NETTALI.COM- Le Conseil constitutionnel a rejeté le décret du Président de la République abrogeant la convocation du corps électoral. Invité de l’émission jury du dimanche, Professeur Ameth Ndiaye, maître de conférences titulaire (CAMES) en droit public, estime que le Conseil aurait dû s'arroger la compétence de mettre en place un calendrier électoral clairement défini. Le juriste n'a pas aussi manqué de dénoncer les accusations de corruptions portées à l’endroit des juges du Conseil du Conseil Constitutionnel.

La décision du Conseil constitutionnel continue de faire couler des salives. Même si le droit est dit, le Professeur Ameth Ndiaye considère que l'institution avait la possibilité de marquer durablement les esprits et le temps en s’arrogeant la compétence de mettre en place un calendrier électoral clairement défini. « Le Conseil commence à rebrousser chemin et à ramer à contre-courant. Le Conseil, jusque-là, était dans des habits parfaits. Et arrivé face à l'une des questions les plus décisives et les plus importantes, on a l'impression que le Conseil constitutionnel se dérobe. Parce que demander aux autorités compétentes d'organiser dans les meilleurs délais l'élection présidentielle, c'est nous replonger dans des interrogations, des doutes, des incompréhensions, des incertitudes. Parce que là, il est important que les autorités compétentes s'organisent dans les meilleurs délais», soutient-il.

Pour illustrer ses propos, il indique : « certainement, nous sommes tous d'accord que l'élection présidentielle ne saurait être objectivement et subjectivement reportée. Mais, combien de fois dans ce pays, on a touché aux élections législatives ou locales ? Et pourtant, même dans ce cas de figure, je vais convoquer deux décisions qui règlent tous les problèmes. Il y a une décision du 16 juillet 2017, combinée à une autre, qui est la décision du 28 juillet 2017. C'était par rapport aux élections législatives. Le Conseil constitutionnel avait estimé qu'il y avait trop de listes officiellement validées pour compétir. On en était à 47 listes. Et pour régler le problème, et pour accélérer le processus du vote, le Conseil a dérogé à la réglementation en vigueur de façon exceptionnelle. En disant à l'électeur de ne prendre que 5 candidats (bulletins : Ndlr) ».

Il poursuit: « Et là, ça a généré énormément de difficultés. Parce que, la base légale posait problème. En 2017, 8 jours plus tard, le Conseil est venu pour nous dire, qu’il y a eu des lenteurs qu'on ne saurait imputer aux citoyens électeurs que vous êtes. C'est de la responsabilité exclusive de l'administration électorale. De ce fait, au regard des difficultés, je vous permets d'aller voter. D'aller voter avec un récépissé d'inscription sur les listes électorales, accompagné d'une carte d'identité nationale. Je vous permets également pour d'autres, d'aller voter avec une carte d'électeur numérisée. Et je permets même à certains, d'aller voter avec un passeport »

« Et on croyait même qu'ils allaient s'en arrêter là. Non, que nenni. Même ceux qui ont un document d'immatriculation capable de leur permettre d'être identifiés dans les bureaux de vote, mais peuvent également y aller. Et tout simplement, remplir ce droit civil et politique, mais consacré par la Constitution, par exemple à l'article 3 » conclut Pr Ameth Ndiaye.

Accusations contre deux membres du Conseil Constitutionnel

Par ailleurs le constitutionnaliste a dénoncé les accusations de corruption portées à l’endroit des juges du Conseil Constitutionnel. Il se désole d’autant plus ces accusations sont sans aucun élément de preuve.

Le juriste a enfilé la robe d'avocat pour défendre les accusés. Il met les députés de Wallu et Benno Bokk Yakkar devant leurs responsabilités. Le maître de conférences en droit public à l’Ucad qualifie les accusations d’extrêmement grave qui nuisent à la réputation de hauts magistrats. « Un état de droit ne marche pas sur des suspicions. On ne peut pas brandir des accusations aussi fortes, attentatoires à la crédibilité d'une institution aussi importante en termes de régulation de notre jeu politique. Et finalement, jusqu'à présent, vous avez vu un commencement de preuves, un début de preuves ? Tout le monde dans ce pays attend. Mais où sont ces preuves-là ? », peste l'invité de JDD.

Très critique à l'endroit des accusateurs des magistrats, le juriste relève que « pour accuser des juges aussi prestigieux que les sept membres du Conseil constitutionnel, deux plus précisément, il faut venir avec au moins un début de preuves, quelque chose qui nous laisse penser que les allégations maintiendront la route ». Il se désole du fait qu’aucune sanction ne risque de tomber sur les accusateurs.

Par rapport à l'annonce d'une information judiciaire à la place de la commission d'enquête parlementaire dissoute, Pr Ameth Ndiaye n'est pas optimiste. « Il se dit qu'il y a une information judiciaire en cours qui pourrait suspendre même les travaux de cette commission. Mais en réalité, dans tout ça, je vous donne rendez-vous encore dans un an, il ne se passera rien. La montagne risque d'accoucher d'une souris, parce que tout cela est cousu de fil blanc. C'est presque évident. Je ne dirais pas que c'est évident, je suis prudent. Mais c'est presque évident. Moi, si je vous accuse de choses aussi graves qui portent atteinte à votre honorabilité, qui remettent en jeu la stabilité d'un pays, la preuve, je ne peux pas m'enfermer comme l'ont fait les députés de Wallu après le vote de la loi. Ils ont organisé une conférence de presse sous la houlette de leur président du groupe parlementaire, pour nous dire simplement qu'aujourd'hui, l'essentiel, c'est d'aller au dialogue. Et vous voyez combien on est en train de refermer ces grandes portes qui ont été ouvertes, où nous savons qu'à l'intérieur, il ne se passera pas grand-chose », regrette-il.