NETTALI.COM - Appel à la mobilisation de l’ex-Pastef pour la tenue de l’élection avant le 2 avril, arrestation de Me Ngagne Demba Touré, “gel” des libérations de détenus, le climat politique traverse à nouveau des zones de turbulence, après une période de relative accalmie.

Crispation, décrispation, "recrispation"... Le temps politique, comme la météo, est, ces derniers temps, insaisissable. Tantôt c’est le dégel avec des vagues massives de libération de détenus liés aux évènements socio-politiques, tantôt des poursuites ou des répressions tous azimuts de responsables proches du parti dissous d’Ousmane Sonko. Ce qui pousse certains à se demander si les négociations entre Macky et Sonko, devenues un secret de polichinelle grâce aux témoignages des facilitateurs dans différents médias, ont échoué ou pas ? En tout cas, ces derniers jours, le discours est devenu plus clair et précis du côté de l’ex-Pastef. La sortie, hier sur "RFM matin", de la voix de parti dissous en marque un tournant décisif.

À la question de savoir s’ils préfèrent une reprise du processus avec la possibilité d’un retour d’Ousmane Sonko et la poursuite du processus avec Diomaye, il rétorque : "Nous, nous avons une position de principe et nous sommes pour le respect de la Constitution. Le régime a tout fait pour empêcher Ousmane Sonko d’être candidat. Mais comme il ne fait pas partie de ceux qui disent que si ce n’est pas lui c’est personne, il a choisi d’autres candidats. Aujourd’hui, tout le monde sait que notre candidat c’est Diomaye. Ce que nous demandons au président est de fixer l’élection le plus rapidement possible. Nous y irons avec notre candidat Bassirou Diomaye Faye. C’est lui notre candidat."

Comme délivrés par une si longue attente qui avait fini de mettre mal à l’aise bien des militants et sympathisants, donné de la matière à leurs plus grands pourfendeurs, les plateformes les plus suivies se sont ruées sur l’extrait qui a été partagé massivement. Pour que nul n’en ignore.

Mandataire du candidat Bassirou Diomaye Faye, Amadou Ba, qui a, lui, été très clair sur la question de la reprise ou non du processus, n’a pas été en reste. Sur sa page Facebook, il affirme, vidéo à l’appui : "El Malick Ndiaye clôt le débat. Macky doit aller à l’élection présidentielle immédiatement avec les candidats désignés par le Conseil constitutionnel. Il reste des mobilisations pour qu’il respecte les décisions du Conseil."

El Malick exige le maintien de la liste validée par le Conseil, Amadou Ba appelle à la mobilisation pour une élection avant le 2 avril

Une intervention qui arrive dans un contexte où les négociations entre Macky Sall et Ousmane Sonko étaient sur toutes les lèvres. Mais elles étaient loin d’agréer tout le monde. Aussi bien du côté du pouvoir que du côté de l’ex-Pastef et de la société civile, il existe certes des colombes, mais il y a aussi plusieurs faucons qui travaillent à l’échec des négociations. Parmi les colombes, il y a notamment le président d’Afrikajom Center, Alioune Tine, et l’homme d’affaires Pïerre Goudiaby Atépa, celui qui parle directement aux deux hommes.

Dernièrement sur RFI, à la question de savoir ce qu’il s’est dit avec Sonko, il disait : "Je lui ai dit : voilà ce que le président souhaite. Il souhaite un climat apaisé ; il souhaite, éventuellement, que tout le monde puisse être candidat, y compris vous. Et il faut lui faciliter la tâche." Il m’a dit : ‘Écoute, je ne suis pas seul, il faut que je consulte les gens de mon parti.”’ Et parmi les sujets de discussion, selon le médiateur, il y a non seulement la question de sa libération, mais aussi son retour dans la course – ce qui suppose une reprise du processus.

En sus de créer les conditions d’une sortie honorable, l’enjeu principal pour Macky Sall dans ces négociations, estiment plusieurs observateurs, c’est d’avoir un peu plus de temps pour l’organisation de l’élection (Atépa avançait le mois de mai), mais aussi la possibilité d’avoir une élection plus “inclusive”. Ce qui a provoqué l’ire de l’essentiel des candidats déjà validés qui se sont mobilisés pour dire non à ce qu’ils considèrent comme une tentative de sabotage et de violation de la décision du Conseil constitutionnel.

En première ligne dans ce combat, il y a Khalifa Ababacar Sall et ses partisans qui ont multiplié les sorties pour mettre la pression sur l’ex- Pastef et ses satellites. Ces derniers, pour justifier leur boycott du dernier dialogue, soutenaient qu’avec Macky Sall, il n’y a que le rapport de force qui vaille. Ceux qui avaient décidé d’aller à la table des négociations étaient considérés comme des parti- sans d’un deal. Ce discours a bien été dilué depuis quelque temps.

À la place, des responsables de l’ex-parti de Sonko clament haut et fort : "Nous n’avons jamais dit que nous ne dialoguons pas. Nous avons dit que nous n’allons pas négocier le pistolet sur la tempe."

Dans le combat contre la révision de la liste du Conseil, Khalifa est loin d’être seul. Ils sont aujourd’hui 16 candidats à se mobiliser pour dire niet à toute idée de reprendre le processus électoral. Y compris les plénipotentiaires du candidat Bassirou Diomaye Faye. Tous demandent des élections avant le 2 avril et le respect de la liste validée par le Conseil constitutionnel.

Selon certaines informations, le collectif ne s’oppose pas à des concertations avec Macky Sall, mais ne sont pas prêts à faire des concessions sur ces deux conditions, surtout en ce qui concerne la liste des candidats.

La pression finira-t-elle par porter ses fruits ? C’est encore le grand flou.

Alioune Tine demande au président de rester "aveugle et sourd"

Pour le moment, le Parti démocratique sénégalais est presque seul dans son combat avec quelques alliés dont les recalés au parrainage : Cheikh Tidiane Gadio, Mamadou Diop Decoix... Pour sa part, le candidat Boun Abdallah Dionne invoque la nécessité de clarifier le débat sur les faits de corruption reprochés à des juges du Conseil constitutionnel.

Loin de la polémique, le président d’Afrikajom Center continue de promouvoir la nécessité de se parler et de continuer les actions allant dans le sens de l’apaisement. Dans un texte publié sur son compte X, il invite le président à "poursuivre pacifiquement et sereinement le processus électoral magistralement relancé par la décision historique du Conseil constitutionnel". Selon lui, "il faut, sans délai, fixer la date avec comme boussole et référence la décision du Conseil constitutionnel".

Dans la même veine, le président d’Afrikajom Center insiste sur la nécessité de ne pas accorder beaucoup d’importance aux détracteurs. "Il faut rester aveugle et sourd aux manœuvres de toutes sortes fondées sur des intérêts partisans et qui ouvrent les portes de l’aventure, de l’incertitude et de l’inconnu. Rester concentrer sur l’apaisement et la décision du Conseil constitutionnel, pour sortir vite et en beauté”, soutient M. Tine.

En réaction à certaines critiques, Alioune Tine, qui appelle de tous ses vœux la libération de Me Ngagne Demba Touré, Me Moussa Diop, Diomaye et Sonko, dira : "On a contribué à l’apaisement, les libérations de détenus, la restitution de la licence de Walf, la normalisation progressive de la vie. Notre job, c’est d’apaiser, de prévenir les violences politiques, les réguler, appeler au dialogue sincère et constructif. Ce qui n’est pas du tout évident avec cette défiance radicale à l’égard des institutions et de toutes formes d’autorité. C’est une caractéristique de notre époque."

La note d’espoir du président qui va parler aujourd’hui

Pour le moment, le chef de l’État semble toujours s’inscrire dans cette dynamique. En Conseil des ministres mercredi, il a encore réitéré son engagement à organiser l’élection dans le strict respect des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Seulement, il n’a toujours pas donné de date.

"Le président de la République, lit-on dans le communiqué, a évoqué la décision n°1/C/2024 du 15 février 2024 du Conseil constitutionnel et la finalisation du processus électoral, en demandant au ministre de l’Intérieur de prendre toutes les dispositions, en relation avec le ministre des Finances et du Budget, la Cena et les autorités administratives, pour une bonne organisation de l’élection présidentielle à une date qui sera fixée très prochainement".

À en croire le document, cette date ne sera toutefois pas connue avant la fin des consultations en cours avec les acteurs politiques et les représentants des forces vives de la Nation. Il a, dans ce cadre, réaffirmé son engagement "pour un processus inclusif de concertation et de dialogue afin de bâtir des consensus autour de la réconciliation nationale, de l’apaisement et de la pacification de l’espace public en vue de consolider la stabilité politique, économique et sociale".

Macky Sall va donner, ce soir à 19 h, une conférence de presse avec quelques médias triés sur le volet.

Par ailleurs, le président Sall a aussi instruit sa ministre de la Justice à faire le nécessaire pour "finaliser les projets de textes pour matérialiser la volonté de réconciliation et de par- don dans le respect de l’État de droit et la consolidation de la paix sociale durable".

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