NETTALI.COM - À peine installé au sommet de l’État, le duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko voit déjà poindre les premières fractures internes. La situation politique actuelle offre un cas d’école sur les tensions inévitables entre leadership révolutionnaire et réalités institutionnelles.
Selon l’enseignant-chercheur Dr Demba Gueye, ces tensions pourraient menacer sérieusement l’avenir politique de Sonko, pris en étau entre son statut de chef historique du Pastef et l’ascension institutionnelle de Diomaye Faye, aujourd’hui Président de la République.
Dans tout régime où le pouvoir se partage entre un chef de parti et un chef d’État issu du même camp, le risque de rivalité existe. Ce qui n’était qu’une complémentarité militante sous la persécution judiciaire de l’opposition devient un dualisme politique ambigu une fois le pouvoir conquis.
Ousmane Sonko, artisan principal de la dynamique PASTEF, voit en Diomaye Faye un président légitime mais aussi un rival potentiel pour 2029. D’autant plus que Diomaye, en incarnant l’exercice effectif du pouvoir et en capitalisant sur la fonction présidentielle, pourrait très vite éclipser son mentor sur la scène nationale et internationale.
Des clans qui cristallisent les tensions
Comme le note Dr Gueye, les clans existent dans tous les partis. Mais dans le cas du PASTEF, ces clans prennent une dimension inédite, car ils ne se contentent pas de divergences idéologiques : ils structurent le pouvoir autour de deux figures concurrentes aux ambitions difficilement conciliables.
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Le clan Sonko, constitué de fidèles historiques, d’une base militante radicale et de certains leaders régionaux, tient à maintenir Sonko comme figure tutélaire du mouvement.
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Le clan Diomaye, pragmatique et institutionnel, est porté par la posture de chef d’État et les réalités de la gestion gouvernementale, avec des cadres qui pourraient privilégier la stabilité républicaine à la radicalité révolutionnaire.
La récente décision de la Cour suprême a relancé la question de l’éligibilité d’Ousmane Sonko à tort, Ousmane Sonko et ses alliés pensant même que 2029 pourrait se jouer sans lui, et que dans cette hypothèse, Diomaye Faye, en président sortant, bénéficierait d’une dynamique naturelle de reconduction.
Cette situation alimente ses tentatives actuelles de reprise en main du parti, de recentralisation du pouvoir militant et de verrouillage de certains réseaux d’influence.
Un scénario de scission possible
Si le parti n’arrive pas à gérer cette cohabitation et cette succession programmée, une scission du PASTEF est envisageable à moyen terme. Une partie du mouvement pourrait alors rester fidèle à Sonko, tandis qu’une autre basculerait derrière un Diomaye Faye, devenu chef de file naturel d’une nouvelle génération politique institutionnelle.
Ousmane Sonko vit aujourd’hui ce que beaucoup de leaders charismatiques ont connu en accédant au pouvoir : l’usure de l’unanimisme militant et l’émergence des ambitions concurrentes. L’avenir du Premier ministre dépendra de sa capacité à :
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gérer son image dans l’opinion ;
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neutraliser les clans sans provoquer de fracture ;
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et préserver un équilibre avec la présidence de Diomaye Faye sans tomber dans une lutte de leadership prématurée.
Le risque est grand de voir le PASTEF, né d’une exigence de rupture, reproduire les querelles de leadership classiques des partis africains arrivés au pouvoir.