NETTALI.COM - Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dakar, en charge de ce dossier ultra médiatisé qui a secoué la République, a saisi d’un soit-transmis le commissaire de la Division des Investigations criminelles (Dic) afin qu’il puisse ouvrir une enquête, dans le but de situer les responsabilités des uns et des autres, impliqués dans cette nébuleuse.  Pourquoi la Dic a été choisie ?

Compte tenu de la complexité et de la délicatesse du rapport dans lequel les magistrats et les enquêteurs de la Cour des comptes ont révélé des malversations présumées portant sur plusieurs milliards et indexant une palette d’agents des ministères, les mauvaises langues commencent à se délier sur le choix de cette entité de la police judiciaire. Celles-ci doutent de la compétence de la Dic à conduire de main de maître cette enquête. Mais l’ancien enquêteur de la gendarmerie, Major Alioune Badara Kandji, soutient que la Dic est bien outillée pour mener ce genre d’enquête.

 «Les commissaires de police en service à la Dic sont formés dans plusieurs domaines. Ils font des enquêtes administratives, des enquêtes judiciaires et dans une moindre mesure une enquête militaire. La procédure est régie par le droit pénal. Donc, elle est très indiquée pour faire une enquête pareille dans la mesure où elle a une section qui s’occupe des enquêtes administratives, économiques... Cette structure est très organisée pour assurer une telle mission et compte tenu de sa délicatesse. C’est pour cela que le soit-transmis est administratif, autrement dit une enquête lui a été transmise par le parquet.  Le ministère public, après qu’il a reçu un document afférent à une nécessité d’ouvrir une enquête pour se faire une idée claire sur ce dossier, a toutes les prérogatives de la saisir. Pour ce cas d’espace, la Dic, après avoir entendu les mis en cause et exploité les rapports de la cour des comptes, pourrait procéder à des arrestations ou faire un renseignement judiciaire. De toute façon, pour être concis, retenons que la Dic est dotée de commissaires et d’enquêteurs très expérimentés et très bien formés qui pourraient mener l’enquête de main de maître. Actuellement, elle regorge d’enquêteurs économiques, de la police scientifique et technique et même des enquêteurs spécialisés dans le terrorisme. Donc, elle a des ressources humaines en qualité et suffisantes pour mener n’importe quelle enquête économique…», soutient l’officier de gendarmerie à la retraite.

Moundiaye Cissé de l’Ong 3D, par ailleurs membre du collectif «Sunu milliard dou Ress», jubile après qu’il a appris que le rapport de la Cour des comptes a été confié aux redoutables enquêteurs de la Dic. «C’est déjà une bonne chose. Un nouveau pas a été franchi. C’est un bon signe, nous osons croire que les enquêteurs de la Dic vont compléter le dossier. Il faut préciser que nous n’avons pas de parquet financier qui s’occupe exclusivement du crime financier. Donc, la Dic est plus habilitée que quiconque pour faire ce genre d’enquête car elle a plusieurs compartiments et chacun s’occupe d’un domaine particulier. En lieu et place d’un parquet financier (comme l’avait annoncé le président Macky Sall en 2021), qui nous permettait d’avoir des parquetiers très bien formés et des enquêteurs spécialisés, nous nous contentons de la Dic.  C’est un pas important qui doit être complété par d’autres afin que tous les engagements de l'État par rapport au rapport de la cour des comptes soient respectés.  Seulement, il ne sera pas difficile de confirmer un détournement (s’il existe) parce que déjà il y a un travail préliminaire que les magistrats de la cour des comptes avaient fait, donc ce sera un travail complémentaire qui ne sera pas compliqué. La Dic peut enquêter sur toutes les formes de crime, y compris celui financier.  Nous attendons avec impatience les conclusions de leur enquête … », soutient-il.

Elimane Kane de Leg Sénégal, une organisation de la société civile, pose lui ses conditions. Il argumente : «La police judiciaire est une structure sur qui le Procureur peut s’appuyer pour approfondir une enquête s’il le juge nécessaire. Certainement, la Dic a des spécialistes sur les questions soulevées. A mon avis, ils doivent se sentir à l’aise dans ce dossier dans la mesure où le rapport de la cour des comptes est très clair et exhaustif. C’est une double enquête, mais si le Procureur juge qu’il doit l’approfondir pour mieux se faire une conviction sur les révélations des magistrats spécialisés, nous n’en trouvons pas d’inconvénient. L’essentiel est que la procédure aboutisse.  Et de la même façon que le maître des poursuites est en train de communiquer sur des enquêtes prolongées, nous attendons qu’il fasse autant sur la suite qui sera donnée à ces dossiers-là et que les instructions puissent être démarrées sur les différents cas soulevés par le rapport de la cour des comptes. C’est ce que nous demandons. Nous suivons jusqu’au bout cette affaire pour qu’elle soit tirée au clair. Il faut que ceux qui ont fauté soient sanctionnés par la justice de notre pays…», réclame-t-il.

Dans tous les cas, le procureur de la République est le chef de l’enquête. Il pourra toujours apprécier les investigations et les réorienter. S’il trouve que le travail n’a pas été bien fait, il a les pouvoirs de demander aux enquêteurs de la Dic de la reprendre.