » du samedi 16 et dimanche 17 Août, « Eaux de malheur », difficile de ne pas y voir, une volonté du quotidien, de pointer du doigt la désolation et la souffrance qu’engendrent les inondations dans le quotidien des populations. Mais l’on peut en même temps se demander en quoi les eaux de pluie pourraient-elles être une source de malheur, au point de les maudire ? L’on ne va quand même pas se mettre à épiloguer sur le caractère vital de l’eau dans la vie des humains, des animaux, des végétaux et pour notre environnement. A la vérité, elle est plus que cela, une bénédiction de Dieu pour la vie sur terre.
Le grand paradoxe réside, pour peu que l’on se penche sur la question des inondations récurrentes, dans le fait de souffrir de pénuries d’eau, alors qu’on manque l’occasion de les apprivoiser pour pouvoir s’en servir. Ne pas arriver à apprivoiser les eaux de pluie, dans une logique d’utilisation optimale, ne relèverait-il pas finalement d’un manque de sérieux et de volonté évident, surtout pour un pays où le régime précédent a finalement même pris l’option de s’attaquer à la transformation de l’eau de mer pour en faire de l’eau potable ? Un dossier d’ailleurs repris par le gouvernement en place.
Il a en effet suffi d’entendre le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dièye, durant l’hivernage 2024, balancer un « naweet bi du sunu nawet » (« cet hivernage n’est pas celui de notre régime ») pour avoir envie de s’étrangler. On était en 2024 et le nouveau régime venait à peine de s’installer, après quelques mois passés au pouvoir. Un manque d’impréparation qui pouvait, dans une certaine mesure se comprendre, mais sans toutefois excuser le gouvernement. Mais, n’était-ce pas en ce moment-là plus judicieux, pour le ministre chargé de l’assainissement qu’il est, de prendre la pleine mesure de la gravité des inondations, d’anticiper sur ce qui pouvait l’être et de mieux communiquer pour rassurer, au lieu de servir un argument qui n’était rien d’autre qu’une fuite de responsabilités qui ne disait pas son nom ? Un argument qui vaut d’ailleurs à ce cher Cheikh Tidiane Dièye, de subir des railleries sur les réseaux sociaux et dans les médias. Il ne devait en tout cas pas être très inspiré, ce jour-là, notre cher ministre, sans doute gagné par le stress et le désarroi du baptême de feu.
Cette année encore, Cheikh Tidiane Dièye est à peine rentré de voyage qu’il a rallié les Parcelles Assainies afin d’aller s’enquérir de la situation sur le terrain. Dans son discours, il a semblé vouloir pointer aussi la responsabilité des populations qui verseraient des ordures, pendant que l’Etat consent à investir des milliards, chaque année. On l’a vu aussi passer le téléphone à l’Imam Moustapha Amar afin qu’il entende le message de compassion du Premier ministre.
Ce cher Premier ministre, il est bien gentil, mais n’est-ce pas lui qui accablait le régime précédent au sujet des inondations ? « Alors qu’il n’y a même pas de pluies torrentielles ou de ruptures de barrages, il y a des inondations. Un cumul de 93 mm a suffi pour provoquer la situation actuelle. Ce n’est donc pas la pluie qui est exceptionnelle, mais bien la faillite de l’État qui a entraîné ces inondations. Dans certains pays (Chine, États-Unis), pour qu’il y ait inondation, il faut qu’il y ait des ouragans », déclarait Ousmane Sonko, alors qu’il était opposant. Aujourd’hui encore, la situation n’a pas beaucoup changé.
Des populations évoquent de probables causes dans certaines localités
Dans un dossier dédié aux inondations, dans l’édition du lundi 18 Août, le quotidien d’investigation « Enquête » cite le même imam Moustapha Amar qui informe que le quartier de l’Unité 24 où il habite, est situé dans une cuvette et souffre d’un grave problème d’assainissement. Celui-ci note en effet l’impossibilité d’y installer un réseau d’égouts. Une information qui découle de l’Office national de l’Assainissement (Onas). Il a aussi révélé au passage, que 70 maisons sont sans raccordement au système d’évacuation des eaux usées. La question, c’est comment ne pas, dans ces conditions subir d’inondations ?
Dans une autre localité, à Yoff, l’hôpital Philippe Senghor a été comme l’année dernière, envahi par les eaux de pluie. Le secrétaire exécutif du Comité de développement sanitaire du centre de santé Philippe Senghor, Baye Ousseynou Diop, a lui souligné dans « Enquête », l’importance de solutions pérennes. Prenant comme exemple la situation de l’année dernière, le 7 juillet 2024 précisément, lors du passage du ministre Dièye, pour constater les dégâts, il a cité la mise en place d’un plan d’action et un travail qui a été fait sur l’amélioration du système d’évacuation des eaux. Et c’est pour regretter que les solutions proposées à l’époque n’ont été que temporaires et n’avaient pas permis de résoudre le problème de fond. Baye Ousseynou Diop a aussi informé que l’année dernière, l’Onas avait installé une motopompe de grande puissance, mais celle-ci avait été retirée de l’hôpital avant le début de cet hivernage. Ce retrait aurait causé les inondations de cette année. De plus, a-t-il ajouté, le groupe électrogène qui devait alimenter la pompe interne, était en panne. Celui-ci de signaler toutefois que l’hôpital avait pu obtenir un nouveau groupe électrogène « de grande capacité grâce à la diligence du ministre Cheikh Tidiane Dièye et de l’Onas » informant que les agents espèrent que celui-ci ne sera pas retiré après l’hivernage.
Toujours à Yoff, Mbacké Ba, habitant de cette localité, a informé que la présence de sable permettait une meilleure absorption des eaux de pluie, pointant du doigt, les maisons construites à Ouest-Foire, même s’il garde espoir que les autorités apportent la solution.
Dans la même veine, un autre estime que tout cela est la conséquence d’une mauvaise urbanisation, citant « la prédation des terres de l’aéroport, de Ouest-Foire, de Nord-Foire, des Almadies, etc., » comme étant « la seule cause de ce désastre écologique qui affecte dangereusement le cadre de vie », estimant que « Dakar doit être repensé selon la théorie de la destruction créatrice ». Il a également souligné que le pavage des rues, sans canalisations, entraîne la stagnation de l’eau dans les zones plus basses, non sans préciser que l’État étant une continuité, la lutte contre les inondations aurait dû commencer avant la saison des pluies par des actions concrètes.
Des présidents et des visites sur le terrain des inondations…
En déplacement dans les zones touchées par les inondations, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a réaffirmé l’engagement de l’État à soulager les populations affectées, tout en annonçant des projets de long terme pour réduire durablement les risques liés aux intempéries. Il a ainsi insisté sur la nécessité d’actions immédiates, notamment « un pompage à grande échelle pour soulager les populations, que ce soit dans leurs habitations ou dans les lieux de culte », évoquant au passage, des mesures d’atténuation mises en oeuvre pour répondre à l’urgence. Le président a aussi rappelé l’ampleur des changements climatiques qui rend la situation récurrente, estimant qu’il faut des mesures plus structurantes pour une prise en charge efficace. Parmi les mesures en vue, il y a la restructuration des quartiers vulnérables, afin de réduire l’exposition des populations aux inondations. Le président a par ailleurs mis en avant les initiatives du ministère de l’Environnement, qui planche sur un projet de digue de protection le long de la façade maritime, allant de Thiaroye à Bargny, en passant par Mbao, jusqu’à Mbour et Palmarin. Une infrastructure destinée à protéger durablement les zones côtières des assauts de la mer et des effets combinés des pluies et de l’érosion.
Les visites de nos autorités sur le terrain pour partager la souffrance des populations et leurs promesses d’en finir rapidement avec les inondations, sont certes des attitudes normales. Mais, il serait plus indiqué pour elles, d’être plus prévenants et de trouver des solutions pérennes.
Qui ne se souvient pas des images du président Wade qui, de retour de voyage, avait quitté l’aéroport pour rallier directement la banlieue, avant de foncer, confortablement installé dans sa 4 x 4, dans les eaux de la banlieue ? Une visite auprès des populations sinistrées qui l’avaient accueilli, certains par des applaudissements et d’autres avec des brassards rouges pour manifester leur désolation. Une vraie mise en scène à l’époque, digne d’un scénario Hollywoodien.
La suite, on la connaît, le relogement des populations sur le site de Jaxaay à Keur Massar, avait finalement accouché d’un scandale, suite à l’exécution d’un Plan éponyme, avec près de 386 familles qui n’avaient pas été logées. Il y a eu aussi l’affaire des produits phytosanitaires qui avait atterri en justice.
La visite du président Macky Sall, en Août 2012, dans les zones inondées de la banlieue dakaroise, est tout aussi fraîche dans les mémoires. Une visite qui, à l’époque avait été organisée à Guinaw Rail Nord, à l’école Asecna 1 de Yeumbeul qui abritait des sinistrés venant du quartier de Dëk Bë ainsi qu’à Grand-Yoff. Elle avait été relayée par la RTS, avec des habitants rassurés, mais qui avaient toutefois demandé à Macky Sall de tenir ses promesses. Ce dernier avait aussi visité, en septembre 2020, les bottes dans l’eau, les zones inondées dans la banlieue dakaroise, accompagné d'une forte escorte et annoncé l’érection prochaine de Keur Massar particulièrement touchée par les inondations, en département, qui en ferait le 5e de la région de Dakar.
Le Premier ministre Abdoul Mbaye avait aussi été aux premières loges des insolites de cette même année 2012. En déplacement dans la banlieue dakaroise pour visiter les zones inondées, le chef du gouvernement avait vu une de ses chaussures se décoller après quelques heures de marche. On l’avait aussi vu marcher sur des briques pour accéder à l’intérieur du bâtiment de la Direction des Impôts et domaines sise à la Foire, submergée par les eaux. Habillé en tenue de sapeurs-pompiers, de même que ses ministres, Abdoul Mbaye avait visité les lieux, avant de faire un cap sur Yoff, précisément, à l'hôpital Philippe Maguilen Senghor. L'établissement sanitaire avait beaucoup souffert des intempéries. Un mur effondré et de la boue accueillant les visiteurs.
La suite de la visite, on la connaît, le 19 septembre 2012, lors d’un Conseil présidentiel, l’Etat du Sénégal avait établi un Plan décennal de lutte contre les inondations (2012-2022) dont le budget était évalué à plus de 766 milliards F Cfa. Dans certaines localités, il n’y avait certes plus eu d’inondations notées, mais ces dernières subsistent toujours dans d’autres localités, mais naissent également dans d’autres au regard d’un environnement urbain qui change sans arrêt, dans un pays où certains lotissements restent anarchiques et où des zones inondables continuent à être occupées.
L’une des questions que l’on pourrait se poser, c’est comment une localité nommée Parcelles assainies, peut-elle être concernée par les inondations ? De deux choses l’une : soit, il est soit question d’un mauvais choix de nom ; soit les Parcelles ne sont pas aussi assainies qu’on le dit.
L’assainissement n’a besoin que d’une chose : une planification urbaine et rurale intelligente, de l’autorité pour interdire les installations anarchiques dans certaines zones inondables, des ressources financières et des ressources humaines compétentes en ingénierie de l’assainissement, afin de trouver des solutions pérennes et non conjoncturelles.
A la vérité, la location de pompes et autres moyens d’urgence, coûte à la longue bien plus cher qu’un programme viable et pérenne d’assainissement, face à un environnement qui change sans cesse et une population qui s’accroît de jour en jour.