NETTALI.COM - La volonté des députés de Benno Bokk Yaakaar (BBY ) d’assumer leur nouveau rôle d'opposants semble ouvrir la voie à une possible collaboration avec le nouvel Exécutif. Mais la possibilité d’élections législatives anticipées pourrait reconfigurer les alliances au sein d’une majorité parlementaire aujourd’hui sans leader.

Après la passe d’armes entre le chef de la majorité à l’Assemblée nationale, Abdou Mbow, et Moustapha Sarré, le porte- parole du gouvernement, concernant un possible dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement de Sonko I, les parlementaires de Benno Bokk Yaakaar semblent s’inscrire dans le dialogue et la concertation avec le nouveau régime.

À l’issue de leur rencontre du 23 avril dernier à l’Assemblée nationale, le groupe parlementaire, dans un communiqué, affirme être "plus que jamais déterminé à assumer son rôle et ses missions en toute responsabilité et en ayant pour seule boussole la République et les intérêts du Séné- gal et des Sénégalais", peut-on lire dans le document.

Cette volonté d’avoir une posture républicaine pourrait s’expliquer, selon les spécialistes, par l’épée de Damoclès qui plane sur cette 14e législature.

En effet, l’Assemblée nationale, qui va célébrer ses deux années d’exercice, pourrait être dissoute à partir de septembre 2024. Le nou- veau pouvoir du duo Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko, qui entend faire passer ses réformes, pourrait ainsi se contenter d’une certaine cohabitation avec BBY autour des alliances de circonstance pour faire voter ses réformes.

Les députés de la majorité craignent des élections anticipées qui pourraient déboucher sur une reconfiguration de l’Assemblée nationale au profit du Pastef. Les députés dont la plupart veulent garder leur fief en cas de collaboration avec Pastef, sont susceptibles de s’accorder un délai d’un an au moins avant de nouvelles élections législatives. Un répit que les parlementaires de Benno mettraient en avant afin de consolider leur base électorale.

La question d’une future collabo- ration entre l’Exécutif et le Parlement est abordée de manière évasive par les responsables de Benno. "Pour le moment, je ne peux pas en dire plus. Je vous demande de vous limiter à notre dernier communiqué. Le moment venu, nous communiquerons sur cette question", a soufflé Abdou Mbow, le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar.

Par ailleurs, le risque d’implosion de BBBY et de l’APR en particulier est aussi susceptible de faire venir un nouveau personnel à l’Assemblée nationale.

Ainsi, des cadres de l’APR et anciens de la maison marron-beige comme Ali Ngouille Ndiaye, Abdou- laye Daouda Diallo, Diouf Sarr et Mame Boye Diao, entre autres, pour- raient se retrouver, à l’issue des prochaines élections législatives dans l'hémicycle. La présence des caciques et cadres de l’ancien régime en quête de légitimité politique permet- trait de renforcer la qualité de l’Assemblée nationale dont les insuffisances et les limites dans le contrôle de l’action de l’Exécutif ont été souvent dénoncées.

L’épée de Damoclès du septembre 2024 et la crainte des Législatives anticipées

Cette volonté de collaborer avec le nouveau régime a été motivée par la défection du PDS qui a rallié à la dernière minute la coalition Diomaye- Président à la veille de la Présidentielle du 24 mars dernier. Ce revirement fait suite à des semaines de rapprochement avec BBY pour reporter le scrutin présidentiel. D’autant plus que le PDS semble avoir pris ses distances avec Benno depuis le dernier scrutin avec qui il a noué une alliance stratégique au Parlement en s’abstenant sur le vote de la motion de censure de YAW contre le gouvernement d’Amadou Ba en décembre 2022 et par le ren- voi de Mimi Touré de l’Assemblée nationale.

La contrepartie du ralliement du PDS à Diomaye Faye n’est pas encore connue, mais les députés libéraux veulent s’inscrire dans une dynamique de conciliation avec le nouveau pouvoir pour tenter de pré- server leurs bastions électoraux. Le PDS, qui est dans une logique de sur- vie politique et de maintien de son groupe parlementaire, pourrait obtenir des assurances de Pastef concernant la non-présence de cadres de Pastef dans leurs fiefs.

Pour le professeur Moussa Diaw de l’université Gaston Berger, il serait contreproductif pour les députés de Benno d’aller vers un choc frontal avec le nouvel Exécutif. “Je pense que les deux entités peuvent trouver des terrains d’entente sur les petites réformes qui vont dans le sens de la bonne gouvernance et de l’assainissement des finances publiques ou contre la cherté de la vie. Des réformes auxquelles il serait mortel de s’opposer aux nouvelles autorités de la part des nouveaux opposants, s’ils veulent préserver leur crédibilité”, affirme l’enseignant-chercheur en sciences politiques.

Selon l’universitaire, le pouvoir gagnerait à négocier avec la majorité parlementaire et à réserver les grandes réformes au-delà de septembre pour les faire adopter dans une Assemblée nationale complètement sous le contrôle des patriotes. “Je ne crois pas que les députés de l’ex- majorité vont prendre le risque de s’opposer au nouveau régime. Le président Macky Sall n’est plus aux affaires et il y a une crise de leadership au sein de l’APR. Donc, beaucoup de députés n'hésiteront pas à franchir le pas et négocier avec la coalition Diomaye sans crainte de sanctions. Nous avons des députés élus sur la base du clientélisme qui ne vont pas prendre un risque de se brouiller avec le nouveau pouvoir”, soutient-il.

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