NETTALI.COM - Au Sénégal, plus d’une semaine après la décision de reporter la présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024, le bras de fer entre autorités et opposants à ce report se poursuit. Alors qu’une grande marche était prévue par la société civile ce 13 février à Dakar, le préfet de la capitale l’a interdite, obligeant les organisateurs à repousser cette manifestation contre le report de dernière minute du scrutin. Aar sunu élection qui appelle désormais à l'organisation d'une nouvelle marche silencieuse à Dakar et sur toute l'étendue du territoire national ce samedi 17 février.

« Nous voulons rester dans la légalité » et « éviter toute violence », insistent les organisateurs pour justifier cette décision de reporter la marche silencieuse qui était prévue ce mardi dans la capitale du Sénégal.

Car les dernières tentatives de rassemblement se sont soldées par des échecs, voire transformées en affrontements avec les forces de l’ordre qui dispersent le moindre attroupement à coups de gaz lacrymogènes faisant même trois morts par balles depuis le 9 février.

Jusque tard dans la nuit, et ce matin encore, les membres de cette plateforme Aar sunu élection (« Protégeons notre élection »), une cinquantaine d’organisations de la société civile, ont tenté d’obtenir un accord du préfet de Dakar autour d’un nouvel itinéraire, pour annoncer une nouvelle date de mobilisation. Officiellement, la préfecture a interdit la manifestation parce qu’elle risquait de perturber la circulation.

Mais, en parallèle, selon plusieurs sources, des discussions sont en cours, entre les autorités et certains acteurs politiques autour de possibles mesures d’apaisement. Un timing qui pourrait expliquer cette nouvelle interdiction de manifester, selon les organisateurs de cette marche.

Car, depuis quelques jours, le pouvoir tente une décrispation. Le signal de la télévision privée walf tv a été rétabli et, le 12 février, les deux anciens présidents du Sénégal avant Macky Sall, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, ont appelé au calme et au dialogue dans une déclaration commune.

« Nous n’avons rien contre des mesures d’apaisement », répond la plateforme "Protégeons notre élection". « Ils veulent se donner du temps pour pouvoir annoncer leur mesures d'apaisement », explique ainsi l’un des organisateurs, le professeur de droit constitutionnel Babacar Gueye. « Si les solutions vont dans le sens de l’apaisement, pourquoi pas ? », avant d’ajouter que la position du collectif n’a pas changé : il faut une présidentielle au plus tard le 2 avril, date de la fin du mandat du président Macky Sall.

En attendant, Aar sunu Senegal a appelé à l'organisation d'une nouvelle marche silencieuse à Dakar et sur toute l'étendue du territoire national ce samedi 17 février à partir de 11h du matin. Ils ont déposé une demande en ce sens.

L'ONU «profondément préoccupée», Paris appelle à «un usage proportionné de la force»

À Dakar et dans le reste du pays, les collèges et lycées sont appelés à interrompre leurs cours en signe de contestation par rapport au report de la présidentielle. Et dans plusieurs grandes villes du pays, comme à Ziguinchor ou Saint-Louis, des appels à mobilisation circulent sur les réseaux sociaux. Des réseaux difficilement accessibles de nouveau aujourd'hui, alors que les données mobiles ont de nouveau été coupées par les autorités sénégalaises.

L'ONU, de son côté, a réagi ce matin. Elle se dit profondément préoccupée de la situation au Sénégal et demande des enquêtes. Elle dénonce notamment un recours disproportionné à la force contre les manifestations.

La France, elle, a appelé ce mardi après-midi à « faire un usage proportionné de la force », à travers une déclaration du porte-parole adjoint de son ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Dans une vidéo, le Collectif des universitaires pour la démocratie appelle Macky Sall à respecter le calendrier électoral

Au Sénégal, au sein des campus, la mobilisation des professeurs se poursuit. Les 8 universités du pays sont en grève depuis le 12 février et jusqu’à ce 13 février soir suite à la mort d’un étudiant à Saint-Louis.

Après la diffusion d’une tribune il y a 8 jours, c’est au travers d’une vidéo sur les réseaux sociaux que le Collectif des universitaires pour la démocratie appelle le chef de l’État à respecter le calendrier électoral, rapporte Guillaume Thibault.

« Faire Face », c’est le titre de cette vidéo de 2 minutes directement adressée au Président Macky Sall. Sur fond noir, elle s’ouvre avec une ambiance de tirs d’armes à feu. Les professeurs de droit des universités du Sénégal apparaissent les uns après les autres.

« Le samedi 3 février, vous avez décidé d’abroger le décret portant convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle. Le lundi 5 février, les députés de la majorité ont reporté la date de cette élection de 10 mois », y rappelle un premier intervenant. « Ces actions illégales, illégitimes, sont le dernier acte d’une longue série de manquements graves portés à notre démocratie », accuse un autre.

Déjà mis en avant dans une tribune publiée le mardi 6 février par le même collectif d’universitaires, les arguments sont repris dans cette vidéo, notamment l’appel au respect de la constitution.

« Monsieur le Président, nous exigeons le rétablissement immédiat du calendrier électoral, la garantie du bon fonctionnement des institutions, l’équilibre des pouvoirs et le respect des droits humains. Car, ces éléments constituent une nécessité absolue et une urgence nationale », assure une troisième.

Le CUD, le Collectif des universitaires pour la démocratie qui diffuse cette vidéo, né au lendemain de l’annonce du report du scrutin présidentiel, compte aujourd’hui plus de 200 membres au Sénégal et dans la diaspora.