NETTALI.COM - Le contentieux qui oppose l’État du Sénégal à Woodside devant le Cirdi dépasse le cadre d’une simple affaire de réclamation fiscale. Bien au contraire, il s’inscrit dans un contexte politique marqué par la volonté affichée des nouvelles autorités de rééquilibrer les rapports de force économiques avec pour objectif d’avoir un contrôle sur la gestion sur ses ressources naturelles nationales. Une bataille risquée et à forts enjeux.

Lorsque le fisc sénégalais a notifié à Woodside un redressement fiscal de 41 milliards FCFA lié à l’exploitation du champ pétrolier offshore Sangomar, il ne voyait certainement pas venir un différend qui dépasserait le cadre administratif pour se transformer en affrontement juridique. La décision de la multinationale australienne de porter l’affaire devant le Cirdi, instance internationale d’arbitrage, ouvre désormais un chapitre historique, mais également sensible dans la gouvernance des ressources naturelles du pays, alors que : « Woodside est convaincu d’avoir agi conformément aux réglementations applicables, au contrat de partage de la production de Sangomar et à l’accord avec le gouvernement hôte, et qu’il n’y a pas d’impôts en suspens à payer. »

Depuis son arrivée à la tête de l’État, Bassirou Diomaye Faye, porté par l’élan réformateur et souverainiste d’Ousmane Sonko, a multiplié les signaux de fermeté dans la gestion du secteur extractif. C’est ainsi que le pouvoir actuel s’est inscrit dans l’optique de renégocier certains contrats conclus sous Macky Sall et jugés désavantageux pour le pays, dans le but d’instaurer une gouvernance plus transparente, plus équilibrée et souveraine des ressources pétrolières et gazières.

Dans ce contexte, l’affaire Woodside représente bien plus qu’un litige fiscal, elle constitue un test de crédibilité pour le nouveau régime quant à sa capacité à défendre les intérêts nationaux face aux géants de l’industrie énergétique mondiale.
Des implications économiques et diplomatiques majeures

Mais à la vérité, derrière ce bras de fer juridique, se jouent des intérêts colossaux. Le projet Sangomar, premier champ pétrolier offshore en production au Sénégal, représente un investissement de plus de 6 milliards de dollars. Toute tension autour de son exploitation peut susciter des craintes chez les investisseurs internationaux, à un moment où le Sénégal cherche à asseoir sa place parmi les nouvelles destinations pétrolières d’Afrique de l’Ouest.

Diplomatiquement aussi, l’affaire est sensible. Le recours à une instance arbitrale internationale comme le Cirdi témoigne de la méfiance persistante des multinationales à l’égard des réformes surtout qualifiées de souverainistes en Afrique. Un verdict défavorable au Sénégal serait perçu comme un coup d’arrêt pour les velléités de renégociation contractuelle de Diomaye Faye et Sonko. À l’inverse, une décision favorable conforterait leur posture et donnerait le ton pour d’autres révisions d’accords.

Ce contentieux pose ainsi la question cruciale de la place du droit international des investissements face aux revendications de souveraineté économique des États africains. Un cas sénégalais qui pourrait faire jurisprudence et inspirer d’autres pays producteurs de pétrole et de gaz, désireux de mieux encadrer les conditions d’exploitation de leurs ressources.

Dans ce bras de fer qui s’annonce long et stratégique, le Sénégal joue donc bien plus qu’un simple contentieux fiscal : il défend le principe même de sa souveraineté économique et la légitimité de sa politique de gouvernance des ressources naturelles. Mais attention, il s'agit là d'une équation loin d'être simple à résoudre.