NETTALI.COM - A quoi pensaient-ils lorsqu’ils ont écrit cette lettre au président de la République ? Certainement qu’ils allaient obtenir gain de cause et que le processus de comptage allait être repris. De doux rêveurs ! Voilà ce que sont ces recalés qui s’égosillaient depuis quelques temps dans le but de nous faire avaler que s’ils ont été recalés, c’est bien par la faute de l’informatique, des contenus introuvables des clefs usb ou encore du fichiers. Mais en aucun cas la leur ! 

Il était d’ailleurs bien trop tard pour nous tympaniser avec cette affaire, alors même que le Conseil constitutionnel avait fini de publier la liste définitive des candidats. De même, d’autres actes ont été posés entre temps et qui vont dans le sens de l'élection présidentielle.

Un autre aspect de l’affaire à ne surtout pas occulter, c’est le fait que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Et le communiqué émanant de la présidence de la république publié à la suite de l’audience des candidats, résume toute l’incapacité du président Sall à agir contre les décisions des « 7 sages ».

Avouons-le, certains de ceux qui pleurnichaient n’ont personne derrière eux : ni l’appareil électoral, ni les parrains requis et n’ont pas encore moins fourni les efforts nécessaires pour passer le cap du parrainage. Ce d’autant plus que, comme au football, les règles étaient les mêmes pour tous. De plus, juridiquement le droit a été dit pour ceux qui sont initiés et savent décrypter les décisions de justice et leurs motivations. Avoir une existence médiatique pour un homme politique, ne saurait dès lors suffire pour passer le cap du parrainage.

Dans cette affaire de contestation des recalés, il n’a à aucun moment été question d’audience dans la lettre adressée au chef de l’Etat. Mais Macky Sall en fin politicien, en a fait un évènement de manière à pouvoir en tirer un gain politique.

C’est la duplicité dans toute sa froideur qui a été à l’œuvre dans les postures de certains recalés. Entre cette Aminata Touré qui est, si on en croit Bougane Guèye Dany, à l’initiative de la lettre demandant l’intervention de Macky Sall, «clé de voûte des institutions », et celle-là qui se défausse par rapport à l’audience en invoquant l’argument selon lequel Macky Sall l’a empêchée d’être présidente de l’Assemblée nationale, difficile de savoir quoi penser. Comme si les arguments personnels n’étaient pas valables au moment d’écrire la lettre. Des raisons personnelles toutefois invoquées par Mimi que le journaliste politicien ne peut point admettre. Lui qui l’a accusée de jeter les membres du collectif en pâture et de n’avoir invoqué que des raisons personnelles qui ne les concernent point.

Soulignons tout de même qu’Aminata Touré, en tant que chef de file de Benoo aux législatives, n’avait pas vraiment fait progresser la coalition puisqu’il a fallu par la suite, pour la coalition présidentielle, s’allier à Pape Diop, pour se doter d’une majorité confortable. De deux choses l’une : soit l’ancienne PM s’est engagée en politique pour défendre des idéaux ; ou soit elle ne serait intéressée que par des postes et la jouissance qui va avec. Méritait-elle vraiment le poste de Présidente de l’Assemblée nationale après la régression de Benno aux législatives ? La question se pose.

A peine a-ton fini de parler qu’elle s’est empressée de soutenir le candidat de Pastef, un des partis favoris de la présidentielle. S’est-elle rendue à l’évidence que leur initiative au sein de ce collectif, n’a aucune chance de prospérer ? Elle doit sans aucun doute espérer tirer des dividendes de cette alliance en vue du futur. Ou juste cherche-t-elle à jeter du sable dans le couscous de Benno ? D'Amadou Ba plutôt. Avouons que pour un personnage politique qui a passé son temps à accabler Ousmane Sonko dans l’affaire sweet Beauté, sa nouvelle posture est tout de même très surprenante. Son positionnement en politique est en tout cas loin d’être clair.

Une guerre déclarée entre les pouvoirs judiciaire et législatif 

Mais une fois l’étape de l’imbroglio des recalés passée, l’acte visant à mettre en place une commission d’enquête parlementaire qui semble plutôt s’inscrire dans une logique d'accabler et de discréditer le Conseil constitutionnel sur des soupçons de corruption et de conflit d’intérêts contre deux magistrats, intrigue fortement. Quelques tribunes dans les journaux et les réseaux sociaux ont d'ailleurs vu le jour pour s'étonner de ces accusations.  Telle celle du très véridique et juste Colonel Ndao qui a argué, en écrivant ces lignes, ne pas "défendre chacun des sept sages", mais s'exprime plutôt par rapport à l'expérience qu'il a eu de l'homme, en tant qu'officier de police judiciaire.

Le Colonel qui a eu à participer à l’enquête (aux côtés du capitaine Capitaine Sidya Diedhiou aujourd’hui hui colonel) relative à l’assassinat de Maître Sèye, évoque ainsi dans une contribution, les actes posés par le magistrat Cheikh Tidjane Coulibaly dans ce dossier, en sa qualité de président de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar de l'époque. En effet, suite à des accusations de tortures contre des personnes arrêtées par la Gendarmerie lors de cette enquête, notamment le député Mody Sy et la copine de Diakhaté, un des quatre prétendus assassins, nous apprend le colonel, l'enquête avait démontré que les seuls faits et personnes qui pouvaient lier la bande à Clédor au PDS, notamment la remise d'argent pour l'achat des armes par Mody Sy et une réunion entre la bande et certains responsables du PDS à Pout dans un verger appartenant au père de la fille, avaient été obtenus sur la base de tortures. Le magistrat Cheikh Tidjane Coulibaly avait dès lors annulé en 1994 sans hésiter toute la procédure incriminant le PDS.

Ce même juge quelques années auparavant avait relaxé Maître Wade dans une procédure sur la base de la liberté de culte. Wade avait organisé des prières pour le départ de Diouf et avait été arrêté sur la voie publique pour attroupement et manifestation non autorisée.

Accuser ce magistrat et lui particulièrement, a estimé le colonel Ndao, est une hérésie et une atteinte grave à l'honneur d’un homme que je juge digne courageux et conséquent. Le fait qu'il soit le frère du ministre Abdou Latif Coulibaly, signifie-t-il qu'il y a  conflit d' intérêt ?  Se demande le Colonel ? Ce serait, de l'avis de ce dernier, grave et triste de détruire sa réputation sur cette base, précisant au passage qu'il n'est pas son ami, ni son parent et encore moins son avocat, ne témoignant témoigne que par rapport à ce qu'il "sait et en bon musulman".

Etre frère d’un ministre du gouvernement, cela peut-il suffire pour être accusé de conflit d’intérêts ? Même soutenu par l’Apr qui ne le fait au fond que par opportunisme, c’est seule la plénière qui peut décider de l’issue de la procédure. Et même si on n’en est pas encore là, il sera impossible dans le cadre d’une commission d’enquête pour des députés d’interroger des juges soupçonnés de corruption et de conflits d’intérêts. La loi ne leur permet tout simplement pas cela. Pas même les procédures en vigueur à l’Inspection Générale de l’administration de la Justice (IGAJ).

De même, à supposer que ces juges aient été corrompus ou se soient inscrits dans une logique de conflit d’intérêts, que font-ils de la collégialité de la Cour lorsqu’elle statue ? N’a-t-on pas toujours parlé de sept (7) sages ? Deux juges même en désaccord, ne peuvent impacter à eux seuls la décision du Conseil constitutionnel. L’article 93 de la Constitution n’est-elle pas claire en énonçant que « Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale qu’avec l’autorisation du Conseil ».

Une procédure qui ne devrait donc avoir aucune chance d’aboutir. Mais dans des pays comme les nôtres, difficile de prédire d'avance ce qui peut se passer. Et c'est une guerre qui semble s'être déclarée entre l'Union des Magistrats du Sénégal (UMS) et le Conseil constitutionnel contre l'Assemblée nationale et le PDS. Et l'UMS n'a pas tardé à appeler ses membres à faire bloc derrière leurs deux collègues, dénonçant une procédure attentatoire à la séparation des pouvoirs.

De même le Conseil constitutionnel réagissant, a jugé "infondées" lesdites accusations dans un communiqué de presse signé par les 7 sages, en brandissant au passage, la séparation des pouvoirs, ses décisions prises dans un cadre collégial et le fait de n'être soumis qu'à l'autorité de la loi. Au même moment le juge Cheikh Ndiaye du Conseil constitutionnel, mis en cause dans l'affaire, porte plainte pour laver son honneur, visant l'outrage à magistrat, la diffamation et le discrédit sur une décision de justice, entre autres infractions.

Le lundi 29 janvier, la commission des lois de l'Assemblée nationale qui s'est réunie aux fins d'examiner le projet de mise en place d'une commission d'enquête parlementaire, a pris une résolution de constitution d'une commission d'enquête sur le processus électoral, d'information de l'Assemblée sur le bien-fondé des contestations qui jalonne le processus, portant fixation de ses membres à 11 et parmi lesquels, on peut noter des représentants du groupe Benno, Yewwi askan wi, le groupe liberté et démocratie et des représentants des non inscrits.

Thierno Alassane Sall et les libéraux : une vieille affaire d'inimitié 

Au-delà, dans cette action initiée par Thierno Alassane Sall contre Karim Wade, l’on peut y voir un vieux règlement de comptes entre l’ancien ministre de Macky Sall et la famille Wade en plus de ses soutiens. En effet, dans son livre «  Le protocole de l’Élysée », l'ancien fonctionnaire de l’Asecna (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar), ancien représentant de l’agence au Sénégal sous le règne de Wade, le candidat à la prochaine Présidentielle a réservé un bon chapitre de son ouvrage à la gouvernance du père de Karim Wade qui pensait que "l’Asecna disposait de coffres regorgeant de liquidités..." sans oublier sa "volonté de faire main basse sur le foncier mis à la disposition de l’Asecna."

Le point culminant de cette inimitié entre Sall et Wade, a été le moment où le Sénégal menaçait de quitter l’organisation régionale, si certaines réformes souhaitées n’étaient pas mises en œuvre. Thierno Alassane Sall, qui était le représentant de l’Asecna et qui visiblement ne partageait pas la politique des autorités de l’époque, avait fini par en payer les frais.

"Il m’en veut juste parce que je l’avais limogé, sur instruction du président Abdoulaye Wade. C’était parce qu’il était de connivence avec des partenaires contre les intérêts du Sénégal. Abdoulaye Wade avait estimé qu’il est incompétent et qu’il n’était pas un patriote. Cette frustration, il la traine toujours", confiait Farba Senghor dans la note de lecture consacrée à l’ouvrage, intitulé : "Asecna, une guerre sans fin".

Dans tous les cas, Karim Wade ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Vouloir être président de la République requiert un peu plus de rigueur et de prévenance, que l’incurie dont il a fait preuve ne peut être comprise. Comment peut-on vouloir se débarrasser de sa nationalité dans le but de pouvoir postuler à une élection présidentielle et attendre d'être forclos pour présenter à posteriori un document, alors qu’on avait 5 ans pour le faire ? Les juges ont tout simplement fait une interprétation stricte de la loi qu’on ne peut guère leur reprocher.

A y voir de près, l’on peut même se demander si Karim Wade voulait réellement être candidat. N’est-ce pas son père qui a toujours voulu qu’il en soit ainsi ? Idrissa Seck et Macky Sall qui ont fait les frais de ce qui est considéré comme une bravade contre Wade fils, ne nous diront pas le contraire. Leurs galères et leurs évictions au PDS, ils le doivent en partie à une idée selon laquelle, ils lui disputaient la succession ou lui ont glissé des peaux de banane sur sa route. Comme cette audition à l’Assemblée mal interprétée et qui procédait en réalité d’une volonté pour Macky Sall de redorer le blason de Karim Wade.

Une élection ouverte et des manoeuvres

Cette affaire nous aura en tout cas permis de nous conforter par rapport à la vraie nature des politiques. De vraies natures de caméléons au gré de leurs intérêts et des circonstances. Le Conseil constitutionnel a pourtant toujours été suspecté d’être le bras armé du pouvoir pour valider les élections à son profit. De voir des hommes politiques qui se mettent désormais à le défendre, est assez étonnant pour ne pas dire abracadabrantesque.

Tout comme les yeux doux dont est l’objet le Parti démocratique. Comme ces charognards qui s’empressent de vouloir tout faire pour récupérer ce qu’il en reste. Ce qui ne rend pas si fortuit ce soutien que leur accorde Macky Sall dans cette procédure, même s’il sait qu’elle n’a aucune chance de prospérer. Ah les politiques et leurs retournements de vestes ! Un coup, ils sont ensemble et un autre coup, ils se séparent dès qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient. Il n’y a d’ailleurs guère longtemps que cette inter-coalition Yewwi Walu a permis au PDS de se refaire une santé. Et depuis, il a pris ses distances.

C’est en tout cas une levée de boucliers sans précédent qui a été notée pour s’opposer à toute forme de report de l’élection présidentielle. Et la liste des opposants est longue. Amadou Ba qui est exempté du dernier Conseil des ministres, a fini de désavouer tout acte allant dans le sens d’un report qui serait désastreux pour lui qui espère même gagner au 1er tour. Il s’est également défendu d'avoir quelque chose à voir dans cette affaire de recours contre la double nationalité de Karim Wade.

De même au Pastef, l'on ne se sent trop préoccupé par cela. Ousmane Sonko, toujours maître du jeu, avait récemment choisi de diffuser des vidéos dans lesquelles, il échafaudait des hypothèses avec une révélation à venir du choix de son candidat. Eh bien il est passé à l'Acte II en faisant un choix de raison sur le membre de Pastef en prison, et non moins secrétaire général du parti Bassirou Diomaye Faye. Et c'est une campagne de communication en faveur de la candidature de ce dernier qui est enclenchée dans une logique de montrer que les candidats soutenus par Pastef se sont rangés derrière lui. En d'autres termes "Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko" ou encore " Cheikh mooy Diomaye, Diomaye mooy Cheikh" en référence à Cheikh Tidiane Dièye, candidat admis à la présidentielle et liée à Pastef.

Une élection qui s’annonce en tout cas très ouverte pour les 20 candidats. Si ouverte qu’elle peut réserver ses surprises. Surtout beaucoup de candidats, inconnus au bataillon quant à leur talent et leur poids politique. Que ces partis qui se vantent déjà de pouvoir gagner au 1er tour, sachent aussi que lors des législatives, comme des locales passées, la moitié des électeurs ne s’était pas déplacés pour voter. Ce qui veut dire qu’il reste un gros contingent d’électeurs pas très motivés voire convaincus même par les programmes des partis les plus en vue de l'époque. Surtout que l’élection présidentielle suscite plus d’engouement au regard de son caractère particulier.

C'est aussi le temps des alliances  et de la recherche de soutiens. Mimi Touré et Aïda Mbodji soutiennent sans surprise le Pastef. Pendant ce temps, Idrissa Seck et Déthié Fall ont rendu visite à Babacar Diop des Guélawars.  Amadou Ba  multiplie les actions de terrain et s'est rendu chez Abdou Mbaye. Il compte encore convaincre Boun Abdallah Dionne, Mame Boye Diao, Aly Ngouille Ndiaye et surtout Mame Mbaye Niang qui s’est inscrit dans une logique de sniper contre lui, de rentrer au bercail.

Ce qui est en tout cas sûr, c’est qu'on n’est pas, avec les politiques, au bout de nos surprises.