NETTALI.COM - Après une année 2023 affectée par une crise économique internationale, le Sénégal compte apporter des innovations dans l’exécution budgétaire de 2024. L’annonce a été faite par le ministre des Finances et du budget, Mamadou Moustapha Ba.

Les orientations budgétaires retenues dans la Loi de finances initiale de l’année 2023 ont été affectées par divers évènements. Un contexte international caractérisé par la persistance des incertitudes liées aux tensions géopolitiques avec la poursuite de la guerre russo-ukrainienne et la crise israélo-palestinienne, a fortement impacté la gestion budgétaire au titre de l’année 2023. Pour 2024, Mamadou Moustapha Ba, ministre des Finances et du budget, a fait savoir que le budget, arrêté en recettes et en dépenses pour un montant historique de 7003,6 milliards de FCfa, est bâti sur une stratégie de consolidation et de souveraineté budgétaires, avec comme priorité absolue, le renforcement des secteurs stratégiques afin de maintenir la trajectoire d’émergence économique, la poursuite du soutien à l’agriculture, à l’élevage, à la pêche, pour accroître la souveraineté alimentaire, renforcer la sécurisation du territoire, des personnes et des biens et la résilience aux effets des changements climatiques. «Ainsi, la croissance est projetée à 9,2% portée certes par la production des hydrocarbures, mais également adossée au dynamisme des autres secteurs de l’économie, capitalisant dix années de mise en œuvre de plans d’actions prioritaires, de réformes et d’investissements physiques et sur le capital humain. Le budget repose également sur une consolidation budgétaire assumée avec un déficit qui s’établirait à 3,9% contre 4,9% en 2023 à la faveur d’une mobilisation accrue des ressources internes avec un taux de pression fiscale projeté à 19,4% et la poursuite de la rationalisation des dépenses.» 

Et toujours selon Moustapha Ba qui présidait, l’atelier de lancement de la gestion budgétaire 2024, «l’exécution budgétaire 2024 sera marquée par la poursuite de la mise en œuvre de réformes visant à renforcer la transparence budgétaire, l’efficacité de la dépense et la facilitation de la reddition des comptes. Et cela se traduira à travers diverses innovations».

Six nouvelles mesures d’exécution

Parmi celles-ci, la planification budgétaire infra-annuelle (Pbia) sera mise en œuvre afin d’apporter plus de flexibilité et de prévisibilité dans l’exécution budgétaire. «Sous ce rapport, le cadre réglementaire est déjà mis en place, explique Moustapha Ba. La mise en œuvre effective de la Pbia permettra d’assurer une meilleure priorisation des dépenses, tenant compte de leur caractère, urgent, incompressible et leur saisonnalité. En effet, une bonne programmation budgétaire, c’est celle qui anticipe sur les dépenses en tenant compte des contraintes de trésorerie et des objectifs de cible de déficit à chaque période.» 

L’autre nouveauté concerne le processus d’implémentation du contrôle interne budgétaire qui est engagé, pour apporter plus de souplesse au contrôle a priori et accélérer le rythme d’exécution des dépenses. «Dans ce processus d’institutionnalisation du dispositif de contrôle interne budgétaire, les services de la Direction générale du Budget, avec l’appui du Projet d’assistance technique à la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (At-Pse) ont procédé à l’accompagnement de cinq ministères pilotes à travers des sessions de formation sur le contrôle interne budgétaire, la cartographie des risques et l’audit basé sur les risques. Ces activités se poursuivront progressivement au courant de l’année 2024, dans l’optique d’arriver à la mise en place effective du dispositif de contrôle interne budgétaire au sein des cinq ministères pilotes.» 

Une des innovations importantes d’après le ministre des Finances, sera le déploiement du Contrôle de gestion, à travers l’institutionnalisation de la fonction de contrôleur de gestion au sein des départements ministériels. «En effet, au sens du décret n° 2020-1036 du 15 mai 2020 relatif au contrôle de gestion, un système de pilotage est mis en œuvre au sein d’un département ministériel ou d’une institution constitutionnelle, en vue d’améliorer le rapport entre les ressources engagées et les résultats obtenus au titre de l’exécution d’un programme budgétaire donné, sur la base des objectifs préalablement définis.»

L’année 2024 verra aussi le déploiement progressif des applications de gestion budgétaire et comptable dans les ambassades et consulats en vue, d’une part d’habiliter les Ambassadeurs et les Consuls généraux dans leur fonction d’ordonnateur secondaire, et d’autre part, d’assurer une exécution et un reporting plus instantanés des dépenses à l’étranger. Par ailleurs, l’application du décret n° 2023-2142 du 31 octobre 2023 portant réglementation du cadre général de la Gestion des Investissements publics apportera des innovations majeures dans le processus de planification, de sélection, d’exécution et de reporting des investissements publics. A cet effet, des ateliers de partage seront organisés avec tous les ministères au courant de cette année 2024 afin d’assurer une application des dispositions y relatives dans le cadre de la préparation de la loi de finances 2025.

Enfin, au chapitre des dépenses de transfert et dans un souci de transparence et de rigueur budgétaire, le mode d’exécution actuel, qui ne permet pas d’appréhender les natures économiques des dépenses effectuées, sera revu. «En effet, cette situation constitue une limite majeure à l’analyse de ces transferts. Ainsi, pour améliorer la disponibilité de l’information sur ces dépenses, il a été jugé nécessaire d’intégrer dans le processus de leur mobilisation et de leur exécution un module à travers Sysbudgep, permettant de renseigner toutes les dépenses, à l’instar de ce qui est fait pour les autres types de dépenses.»

«L’économie sénégalaise s’est inscrite dans une trajectoire de reprise »

Par ailleurs, Moustapha Ba est revenu sur les répercussions de la crise économique mondiale au Sénégal. «Le report de la date de démarrage de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières ainsi que les tensions socio-politiques internes se sont greffés à cette conjoncture déjà difficile, entraînant ainsi la révision à la baisse de la croissance de 2023 qui s’établirait finalement à 4,1%, contre 10,1% initialement prévue. Le taux d’inflation annuel moyen en 2023 ressort à +5,9%, contre 9,7% en 2022, soit un repli de 3,8 points. Le déficit budgétaire arrêté à 1045 milliards, soit 5,5 % dans la loi de finances initiale a été revue à la baisse à 917,5 milliards FCfa, 4,9 %, dans la perspective de la consolidation budgétaire, avec l’objectif de la ramener à 3% du Pib en 2025.» Ce qui a nécessité des ajustements au niveau des dépenses mais, précise-t-il, l’économie sénégalaise s’est inscrite dans une trajectoire de reprise, après trois années de démonstration d’une grande résilience grâce à la bonne tenue des finances publiques. «Ainsi, à la faveur d’un taux d’exécution des dépenses budgétaires de 94%, porté par une mobilisation très satisfaisante des ressources internes et externes, les importants projets et programmes de développement du Plan d’Actions prioritaires II ajusté et accéléré (PAP2A) ont atteint des niveaux de réalisation appréciables.»