NETTALI.COM - C’est avec un ton ferme et engagé que Daouda Mine, président de la Commission de la Carte de Presse Nationale, s’est exprimé lors des journées de concertation sur le secteur de la communication. Dans une allocution dense et sans détour, il a défendu une lecture rigoureuse du Code de la presse sénégalais, appelé à une responsabilisation collective des acteurs du secteur et plaidé pour une réforme en profondeur, notamment sur la dépénalisation des délits de presse.
Formation et accès à la profession : un rappel aux règles
Dès les premières minutes de son intervention, Daouda Mine a tenu à clarifier les conditions d’accès au statut de journaliste, telles que définies à l’article 4 du Code de la presse. Il a rappelé que ce statut est réservé à ceux issus d’écoles de journalisme reconnues, ou, à défaut, aux titulaires d’une licence dans n’importe quelle discipline, à condition d’avoir intégré une rédaction pendant deux ans avant de passer devant la Commission de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Il a aussi souligné que la loi de 2017 prévoyait une disposition transitoire de dix ans – valable jusqu’en 2027 – permettant à ceux déjà en exercice sans diplôme requis mais avec dix ans d’expérience de faire valider leur parcours.
Vers une presse plus responsable
Revenant sur les travaux des trois jours de concertation, Daouda Mine a salué la qualité des échanges tout en dressant un constat sévère de la situation : la montée en puissance de chroniqueurs non régulés, la précarité économique des entreprises de presse et l’effritement de la rigueur professionnelle.
« Nous avons une presse sous pression, minée par des acteurs qui ne respectent ni les règles ni les valeurs du métier », a-t-il martelé, appelant à un sursaut éthique et professionnel.
Il a également insisté sur la responsabilité partagée entre patrons de presse, journalistes et État. Les employeurs doivent recruter et former des professionnels qualifiés, les journalistes doivent maîtriser les bases de leur métier et connaître leurs droits et devoirs, et l’État, lui, doit créer un environnement économique propice au développement des médias.
Le Code de la presse : une base à améliorer, non à supprimer
Loin de rejeter le Code de la presse adopté en 2017, Daouda Mine en a défendu la pertinence, tout en reconnaissant la nécessité de le moderniser. « Ce code est une solution, pas un problème », a-t-il affirmé. Il a plaidé pour son adaptation aux réalités actuelles, notamment à l’ère numérique, à travers l’intégration de nouveaux défis comme la désinformation et l’encadrement de la presse en ligne.
Mais surtout, il a mis en garde contre les risques liés à l’application de certaines dispositions pénales du code. À ses yeux, le maintien de peines privatives de liberté pour des infractions techniques, comme l’absence de dépôt légal ou la diffusion de fausses nouvelles, est un anachronisme.
« Si on demande l’application intégrale du Code tel qu’il est, des journalistes iront en prison. Il faut remplacer ces sanctions par des peines pécuniaires », a-t-il proposé, en appelant à une réelle dépénalisation des délits de presse.
Un appel à une collaboration sincère
En guise de conclusion, Daouda Mine a lancé un appel à l’unité et à la responsabilité. Il a souhaité que ces concertations débouchent sur des réformes concrètes, dans un esprit de collaboration entre les autorités et les professionnels de la presse. « Nous avons le même rôle : servir la population sénégalaise avec une information de qualité, critique, complète et responsable », a-t-il rappelé.
Ces propos sonnent comme un avertissement, mais aussi comme un espoir : celui d’un secteur médiatique sénégalais plus fort, plus éthique et mieux préparé à relever les défis de demain.
Kémo DAFFÉ