NETTALI.COM - Quelle confusion que celle qui règne à l’heure actuelle dans les rangs de Pastef ! C’est en effet un brouhaha indescriptible qui a vu le jour, sur fond de complaintes tous azimuts, suite à la sortie d’Ousmane Sonko contre le président Diomaye Faye ; le rejet du rabat d’arrêt d’Ousmane Sonko, le 1e juillet, dans l’affaire de diffamation l’opposant à l’ancien ministre Mame Mbaye Niang ; sans oublier la décision rendue le vendredi 25 juillet par le Conseil constitutionnel, censurant quatre dispositions du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Conséquence, tout cela a généré une telle frustration, que certains militants sont même allés jusqu’à réclamer la dissolution du Conseil après la proposition d’un référendum.

Une réaction pavlovienne qui illustre une constante inquiétante : lorsqu’une proposition de texte de loi ou une décision de justice ne convient pas, on s’en prend à ceux qui sont chargés de l’interpréter ou ceux qui l’ont prise. Et pourtant, il suffirait d’un peu de mémoire – ou d’honnêteté politique – pour se rappeler que ce même Conseil constitutionnel a été, ces derniers mois, l’un des principaux remparts contre la dérive institutionnelle en s’opposant aux conclusions du dialogue national et en fixant lui-même, dans un communiqué inédit, la date du scrutin de la présidentielle passée. Sans ces décisions, il n’y aurait probablement eu ni vote, ni alternance et encore moins peut-être de République à sauver.

De même, l’on peut quand même se souvenir qu’en avril 2024, le Conseil avait validé la candidature de Bassirou Diomaye Faye, malgré les pressions d’un régime finissant. Ce geste, salué alors comme un acte de courage, avait ouvert la voie à une alternance démocratique et pacifique. Les mêmes qui applaudissaient alors une institution « digne, indépendante, patriotique » dénoncent aujourd’hui un supposé complot institutionnel, au motif que 4 articles sur 136 ont été jugés non conformes à la Constitution.

Ce qui devient inquiétant, c’est surtout le fait de refuser la règle du jeu lorsqu’elle ne sert pas ses intérêts immédiats. La vérité est que le Conseil constitutionnel ne gouverne pas. Il garantit l’équilibre des pouvoirs. Et si ses décisions peuvent être contestées sur le fond, sa cohérence et son courage institutionnel dans la période récente sont incontestables.

Birame Soulèye Diop, un habitué des sorties de route

L’ambiance actuelle est en tout bien plombée par cette atmosphère de contestations. Et ce n’est pas Birame Soulèye Diop qui dira le contraire. Lui qui avait récemment appelé les jeunes de Pastef à rendre leurs insultes à tous ceux qui oseront insulter Ousmane Sonko à l’université de Saint-Louis. Une sortie qui a quelque chose de choquant. Vraiment choquant ! Des propos d’ailleurs étonnamment accueillis par un tonnerre d'applaudissements, dans un temple du savoir, qui pourtant prône l’excellence. Il y a vraiment de quoi se poser des questions sur ce qui ne tourne pas rond chez certains.

Cette sortie de Birame Soulèye ne l’honore point. Réitérer ses propos lors d’une randonnée pédestre pour dire que c’est le « Gatsa gatsa mooniou indi fii [C’est la confrontation qui nous a menés ici] », le rabaisse encore plus.

La question à se poser, est dès lors de savoir comment on peut n’avoir comme projet que d’épier des insultes dans le seul but de les retourner à leurs auteurs ? A la vérité, il faut vraiment être si peu occupé et enfantin pour perdre son temps dans des entreprises aussi viles que futiles. Pourquoi n’exécuterait-il pas lui-même cette besogne qu’il confie à ces jeunes ?

Après la sortie de l’administrateur du Pastef Birame Soulèye Diop, comment s’étonner de l’attitude de Ibrahima Guèye « Nay Leer » contre qui Bouba Ndour de la TFM avait porté plainte avant de désister de sa plainte dans laquelle, il avait accusé celui-ci de menaces et d'intentions d'attaquer et d'incendier le Groupe Futurs Médias (GFM) ? Placé dans un premier temps en garde à vue, le sieur Guèye avait été libéré. Réagissant à cette plainte, un certain Dieng également de Pastef avait menacé d’aller, avec ses camarades, incendier la TFM, si jamais, la police arrêtait Ibrahima Guèye. Il finira par présenter ses excuses, suite à sa vidéo virale et d’après lui, après de nombreux appels de camarades et proches.

Tout cela ne montre qu’une chose, il y a un certain d’esprit qui règne dans certains milieux pastéfiens avec des militants très émotifs qui pensent devoir bander les muscles à chaque fois que quelque chose semble aller à l’encontre de la philosophie du projet.

Ibou Fall, dans sa chronique sur I-radio semble d’ailleurs donner raison à Ousmane Sonko, lorsqu’il a dit que ce pays souffre d’un manque d’autorité. Il pense qu’il « réside dans cette foucade de Birame Soulèye Diop, une évidence bien inquiétante : la mystique du devoir et le culte du travail n’habitent pas celui qui occupe la si prestigieuse fonction de ministre de la République chargé, excusez du peu, de l’Énergie, du Pétrole et des Mines ». Avant de verser dans l’ironie en ces termes « Y a pas plus explosif comme ministère… »

Mais heureusement qu’il y a eu des responsables du parti au pouvoir qui n'ont pas hésité à dénoncer la sortie de Birame Soulèye Diop. Pour eux, il appartient à la Justice de faire appliquer la loi contre les insulteurs et non le contraire. Parmi les pourfendeurs de Birame Soulèye Diop, Lamine Niang, responsable Pastef et non moins Directeur général du quotidien national "Le Soleil". "Dans un temple du savoir, on encourage la force des arguments et la bataille des idées. Revenons à l’orthodoxie idéologique de Pastef. L’émotion est mauvaise conseillère", a-t-il posté sur Facebook.

Birame Soulèye Diop ne doit certainement pas avoir compris qu’être au service de ses concitoyens, est un honneur qui est fait à tout Sénégalais nommé à une responsabilité publique. Il ignore sans doute que sa charge de ministre de la république implique une responsabilité supplémentaire, celle de se montrer exemplaire en toutes circonstances, à travers un comportement et des actes plus responsables que ce qu’il montre.

Waly Diouf Bodian, un sacré numéro !

Sacré pays du feu président-poète, Senghor, voilà où nous en sommes aujourd’hui ! Réduits à devoir banaliser tous les symboles de la république, la sacralité de l’Etat et à vouloir se rendre justice soi-même. Comme cette posture inacceptable de Waly Diouf Bodian qui ne rate aucune occasion pour se pavaner dans les réseaux sociaux et se défouler sur les opposants, la justice, la presse et la société civile. Comme lorsqu’il demande, suite à la décision du conseil constitutionnel, de le dissoudre tout simplement. Le Directeur général du Port Autonome de Dakar est en effet convaincu que, pour rester au pouvoir jusqu’en 2050, comme Pastef le souhaite, il faut surtout régler leurs comptes aux dignitaires de l’ancien régime et neutraliser les forces non soumises.

Au-delà des crimes qu’il ne cesse d’invoquer, en bafouant le principe de la présomption d’innocence, le « procureur de Pastef » n’hésite pas à coller aux anciens dirigeants le “délit de richesse”. « Dans la presse, les réactions coordonnées et alignées, suite à la déclaration de Birame Soulèye en disent long sur l’entreprise largement financée et conduite contre le projet. Il serait naïf de penser que ces gens ne s’organisent pas pour manipuler l’opinion », écrit-il.

Ancien chargé de la sécurité d’Ousmane Sonko dans le parti Pastef, il a une façon bien singulière de traiter toutes les voix discordantes dans l’espace public. À l’entendre, c’est comme si tous ceux qui n’adoubent pas le “projet” sont de mauvais patriotes qu’il faut combattre.

Outre la presse, il semble aussi en vouloir sérieusement à certaines organisations de la société civile qui, pour lui, sont “l’illustration parfaite d’une forme ancienne de parasitisme”, déclarant ainsi que l’activité de cette société civile “se résume à se mêler très opportunément des questions pour en tirer un profit inavouable ».

L’érection d’une police de la pensée !

Le Pastef est au pouvoir, mais continue à agir comme s’il est toujours dans l’opposition. Ceux qui osent ouvertement critiquer Ousmane Sonko ou le Pastef, devront faire face aux fatwas décrétées dans les réseaux sociaux. La sentence est de subir 72 sales heures d’assauts. Y compris jusque dans les rangs de Pastef. Ousseynou Ly de la communication de la présidence de la république en a d’ailleurs fait les frais dans les réseaux sociaux parce qu’il avait commis l’imprudence de souhaiter un bon anniversaire à Ousmane Sonko, autour de 22 heures. Ce qui avait été interprété par d’aucuns comme un choix de son camp (celui de Diomaye), certains arguant, à l’appui de leur complainte, que c’est Ousmane Sonko qui l’a « pourtant fait élire à ce poste ». Et lors de sa sortie sur la 2 STV, Ly fera en substance savoir qu’une autorité doit pouvoir dire ce qu’il a à dire, là où il doit le dire et non sur la place publique. Un commentaire qui lui attirera quelques ennuis avant qu’il ne soit obligé de repréciser sa pensée.

Sacrée police de la pensée que cette posture qui consiste à faire taire toutes les voix critiques et discordantes !

De l’eau a hélas coulé sous les ponts. Utilisées dans le cadre d’une stratégie de communication numérique, « les 72 heures » étaient très redoutées lorsque le Pastef était dans l’opposition. Le principe était simple. Il s’agissait de mobiliser militants et sympathisants sur les réseaux sociaux pendant trois jours pour déconstruire une fausse information, s’abattre contre tout impertinent ou valider une vérité, et ainsi contrer le narratif de l’ancien régime de Macky Sall. C’était à l’époque une arme politique efficace face à un pouvoir accusé de manipuler l’opinion publique. Aujourd’hui que le pastef est au pouvoir, ces “72 heures” semblent désormais se retourner contre le parti, avec des exemples qui parlent d’eux-mêmes. La campagne des 72 heures contre la TFM a par exemple suscité plus de critiques que d’adhésion. Dans le cas de Pape Ngagne N’Diaye, elles n’ont pas réussi à déstabiliser le journaliste, la mobilisation ayant renforcé l’image d’un parti qui cherche à faire taire des journalistes.

Il est d’autant plus difficile de savoir ce que l’on reproche au père de Pape Ngagne Ndiaye ? D’avoir contribué au rayonnement de notre patrimoine culturel ? Il a en tout cas été victime d’attaques, sur fond de dénigrement et de calomnie en tous genres, suite à une prise de position que le journaliste a eu. Ce dernier a en effet prêché pour le débat contradictoire dans les médias, avec la force des arguments, rejetant au passage ce boycott prôné par Ousmane Sonko qui a demandé à ne pas se rendre sur les plateaux où l’on combat son parti. Pour le journaliste, si d’aventure, il venait à se rendre compte que le Pastef est combattu au sein du Groupe futurs médias de Youssou Ndour, il n’y resterait pas une seconde de plus ; de même, si l’on devait y chanter les louanges du Pastef, sa posture serait la même. Une situation qui a conduit beaucoup d’internautes dans les réseaux sociaux à soutenir Pape Ngagne Ndiaye et à rendre hommage à son père pour sa contribution à notre patrimoine culturel.

De plus, depuis que le changement de régime a eu lieu, le contrôle des réseaux sociaux n’est plus la chasse gardée du Pastef. L’opposition a aussi appris à les apprivoiser et s’est lancée dans une confrontation avec le Pastef. C’est cela qui semble gêner le parti d’Ousmane Sonko qui se trouve dans la position de celui qui est critiqué.

Au-delà, la question est de savoir pourquoi des personnes nichées dans les réseaux sociaux, se croient-ils autorisées à dicter leurs opinions aux autres ; voire de chercher à faire remplacer un ministre ? Savent-ils seulement que le ministre de la justice est juste en charge de l’administration de la justice et n’est pas juge dans la position où il est pour décider du cours de la justice ? Que reprochent-t-ils au ministre de l’Intérieur, le général Jean Baptiste Tine ? Sa liberté et son discernement ? Lorsque le Premier ministre Ousmane Sonko déclarait que les deux sont des autorités politiques, il n’avait certainement pas tort, mais il s’agit pour ceux qui s’agitent dans les réseaux sociaux, de comprendre que ces deux ministères ne doivent pas être les bras armés de quelque régime que ce soit.

L'affaissement du niveau des politiques et des débats

Ce pays a changé. Vraiment changé. Dans le mauvais sens du terme. Ce sont désormais le paradigme musculaire, la violence verbale, le dénigrement et les attaques personnelles qui structurent le débat public. Il n’existe plus de débats programmatiques et les plateaux sont transformés en lieux d’affrontements.

Disons que la politique s’est gravement dépréciée sous nos tropiques, alors que dans le même temps, le niveau des hommes politiques a fortement baissé. De ce point de vue, il y a une nette différence entre les hommes politiques actuels et leurs aînés qui jouissaient d’une grande culture politique et d’une bonne formation dans les écoles de partis. Et même s’ils n’étaient pas tous des hommes politiques, la composition mixte hommes politiques et citoyens patriotes qui avaient face au régime de Wade, avait réussi à faire voir le jour au projet de réforme des institutions. Parmi eux figuraient des hommes à l’intégrité reconnue : Amadou Makhtar Mbow, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Mamadou Lamine Loum, etc.

Ceux-là grâce à leur génie et leurs connaissances de la politique, de la sociologie et psychologie politiques sénégalaises, avaient réussi à produire un document synthétique de référence, à travers une approche inclusive de tous les pans de la société sénégalaise, dans le cadre des Assises nationales, dans la transpiration et l’éthique discursive. On oublie souvent que la politique n’a pas commencé dans ce pays en 2012, ni en 2019 et encore moins en 2024. Et qu’à des moments déterminés de la vie de cette jeune nation, les vertus de la discussion et l’intelligence consensuelle ont régulièrement pris le dessus sur les instincts basiques, guerriers, fermés et souvent suicidaires.

Il est d’ailleurs bien incompréhensible, avec toute l’expérience politique acquise par notre pays, depuis plus d’un siècle, qu’on en arrive là. Et que nos hommes politiques se prennent encore et toujours pour des demi-dieux sortis de la cuisse de Jupiter ou des messies sans qui le Sénégal ne sera pas sauvé de la pauvreté.

Il sera en tout cas bien difficile de trouver un opposant de la trempe d’Abdoulaye Wade qui a effectué une telle traversée du désert pour avoir passé 26 ans dans l’opposition. Qui pouvait mobiliser autant que Wade ? La suite, on la connaît, il avait été battu par Macky Sall, après en avoir fait une victime.

L’illusion des foules ne doit en aucun cas conduire le Pastef à l’amnésie et surtout à croire que les 54% de Sénégalais qui ont voté pour la coalition « Diomaye Président » lui sont définitivement acquis. De plus, il s’agit de comprendre que ceux qui ont en majorité voté lors de la présidentielle, ne militent pas dans les partis politiques. Ce qui veut dire que d’une certaine manière, cette dictature du parti qui cherche à avoir une prégnance dans la gouvernance publique, se trompe de chemin. Il s’agit dans la gestion de ce pays, de s’ouvrir à tous les Sénégalais compétents dans une logique d’amener la barque Sénégal à bon port. Cette tentation de terreur sur les réseaux sociaux et le sectarisme prôné, ne peuvent conduire nulle part, sinon à accentuer les clivages et à freiner les transformations à amorcer et qui ne peuvent se faire que dans une ambiance sereine, de débat et d’ouverture.

Ce pays a assurément besoin d’être réconcilié. Et le président Diomaye a appelé de son vœu, la culture de la paix, dans le but également d’attirer les investisseurs. Ce qui veut dire que si ses collaborateurs du régime actuel souhaitent l’accompagner dans cette voie, ils doivent s’inscrire dans une logique de fourniture de réponses concrètes qui découleront des résultats de leur travail, plutôt que de continuer à se lancer dans des polémiques et querelles partisanes stériles, tout en oubliant d’assumer leur rôle. Waly Diouf Bodian, Fadilou Keïta, Birame Soulèye Diop, etc sont plutôt attendus sur leurs résultats que dans cette présence permanente sur les réseaux sociaux.

Les Sénégalais attendent de ce régime, la concrétisation de ses promesses, telle cette rupture tant chantée. Les Sénégalais ne savent certainement pas élire, mais ils savent dégommer. Patients aussi, ils le sont, mais lorsqu’ils vous lâchent, vous ne les voyez jamais venir.