NETTALI.COM - Arrêté le 16 mai 2025, l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle de 2024, Succès Masra, a été placé en détention provisoire ce mercredi à N’Djamena. La justice tchadienne le soupçonne notamment d’incitation à la haine et de complicité dans le massacre de 42 civils à Mandakao. Ses avocats dénoncent un procès politique.
L’opposant tchadien Succès Masra, ancien Premier ministre et chef du parti Les Transformateurs, a été officiellement placé en détention provisoire ce mercredi 21 mai 2025, près d’une semaine après son arrestation. Cette décision judiciaire intervient dans un contexte politique particulièrement tendu au Tchad, où les tensions communautaires et les affrontements politico-ethniques se sont accentués depuis l’élection présidentielle contestée de 2024.
Des accusations lourdes et un contexte explosif
Arrêté le 16 mai dernier, M. Masra est poursuivi pour des chefs d’inculpation graves : incitation à la haine et à la révolte, constitution et complicité de bandes armées, complicité d’assassinat, incendie volontaire et profanation de sépultures. Selon la justice tchadienne, il serait impliqué dans le massacre de 42 civils — majoritairement des femmes et des enfants — survenu le 14 mai à Mandakao, dans la région du Logone-Occidental, dans le sud du pays.
Ses avocats, Mes Oumdade Yagoua et Ngolé Mannro, ont indiqué que leur client, qui était en garde à vue depuis son interpellation, a été déféré au parquet puis présenté à un juge d’instruction avant que soit ordonnée sa mise en détention provisoire.
Un message audio controversé et des accusations de manipulation
Au cœur du dossier à charge figure un message audio attribué à Succès Masra, datant supposément de mai 2023, dans lequel il aurait encouragé ses partisans à prendre les armes. Selon la traduction officielle de cet enregistrement en langue ngambaye : « Apprenons-nous les uns et les autres à utiliser une arme à feu. Que ce soit fille ou garçon, que ce soit femme ou homme… soyons tous des boucliers protecteurs ».
Ses partisans dénoncent cependant un « montage grossier » et un « mensonge d’État » visant à neutraliser une figure politique montante. Dans un communiqué diffusé dimanche, ils ont estimé qu’il s’agissait d’une manœuvre d’intimidation orchestrée par un pouvoir inquiet de la popularité du leader des Transformateurs, qu’ils considèrent comme « le vainqueur réel de la présidentielle de 2024 ».
Un retour d’exil et des tensions communautaires persistantes
Succès Masra avait bénéficié d’une loi d’amnistie générale incluse dans l’accord de réconciliation de Kinshasa en février 2024, après plusieurs mois d’exil à la suite de la répression meurtrière d’une manifestation de ses partisans en octobre 2022. Son retour au Tchad et sa participation à l’élection présidentielle avaient ravivé les clivages politiques et communautaires.
Originaire du sud du pays et issu de l’ethnie ngambaye, M. Masra bénéficie d’un fort soutien dans cette région majoritairement chrétienne et animiste, qui se plaint depuis des années d’être marginalisée par le pouvoir central de N’Djamena, dominé par les populations du nord, à majorité musulmane.
Des conflits agro-pastoraux meurtriers
Le sud tchadien, théâtre du massacre de Mandakao, reste la région la plus affectée par les conflits intercommunautaires, liés à la cohabitation difficile entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires. D’après les Nations unies et l’International Crisis Group, ces violences ont causé plus d’un millier de morts et quelque 2.000 blessés entre 2021 et 2024.
Dans ce climat tendu, le procès annoncé de Succès Masra s’annonce explosif. Son parti a déjà prévu de réagir publiquement lors d’une conférence de presse à 16h00 locales ce mercredi.