NETTALI.COM - Les Chambres réunies de la Cour suprême du Sénégal ont mis un terme ce 1er juillet 2025 à l’un des dossiers politico-judiciaires les plus suivis de ces dernières années : l’affaire de diffamation opposant Ousmane Sonko à l’ancien ministre Mame Mbaye Niang. La haute juridiction a statué sur le recours en rabat d’arrêt introduit par les conseils du Premier ministre sénégalais et l’a rejeté, condamnant Sonko aux dépens. Retour sur les enjeux et les arguments des différentes parties.

Le 8 mai 2023, la Cour d’appel de Dakar avait condamné Ousmane Sonko à six mois de prison avec sursis et à 200 millions FCFA de dommages et intérêts pour diffamation, injures publiques et usage de faux à l’encontre de Mame Mbaye Niang.

Un pourvoi en cassation a ensuite été formé devant la Cour suprême, qui, le 4 janvier 2024, a rendu un arrêt annulant la contrainte par corps au motif que l’infraction pouvait être assimilée à une infraction politique, tout en maintenant les intérêts civils.

Le rabat d’arrêt : une procédure exceptionnelle invoquée par Sonko

Dissatisfaite de cet arrêt, la défense d’Ousmane Sonko a saisi les Chambres réunies de la Cour suprême d’un recours en rabat d’arrêt, procédure exceptionnelle prévue par l’article 52 de la loi organique sur la Cour suprême. Elle vise à faire annuler un arrêt définitif de la Cour suprême en cas de vice de procédure grave et non imputable au requérant.

Dans un mémoire de 17 pages, les avocats d’Ousmane Sonko ont soulevé quatre erreurs procédurales majeures :

  1. Rejet illégal de l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 260 du Code pénal, qui, selon eux, aurait dû être transmise au Conseil constitutionnel.

  2. Violation de l’article 53 de la loi organique sur la Cour suprême pour avoir statué sans renvoi malgré une cassation partielle.

  3. Insuffisance de motivation juridique de la décision.

  4. Ajout irrégulier d’une mention ordonnant l’exécution à la diligence du Procureur général.

Ils ont ainsi demandé soit le renvoi de l’exception au Conseil constitutionnel, soit la cassation totale de la décision du 8 mai 2023.

La riposte de Mame Mbaye Niang et le rejet de la requête

Le 14 mars 2024, les avocats de Mame Mbaye Niang ont, dans un mémoire de huit pages, demandé le rejet pur et simple du recours. Ils ont considéré :

  • Que la requête était irrecevable, le rabat d’arrêt ne pouvant pas servir à remettre en cause un arrêt statuant sur le fond.

  • Que les vices allégués étaient inexistants ou imputables au requérant.

  • Que l’exception d’inconstitutionnalité avait été soulevée hors délai et que la cassation sans renvoi était juridiquement fondée au regard de l’article 53.

Ils ont accusé Ousmane Sonko de tenter de détourner la procédure pour obtenir un nouvel examen de son dossier par la Cour.

La position du parquet général et l’amnistie comme paramètre déterminant

Le procureur général près la Cour suprême a, de son côté, estimé que la requête était devenue sans objet depuis la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024, qui couvre les faits reprochés à Sonko. Cette loi a effacé les infractions commises à des fins politiques entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, rendant sans effet les conséquences pénales et civiles de cette affaire.

Décision finale et conséquences

Ce 1er juillet 2025, les Chambres réunies ont confirmé le rejet du rabat d’arrêt et condamné Ousmane Sonko aux dépens. La décision est définitive.

Sur le plan juridique, cette procédure exceptionnelle s’achève donc sans impact nouveau pour Ousmane Sonko. Sur le plan politique, elle ne remet pas en cause ses droits civiques et politiques, déjà restaurés par la loi d’amnistie de mars 2024. Il conserve ainsi pleinement sa qualité de Premier ministre et sa capacité à briguer des mandats électifs.

Un débat médiatique désormais dépassé

Il convient enfin de souligner que relancer, à la lumière de cette décision, le débat sur l’éligibilité d’Ousmane Sonko est juridiquement infondé. La loi d’amnistie a éteint cette condamnation et ses conséquences légales. Cette procédure n’avait pour objet que la régularité procédurale de l’arrêt du 4 janvier 2024, dans un dossier désormais vidé de ses effets par l’amnistie.

Par cette décision du 1er juillet 2025, le dossier judiciaire Sonko-Niang est définitivement clos. Si cette affaire illustre l’intensité des batailles politico-judiciaires au Sénégal ces dernières années, elle montre aussi que les procédures d’exception ont leurs limites face aux dispositifs légaux.