NETTALI.COM - A noter l’hyper inflation de candidats à la future présidentielle, soit au total 2O6 fiches fiches de parrainage retirées au moment où l’on écrivait, il y a de quoi se poser des questions sur le fondement de tout cela. Pourquoi tout ce beau monde pense-t-il pouvoir assumer la fonction de président de la république, comme si elle n’était pas aussi exigeante que lourde en termes de charges et de responsabilités ?

Il y a d’ailleurs à se demander si cette prétention à vouloir être candidat dans beaucoup de cas, n’est pas à lier avec la banalisation excessive dans les nominations aux postes de ministres, directions générales, député et de maire, aussi fallacieuses qu’infondées, adossées dans certains cas à une simple logique de clientélisme, de militantisme, d’appartenance familiale notée ces dernières années ? Une liberté pour ne pas dire désinvolture dans les nominations, depuis Me Wade et sous Macky Sall qui laisse finalement penser que n’importe qui, peut désormais occuper n'importe quel poste.  Et lorsqu’on voit certaines candidatures bien farfelues, telles que celle de Ndella Madior Diouf ou de Coumba Diallo alias Queen biz, de Françoise Hélène Gaye ou encore de Siré Sy , il y a des raisons de rire sous cape. Ils sont en réalité nombreux dans ces cas-là.

La politique est à la vérité devenue un ascenseur social ou plus exactement un moyen d’accès facile à l’argent et aux honneurs. Surtout pour ceux-là qui n’ont pas de métiers dignes de ce nom ; pour ceux-là qui n’ont pas réussi à accéder aux sommets dans leurs fonctions ; ou plus encore ceux-là qui n’ont pas su fructifier des business qu’ils ont mis en place.

Certaines populations de plus en plus éreintées par la crise et des promesses de lendemains meilleurs non tenues, ne sont plus très regardantes sur l’origine de fortunes aussi subites qu’immenses de certains hommes politiques, fonctionnaires ou de personnes sans business florissant connu qui ont percé dans cette jungle politicienne.

La multiplication du nombre de partis politiques dont les naissances ne sont plus fondées sur l’existence d’une masse critique de militants qui adhèrent à une cause, une idéologie ou encore un projet sérieux, n’est sans doute pas étrangère à la ruée vers la politique, avec des leaders qui ne cherchent au fond qu’à accéder aux sommets ou à bénéficier de prébendes. Surtout que le jeu des coalitions renforce l’idée qu’un seul parti ne peut plus gagner d’élections. A l’intérieur de ces coalitions, les leaders des partis pour beaucoup insignifiants, croient devoir porter leur candidature dans le seul but de compter au moment de la prise du pouvoir par le parti allié le plus puissant.

La Coalition Benno Book Yaakaar, tout comme celle de « Yewwi askan wi » sont les parfaites illustrations du phénomène avec beaucoup de partis qui se limitent à leur leader et deux pelées trois tondus qui s’y sont greffés. Un mouvement tel que « Feekee ma si boole » de Youssou Ndour, « Macky 2012 », etc. sont de parfaits exemples. De même, l’on peut se demander ce que pèse un Dethié Fall, membre de Yewwi à qui d’aucuns ont pu penser un moment pour être un plan B d’Ousmane Sonko, étant un des membres les plus en vue, surtout dans les rangs des cadres de Yewwi où il a été en charge de la coordination et des élections ? Quid d’un Habib Sy ou d’un Cheikh Tidiane Dièye ? Que pèsent-ils réellement ? Rien sinon d’avoir saisi l’opportunité de s’allier à Ousmane Sonko, Khalifa Sall et le Pur, les partis qui comptent vraiment dans cette coalition. Le phénomène est d’autant plus marqué avec le parti Pastef qui a intégré beaucoup d’opportunistes, hommes politiques sans envergure, journalistes, acteurs de la société civile qui ont rallié le parti, au fur et à mesure qu’ils notaient une massification de plus en plus importante de celui-ci, sans oublier son ascension au fil du temps.

Dans cette pléthore de candidatures, plusieurs cas de figure se dessinent : ceux qui ont déclaré leurs candidatures parce qu’ils ont des cafards dans le placard qu’ils ne veulent pas voir ouvert ; ceux qui veulent avoir la possibilité de négocier des postes dans le futur ; d’illustres inconnus au bataillon qui veulent juste se faire de la publicité à moindre frais en affichant background et cv remplis ; et plus heureusement ces candidats dont les candidatures se justifient pour leur expérience de la gestion et leurs capacités avérées.

Ce sont les 7 371 875 inscrits dont 335 409 nouveaux électeurs sur le fichier électoral qui vont se perdre dans cette hyperinflation de candidatures. Mais heureusement que les candidats devront tous passer par la case parrainage avant qu’on ne puisse y voir plus clair. Soulignons tout de même qu’en 2019, sur 113 qui avaient retiré des fiches de parrainage, 27 avaient déposé leur candidature avant que 5 d’entre eux ne soient retenus. L’on risque de se retrouver cette fois-ci avec certainement moins de 10 candidats.

Le jeu politique lui se poursuit pendant ce temps avec Pastef toujours droit dans ses bottes qui veut continuer à croire à la candidature de son leader en déposant un recours en justice. Mais elle se prépare, comme on l’a noté, à l’éventualité qu’il ne soit pas candidat. Si Ousmane Sonko du fait de sa radiation des listes électorales n’a pas pu retirer une fiche de parrainage, Pastef a anticipé une situation prévisible. Des retraits de fiches de parrainage ont été effectués pour les comptes de Bassirou Diomaye Faye, Birame Soulèye Diop, Abasse Fall et Guy Marius Sagna de Frapp, proche de Pastef dont il se susurre qu’il pourrait être le plan B.

En effet, tous les actes que Guy Marius Sagna a posés récemment, même s’il soutient mordicus qu’Ousmane Sonko reste le candidat de Pastef, semblent aller dans le sens de se préparer à une éventuelle candidature. Comme cette tournée récente en France et dans d’autres pays d’Europe, son passage sur TV5 ou encore le changement de posture noté chez lui, devenu beaucoup moins agité dans ses combats et plus policé dans son discours contre la France. Seulement, le Pastef est un parti comme les autres avec des querelles de positionnement. Le leader de Frapp n’étant pas membre, l’on voit mal le numéro 2, Birame Soulèye Diop, président du Groupe parlementaire «Yewwi askan wi», lui laisser la voie libre. De même que Bassirou Diomaye Faye, quoiqu’en prison, qui garde toujours la possibilité d’être éligible. Bref l’on pressent bien un choc des ambitions, même si tout n’est pas encore joué dans le cas de Ousmane Sonko. Mais il se peut aussi que la voix de la sagesse les enjoigne à l’unité dans une logique beaucoup plus réaliste.

C’est en tout cas à une élection très ouverte que l’on va assister. Et son issue dépendra pour beaucoup de plusieurs facteurs. Pour Benno dont certains bien trop optimistes prédisent déjà qu’elle gagnera l’élection présidentielle au 1er tour. Une victoire ou défaite qui dépendra en partie de la posture de Pastef, de l’équation personnelle du président Sall à mettre dans le soutien à Amadou Ba, de l’accueil par les jeunes de la candidature du PM, le comportement des abstentionnistes en nombre important (de l’ordre de 53,36 % aux législatives passées et 33,73% à la présidentielle de 2019, avec toutefois la présidentielle qui suscite plus d’engouement) avec un peu plus de 300 000 nouveaux inscrits ; Une issue qui dépendra surtout aussi du score des partis qui comptent, tels que « Taxawu Sénégal », Rewmi et le PDS, sans oublier les voix que des acteurs tels que Thierno Alassane Sall, Abdourakhmane Diouf, Bougane Guèye Dany, Abdoul Mbaye, Malick Gackou, etc devraient pouvoir grignoter, si jamais ils réussissent à participer.

Mais au-delà, il s’agit surtout de comprendre pour ces nombreux candidats, qu’être président de la république, n’est pas à la portée de tout le monde. Or, il semble que les candidatures ont lieu comme dans une sorte de jeu d’enfants, où il est question de lever sa main pour être de la partie. En dehors de son aspect contraignant qui nécessite de prendre régulièrement des décisions souvent délicates pour ne pas dire graves, parce qu’engageant le futur du pays, la fonction implique de savoir gérer le stress, d’avoir une carapace très dure, de la maturité, d’être patriote et surtout intègre. Le pouvoir pour peu qu’on le prenne au sérieux, est très éloigné du terme « ngur » par lequel on le désigne en wolof. Il ne s’agit point de jouissance. Loin de là.

Ce qui veut dire que la fonction demande aussi d’autres qualités essentielles, et pas des moindres. Entre autres d’avoir un bon niveau d’éducation et de formation qui permet de comprendre les logiques de gestion du pouvoir, sans oublier celle du management qui veut aussi dire aptitude à choisir les bons profils pour un management efficace. S’entourer de personnes de confiance, compétentes, intègres, amoindrira sans aucun doute le risque de se tromper, voire d’être induit en erreur dans un pays où le système, tel que dénoncé par des hommes politiques tels qu’Ousmane Sonko, a étendu ses tentacules partout, à un point tel point que ceux qui en jouissent, ne voudraient pour rien au monde, perdre leurs avantages et privilèges. Ceux-là ont bien au contraire ont plutôt intérêt à laisser perpétuer un système dans lequel leurs intérêts seront préservés.

Il s’agit au fond pour le futur président de comprendre les priorités et les vrais enjeux de développement pour le pays dans un contexte d’exploitation future du pétrole et du gaz, tout en tenant compte du contexte de terrorisme mondial et de sa résurgence chez nos voisins. Tout cela requiert à ne pas en douter un bon background et une bonne connaissance des rouages du système (administration, gestion ) aussi bien au niveau interne qu’international.

Ce qui ne veut toutefois pas dire que le président devra détenir toutes ces qualités à la fois et tout savoir. Mais, il devra au moins détenir une bonne partie de celles-ci. Mais un minimum serait d’avoir un niveau d’éducation qui lui permette d’avoir une large vue et compréhension des sujets aussi transversale que possible, une bonne expérience du management public complétée par une bonne connaissance du monde de l’entreprise, de la sociologie sénégalaise et l’expérience terrain du pays profond.

Mais qu’est-ce qu’on accorde du crédit aux populistes à la langue bien pendue qui nous abreuvent de promesses mirobolantes, sous nos cieux ! Par pure naïveté ? Parce que nous sommes manipulés ? Par pur désespoir ? Par ignorance ? Quelle garantie pouvons-nous avoir que tous ces politiciens qui nous bombardent de promesses, les tiendront, une fois au pouvoir ? Aucune, sinon que celle de les croire sur parole avec le risque de devoir subir leur diktat cinq ans durant, dans un pays où l’on ne croit qu’aux vertus de la carte d’électeur pour le peuple si patient et pacifique qu’on est. La vérité est que nos hommes politiques avancent tous masqués, dans un jeu de masques si corsé très difficile à décrypter. Macky Sall nous avait promis une gestion sobre et vertueuse. 12 après, nous en sommes à nous lamenter d’une gouvernance aux antipodes des promesses, même s’il a eu à réaliser des infrastructures et œuvré dans les domaines de la santé et du social. Dès lors pourquoi devrions-nous donner carte blanche à qui que ce soit ?

Il ne s’agit plus de répondre aux sirènes d’un lendemain qui chante. Car pour réformer ce pays, il faut s’attaquer à la forme de gouvernance actuelle, lutter contre la corruption, le manque de transparence, s’attaquer aux institutions dans le sens de les rendre plus indépendantes dans une logique de séparation des pouvoirs, changer de paradigmes dans les formations pour pouvoir faciliter l’accès à l’emploi des jeunes en relation avec une politique de développement économique et sociale adapté, remettre l’ordre et la sécurité dans nos villes et campagnes, réformer le secteur des transports, booster les secteurs primaires et créer une industrie à notre portée, faire renaître le tourisme et doter  le pays de véritables politiques de culture et de sport, etc. Mais quel vaste chantier que celui de l’emploi des jeunes ! Il prend du temps. Et c’est une grande illusion d’ailleurs que le futur président fera des miracles dans ce domaine en peu de temps. Casser le système dont les fondements sont si solidement enracinés puisqu’il a étendu ses tentacules partout, n'est d’ailleurs pas une mince affaire.

Ce qui veut dire que nous ne devons pas croire à tout ce qu’on nous vend comme chimère dans un pays où l’administration est tenue par des fonctionnaires à qui l’on attribue des fortunes. Comme ceux issus des régimes précédents et présents. Il suffit pour s’en rendre compte de voir à quel point des fonctionnaires des régies financières ont envahi les postes de la république après s’être engagés en politique. Des marabouts, des membres de la société civile, des syndicalistes, des membres du patronat, du milieu des sports, des communicateurs traditionnels, des enseignants du supérieur, des médecins, des hommes de tenue, des journalistes, des chauffeurs, des gardes du corps, etc sont à la vérité tous parties prenantes de ce système qui se perpétue dans le temps.

Tout cela pour dire qu’être président, est loin d’être une partie de plaisir. Avoir la responsabilité de casser tout ce système et de reconstruire un Sénégal nouveau, cela demande une bonne dose de courage et de foi en son pays. Pas juste d’être animé par une logique de jouissance du pouvoir, pour se servir et servir ses proches et son entourage.

A la vérité l’on devrait plaindre le futur président, si tant est que son désir de travailler pour le pays, est réel.