NETTALI.COM - Jamais de mémoire d'homme, on a eu droit à autant de slogans et de plans que sous l'ère Macky Sall. Entre le « Yoonu yokkute », le Pse, « la patrie avant le parti », « la gouvernance sobre et vertueuse », le Fast-track et le pap2 A, beaucoup de concepts et de mots ont marqué sa gouvernance. Certains sont morts de leur belle mort, faute de crédibilité ; d’autres sont nés entre temps et rejoint la longue liste. On aurait même dit que le Président et son staff sont des machines à fabriquer des slogans.

Seulement le grand problème est que sous Macky, l'appareil n’a jamais brillé dans la communication. Il n’a jamais non plus réussi à donner un fond à ces fameux concepts. Mais ce que l’on semble oublier dans les rangs du  "Macky", c’est que la communication n’est pas seulement une affaire de vœu pieux ou de fantasmes, c’est aussi une affaire d’action positive qu’on habille.

Avec Macky Sall, la gouvernance semble n’être en réalité qu’une affaire de subterfuges et de stratagèmes. En effet, à chaque fois qu’il sent la machine grippée au point de toucher le fond, il cherche toujours la parade qui consiste à changer de méthode, quitte à inventer un nouveau slogan voire une nouvelle formule pour justifier un nouveau cap. Mais, c’est prendre les Sénégalais pour des demeurés que de penser qu’ils ne comprennent rien de ce qui se déroule sous leurs yeux. Ils s’en rendent au contraire bien compte, mais en peuple patient, il se laisse rarement emporter par des réactions d’émotion.

D’Abdou Mbaye en passant par Aminata Touré, Boun Abdallah Dione, ce sont 5 gouvernements qui se sont succédés. Soit un an et demi pour chaque gouvernement sur un exercice de 8 ans. La nomination d’un 6ème gouvernement est surtout révélatrice d’une gouvernance qui se cherche toujours et qui a du mal à prendre ses marques. Les gouvernements changent et ce sont toujours les mêmes habitudes, la même routine qui demeurent. Rien qu’à regarder les visages des ministres, l’on est stupéfaits par le manque d’envergure de beaucoup d’entre eux. Et surtout de compétence. Il y a aussi la catégorie des ministres à l’image bien écornée par certaines dossiers notamment Abdou Karim Sall avec l’affaire des Oryx ; Cheikh Oumar Hanne et le rapport relatif à sa gestion du Coud qui a soulevé de la polémique ; ou encore Mansour Faye et sa gestion désastreuse des vivres dans le cadre de la pandémie. Ils sont toujours là ceux-là ! Même Me Malick Sall l’homme par qui toutes les confrontations avec les acteurs de la justice ont eu lieu, plane toujours sur la justice.

Difficile en tout cas de faire du neuf avec du vieux. L'expérience nous a montré que certains ministères ont fait la preuve de leur inefficacité lorsque leur raison d’exister ne se justifie plus sous les formes sous lesquelles ils sont configurés en termes de fonctionnement. Imaginez une seconde des ministères tels que celui de la Jeunesse, des Sports, de la Famille ou encore de l’Industrie ? Le ministère des Sports par exemple semble n'être qu'un département dédié aux campagnes sportives (football et basket ) avec des moyens hélas bien limités. L'indigence du Sénégal en infrastructures, est criarde, en plus du fait que ce ministère n’a pas de politique sportive digne de ce nom. Quel est, peut-on légitimement se demander, le projet que l’on met en place lorsque le ministère du Développement industriel est confié à Moustapha Diop ? Ce politicien qui n’a que le temps de faire du porte-à-porte dans son fief de Louga. Il y a aussi d’autres ministères tels que celui de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants qui posent aussi problème puisqu’on n’en voit vraiment pas l’utilité, sinon que de caser une proche d’entre les proches. Le ministère de la Jeunesse a révélé dans le temps n’être qu’un outil dédié à la jeunesse politique du parti au pouvoir. Il s’est révélé en fin de compte et d’un point de vue historique être un gouffre à fric sans valeur ajoutée réelle dans un contexte de rareté de l’emploi pour une population majoritairement jeune.

Résultat des courses, beaucoup d’entre eux ne sont en réalité que des ministères cosmétiques qui existent par le simple fait que cela ferait désordre de ne pas les compter dans un gouvernement. Ils participent ainsi du décor gouvernemental.

Quoi qu’il en soit, après l’annonce d’importants changements dans le nouvel attelage, c’est finalement un gouvernement politique qui a vu le jour alors que beaucoup pariaient sur un attelage de mission. C’est mal connaître Macky Sall que de croire qu’il allait remplir le gouvernement de technocrates. Avec lui la politique est une seconde nature. Il est incapable de réfléchir autrement. Ce n’est donc pas un hasard s’il a nommé Mahmoud Saleh, comme Directeur de cabinet. Homme de l’ombre depuis belle lurette, celui-ci va être encore plus proche du Président pour davantage murmurer à son oreille et gérer les aspects de la gouvernance qui vont désormais prendre une orientation politique. Autre fait d’autant plus marquant du tout politique, c’est également la nomination d’Augustin Tine au poste de directeur de cabinet politique. Il aurait été peut-être préférable de parler de chef de cabinet. Mais avec Macky même les dénominations qui n’apparaissait pas dans la nomenclature habituelle, finissent par prendre la couleur politique.

Un fromage nommé Cese !

Sur un autre plan et pour couronner le tout politique, les connexions entre Idrissa Seck et Macky Sall, tant murmurées et dénoncées, sont apparues au grand jour, au grand dam de certains qui avaient du mal à y croire. L’ancien maire de Thies, nommé au Conseil économique, social et environnemental - ce machin dont on s’est toujours demandé à quoi il sert d’ailleurs - n’avait-il pas lui-même promis cette institution à une mort certaine, si d’aventure il venait à être élu ? Sacré retournement de veste ! Politicien dans l’âme, Idy a cherché à justifier son acte. « Après plusieurs mois d’échanges dans le cadre du dialogue national comme au cours de plusieurs rencontres en tête à tête avec le président de la République, après une analyse lucide et sereine du contexte international africain et sous régional et national, la nécessité nous est clairement apparue de répondre positivement à l’appel du président de la République pour une union de l’ensemble des forces vives de la nation pour mieux faire face aux défis du moment (…) Ce n’était pas facile mais nous y sommes arrivés », a confié le président du Conseil économique social et environnemental qui en appelle à l’unité en soutenant que « tout le monde doit s’impliquer dans la politique de l’Etat pour sortir le Sénégal de la crise dans laquelle il se trouve et qui n’épargne les grandes économies, nos partenaires ».

« Ce sont des sacrifices qu’il faut faire », a ajouté celui-ci en se demandant : « en quoi un leader politique est-il plus méritant qu’un jeune de 20 ans enrôlé dans l’armée qui court le risque d’être tué ?».

Idrissa ne nous a pas dit que cela. Il a aussi informé sur le poids de sa nouvelle alliance : « Il nous appartient de rendre grâce qu’au Sénégal, au moyen d’une discussion sereine, longue, profonde dans plusieurs cadres, notre classe politique, qui représente 85 % de l’électorat, soit parvenue à s’entendre pour mieux prendre en charge les défis du pays. » Que justifiait-il ? Qu’ils feraient un tabac ensemble, Macky et lui ? Les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent. En s’alliant avec le Président Sall, il perd aussi des alliés. Les électeurs ne sont pas tous animés par l’instinct grégaire. Moussa Taye, allié de Khalifa Sall a sur la 2 STV appelé à une reconfiguration de l’opposition qui n’exclurait pas les Sonko, le PDS et autres. Quoi qu’il en soit, la nomination de deux membres de Rewmi, Aly Saleh Diop à l’Elevage et Yankhoba Diattara à l’Economie numérique, vient prouver que Rewmi n’est plus dans l’opposition. Bien au contraire, il s’implante en force dans la coalition de Macky Sall.

Mais ce qui est fort étonnant, c’est que le Conseil économique, social et environnemental dans la même lignée que le Haut conseil des collectivités territoriales, n’ont jusqu’ici pas produit la moindre preuve de leur utilité. En tant que 4ème institution de l’Etat, il a dans ce cas-ci plutôt servi comme monnaie de change à Idrissa Seck, en tant qu’institution à la hauteur de son rang et qui ne pouvait pas être un poste ministériel. Comme cela a été le cas pour feu Ousmane Tanor Dieng ou Aminata Mbengue Ndiaye ou encore Moustapaha Niasse avec l’Assemblée nationale.

L'on ne peut raisonnablement pas manquer  de se demander si Idrissa Seck apprend de ses erreurs. Le précédent Wade est là pour lui rappeler une déconvenue issue de tractations de même nature qu'aujourd'hui avec Macky Sall. On lui souhaite de ne pas subir l'humiliation suprême qui l'enverrait à la retraite définitive. Peut-être que les honneurs et l'argent le calmeront en ce moment là.

En tout cas, pour un président qui entend relancer l’économie, avouons que c’est bien contradictoire de garder une institution jugée aussi budgétivore ! Idrissa Seck en plongeant ainsi dans la soupe, ouvre ainsi un boulevard à Ousmane Sonko. C’est ce dernier qui doit bien se frotter les mains lui qui s’était depuis quelque temps positionné comme l’opposant du moment, attaquant Macky Sall et sa gouvernance sur tous les fronts. Il ravit de fait la place à Idrissa Seck. L’ancien inspecteur des impôts devrait nécessairement penser à créer une coalition en s’ouvrant davantage à d’autres opposants.

Au-delà, c’est surtout la nomination du magistrat Antoine Felix Diome au poste de ministre de l’Intérieur qui ne semble pas du tout agréer une bonne partie des observateurs et de l’opposition politique pour avoir aidé Macky à se débarrasser d’opposants politiques, en tant que maître des poursuites dans le cadre des procès de Khalifa Sall et de Karim Wade, pour biens mal acquis. Comment dès lors lui faire confiance surtout dans le cadre d’un processus électoral qui a toujours soulevé des polémiques ? La nomination de Diome au poste d’Agent judiciaire de l’Etat avait même été vu comme une faveur puisque d’aucuns dénonçaient le fait que celui-ci n’avait pas le grade requis. En tout cas une nomination qui n’augure aux yeux de ceux-là, rien de bon au regard des échéances à venir et surtout par rapport aux attributions du ministre de l’Intérieur, garant de l’ordre public. Mais il n y a pas que cela, avec Antoine Diome, Macky surveille aussi ces poids lourds qu’il a sortis du gouvernement. Et récemment, lorsqu’il imposait en réalité les déclarations de patrimoine, le président avait déjà mené des enquêtes. Antoine serait aussi là pour les tenir en respect car il aurait des dossiers sur chacun d’entre eux.

Les poids lourd, out !

Ces poids lourds, parlons-en. L’exclusion du gouvernement d’Amadou Ba, d’Ali Ngouille Ndiaye, de Makhtar Cissé, d’Aminata Touré, de Mouhamadou Boun Abdallah Dione à qui l’on a toujours prêté à tort ou à raison, d’avoir des ambitions présidentielles, en a surpris plus d’un. Mais ceux-là sont surtout aussi ceux qui ont eu la malchance de briller autour du président. Et pourtant, ils l'ont pour beaucoup servi avec dévouement et professionnalisme. Dans le cas d’Aminata Touré dont les visées semblaient un peu plus affirmées, libérer certains de ces poids lourds de toute entrave, ne reviendrait-il pas à en armer certains dans une perspective de se jeter dans la mare aux candidats de 2024 ? Il semble que dans le cas de cas d’Amadou Ba, les perspectives sont moins claires qu’une Aminata Touré. Du moins pour le moment. Seul en tout cas un temps d’observation permettra de rendre le jeu un peu plus lisible. Mais en agissant ainsi, Macky Sall rappelle à certains égards Louis XIV, surnommé le « Roi Soleil » et qui disait que « l’Etat c’est moi »

Macky a fait le vide autour de lui et agi en seule « constante » comme aiment à le dire ces politiciens purs jus au Sénégal. Mais il l'a fait avec un tel manque d’élégance, une telle froideur que l'on se demande où est la reconnaissance ! Il a aussi dans le même temps, tenté de créer des équilibres. En sortant Amadou Ba, il rééquilibre avec Aïssata Sall proche de la famille omarienne ; et dans le cas Makhtar Cissé, c’est Oumar Sarr qui se repositionne dans le Walo. L’objectif est clair. Rester seul maître à bord sans avoir un empêcheur de tourner en rond ou quelqu’un qu’il sera obligé de gérer.

Rester seul maître à bord, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, il n’a jamais vraiment cherché à structurer son parti. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le président a instauré une relation directe avec les directeurs généraux des sociétés publiques. Cette posture procède aussi de la même logique qui est de garder toute l’autorité sur eux ainsi que sur ses ministres, dans une logique de diviser pour mieux régner. Mais à la fin, le pouvoir revient à lui et à lui tout seul. Une situation qui finit par le submerger puisqu’il est au four et au moulin.

Un gouvernement finalement qui garde sensiblement le même nombre de membres (37 dont 4 secrétaires d’Etat) que celui initial et dont la configuration ne se justifierait finalement que par un souci de vouloir caser du personnel politique, notamment des alliés. Un « gouvernement d’ouverture » comme l’a résumé Seydou Guèye, le communicant avec notamment d’un côté, Oumar Sarr, le représentant du groupe des Babacar Gaye, Amadou Sall, tous les trois transhumants du Pds et de l’autre Aïssata Tall Sall, en plus des membres de Rewmi.

Un attelage qui veut changer de paradigme, opterait-il pour une orientation aussi politicienne ? Il semble que les réformes tant souhaitées avec un cap sur l’agriculture, l’élevage, la pêche, le numérique, le transport, la santé sans oublier l’industrie pharmaceutique qu’il veut faire revivre, soit plus en adéquation avec le choix de technocrates que de nouveaux ministres politiciens qui vont devoir mettre du temps à se mettre à jour et être dans le rythme. C’est surtout l’équation que pose l’arrivée de nouveaux entrants, dans un contexte où le fast-track est érigé en religion. L’on ne peut ne pas dès lors s’interroger sur la question de l’ambition de ce gouvernement au moment où le taux de croissance nous a promis une récession avant que les autorités ne se mettent à ajuster les chiffres pour enjoliver le tableau.

Un remaniement qui intervient en tout cas dans un contexte où on l’équation des inondations s’est posée, sans oublier la question attribution des licences de pêche qui aboutit au pillage de nos côtes et au désœuvrement des pêcheurs locaux. Mais c’est surtout la frénésie des départs de jeunes sénégalais à bord d’embarcations vers l’Eldorado européen avec son cortège de naufragés qui a interpellé tous les Sénégalais. Le président Sall a en tout cas raté une belle occasion de montrer qu’il a entendu les cris de désespoir de sa jeunesse dont 70% a moins de 35 ans ; mais aussi ceux de son peuple en nommant un gouvernement aussi politique.

Macky a récemment mis en branle son plan de relance de l’économie considéré comme le PAP2A et qui préfigure la phase 2 du Plan Sénégal Emergent. Saura-t-il trouver la bonne méthode de management en l'absence d’un premier ministre que beaucoup attendaient ? Le chef de l’Etat justifiait ainsi le besoin de plus d'efficacité dans un contexte où des goulots d'étranglement avaient été notés sous Boun Abdallah Dione. Le président n’avait-il pas fait savoir lors de la conférence de presse d'après son discours de fin d'année que les dossiers prenaient trop de temps entre lui, le Pm et le gouvernement dans les deux sens ?

Mais à l'arrivée le « fast track » tant chanté n’a pas eu les résultats escomptés. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles lors du dernier conseil présidentiel, le président exhortait Amadou Hott, ministre de l'Economie, Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et le directeur général de l’Apix, Mountaga Sy à accélérer les réformes entreprises.

Macky Sall est à un tournant. C’est sûr. Et il lui sera bien préjudiciable s'il s'avère qu'il a choisi une mauvaise option dans un contexte où il est question d’un 3ème mandat toujours pas clair dans les esprits, malgré l’alliance avec Idrissa Seck qui soulève moult interrogations. En posant de tels actes, le président de la République a montré que ce qui l’intéresse, semble être de perdurer à la tête de l'Etat en concentrant tous les pouvoirs entre ses mains. Et pour cela, il compte s’appuyer sur la Constitution et utiliser les stratagèmes politiques pour opérer des coups de force sur la démocratie, tout en écartant ses adversaires. En direction de 2024, il a en tout cas montré qu’il ne veut point être gêné. Pour l’instant, l’équation du 3ème mandat est toujours présente. Il ne pourra pas éternellement changer de gouvernement. Mais l’opposition ne restera certainement les bras croisés en le regardant dérouler tranquillement. De nouvelles alliances vont certainement se nouer. Et finalement au bout de la longue torture pour ces ministres et curieux de Sénégalais, la montagne a accouché d’une souris. On devrait peut-être dire « tout ça pour ça ».