NETTALI.COM - Le ministère des Finances et du Budget a publié les rapports d’exécution budgétaire du quatrième trimestre 2024 et du premier trimestre 2025. Une publication attendue, qui met en lumière les fragilités structurelles persistantes des finances publiques sénégalaises. Selon l’économiste Amath Ndiaye, professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’UCAD, le Sénégal entame 2025 avec des finances sous très forte pression.

Au 31 mars 2025, les recettes totales atteignent 1 027,82 milliards FCFA, en hausse de 9,7 % par rapport à la même période de 2024. Les recettes fiscales affichent 960,26 milliards FCFA (+11,6 %), tandis que les recettes non fiscales progressent à 59,56 milliards FCFA (+24,4 %).

Cependant, les ressources extérieures s’effondrent : 0 FCFA de dons budgétaires mobilisés sur 45 milliards prévus, et à peine 8 milliards de dons en capital sur 200 milliards, soit un maigre 4 %. En tout, 3,27 % seulement des ressources extérieures attendues ont été mobilisées, bridant sévèrement les financements d’investissement.

Dépenses : des charges en hausse et un investissement public en panne

Les dépenses s’élèvent à 1 419,45 milliards FCFA, avec une hausse notable des dépenses ordinaires à 1 130,89 milliards FCFA, dont :

  • 225,24 milliards FCFA pour le service de la dette (+24 %)

  • 357,07 milliards pour la masse salariale (+1 %)

  • 463,93 milliards pour les transferts courants (+15,2 %), dopés par les subventions à l’énergie et à l’enseignement supérieur.

En revanche, les dépenses en capital chutent à 288,57 milliards FCFA, en baisse de 42,2 milliards. Plus inquiétant encore : les investissements financés sur ressources internes plafonnent à 2,64 milliards FCFA sur 308,25 milliards prévus, soit un taux d’exécution de seulement 0,86 %.

Un déficit budgétaire hors de contrôle

Le déficit budgétaire en 2024 a atteint 2 500,95 milliards FCFA, soit 12,6 % du PIB, dépassant la prévision de 11,1 %. Et pour 2025, la trajectoire reste largement au-dessus de la norme communautaire UEMOA de 3 % à atteindre d’ici 2027, malgré des engagements pris. Le recours au marché régional et international devient onéreux, avec des taux de 10 à 12 % à l’international contre 6-7 % dans la zone UEMOA.

Pour le Pr Amath Ndiaye, le retour à l’équilibre budgétaire est devenu une urgence nationale. Il recommande un plan de redressement budgétaire ambitieux, avec ou sans le FMI :

  • Réduction des subventions inefficaces

  • Maîtrise des dépenses de fonctionnement

  • Réallocation des investissements vers les secteurs à fort rendement économique

  • Protection des couches sociales vulnérables

« Sans rigueur budgétaire, le Sénégal court un risque élevé de surendettement, ce qui compromettrait l’emploi des jeunes, la croissance et la Vision 2050 », avertit-il.

Le Pr Ndiaye conclut que « ce redressement nécessitera du courage politique, car il impliquera des décisions socialement délicates, mais elles demeurent incontournables pour préserver la stabilité macroéconomique et un développement endogène durable ».