NETTALI.COM - Pour un gouvernement de combat, l’ardeur au combat a été de bien courte durée face aux transporteurs. L’on a en effet attendu de l’équipe d’Amadou Ba qu’elle fasse preuve d’un peu plus de fermeté et d’endurance afin que l’on puisse mesurer à quel point cette notion de « de combat » est une réalité chez lui. Mais l’on a hélas fini par comprendre que les vrais combats qui valent la peine d’être vécus pour Macky Sall et ses ouailles, sont plutôt ceux politiques. Il s’agit tout au plus d’aller se crêper le chignon sur les plateaux télé pour bomber le torse à coup de réalisations d’infrastructures, de bourses de sécurité familiale et autres.

Le chantier des infrastructures, est sans nul doute celui que le président Sall a le mieux

réussi durant ces 10 ans de règne, après que Me Wade ait jeté les bases de l’érection d’infrastructures chère aux libéraux qui y voient, un moyen d’en mettre plein la vue aux Sénégalais. Il faut le souligner, les infrastructures sont le type de chantiers le plus facile à ériger et à vendre pour un gouvernement. Il suffit pour cela de disposer de financements, de lancer des appels d’offres et le tour est joué.

Au-delà, de telles réalisations sont plus faciles à vendre sur le plan politique car elles laissent l’impression d’avoir déplacé des montagnes pour transformer un pays, en un temps record, même si ces ouvrages n’ont pas plus d’importance que le chantier de la transparence et de la bonne gouvernance.

Mais quelle difficulté que d’organiser un secteur du transport informel, archaïque, désorganisé et l’instauration d’une sécurité routière digne de ce nom ! La première des qualités à avoir pour cela, est le courage politique. Et cela, le gouvernement ne l’a pas. Les accidents de ces deniers jours, de Sikilo et de Sakal qui ont occasionné un bilan de 64 morts, sont venus nous montrer où sont les vraies urgences. Il est d’ailleurs devenu bien incohérent de bâtir des infrastructures de dernière génération pour se retrouver avec un secteur du transport doté d’un parc automobile aussi vétuste avec des chauffeurs pas formés, indisciplinés et cupides.

Ils doivent mourir de honte, ceux-là, incapables qu’ils sont de faire leur autocritique et de se dire que l’heure de rompre avec ces vieilles mauvaises habitudes bâties uniquement sur de la cupidité, est enfin arrivée. C’est même leur orgueil d’être humain avec tous ces morts, qui aurait dû prendre un sacré coup et les inciter à comprendre qu’ils doivent changer. Mais lorsqu’on est face à un gouvernement incapable de prendre ses responsabilités et d’assumer son rôle, en étant intraitable et intransigeant sur certaines questions, les transporteurs voient là des occasions à ne pas manquer pour user de la carte de la terreur.

Faisant face à la presse, le mardi 17 janvier Le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Mansour Faye a abordé la question des 22 mesures. C’est pour indiquer que le gouvernement a lâché du lest. Mais bien avant cette sortie, l’on avait déjà senti que malgré la hargne du Premier ministre et son discours musclé, que la fermeté quant à l’application de ces mesures, allait être de courte durée. Des dérogations, le gouvernement en a apportées. Comme cette mesure d’interdiction des porte-bagages pour laquelle, il a fini par établir une période transitoire d’un an pour la
mise en oeuvre. La hauteur des porte-bagages est désormais limitée à 50 cm pour les 7/8 places et 70 cm pour les autres véhicules de transport de voyageurs. L’on a bien compris que la prochaine présidentielle, est un paramètre à prendre en compte.

Sur la question des visites techniques à Dakar, le gouvernement trouvera avec les acteurs, un mécanisme pour que des visites techniques modernes soient effectuées dans les régions intérieures, avec à la clef,  un " programme d’érection de huit centres de contrôle technique modernes dans les autres régions qui  sera accéléré.”

Quid de la durée d’exploitation des véhicules de transport public ? Le ministre a soutenu qu’un décret a été pris pour porter la durée d’exploitation des véhicules de transport public de voyageurs à 20 ans et celle des véhicules de transport de marchandises à 25 ans, à partir de la date de première mise en circulation. Cependant, à titre dérogatoire, une période d’exploitation supplémentaire de deux ans a été accordée aux véhicules de transport public de marchandises et de voyageurs qui ont dépassé les durées limites fixées.

Enfin, sur le point relatif à l’âge des conducteurs, les dispositions du Code de la route sont maintenues : 23 ans pour les chauffeurs des gros porteurs et 25 ans pour les chauffeurs des véhicules de transport public de voyageurs.

Tout cela pour dire que ce gouvernement est mal barré car c’est mission impossible que de vouloir faire en 1 an ce qu’on n’a pas pu faire en 10 ans. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et il sera bien difficile de faire des miracles. Le temps est décidément compté et il ne sera pas aisé de fournir des réponses pertinentes à ces transporteurs, surtout avec un Mansour Faye à la tête de ce ministère des transports. Macky Sall aurait été plus logique qu’il se serait débarrassé de lui, à moins qu’il n’aime traîner des fardeaux. Mais Faye a plutôt choisi, à défaut de démissionner, de ne pas prendre de la hauteur en narguant ses détracteurs. face à la presse, ce même mardi 17 janvier, il a eu des mots pour ceux qui réclament sa démission et en des termes acerbes. "Vous savez, nous, on est dans le temps de l’action. Et je conseille à ces citoyens qui réclament ma démission d’avoir plus d’endurance. Parce que je me focalise sur les missions que le président de la République a bien voulu me confier et je ferai de mon mieux pour m’acquitter de mes tâches et essayer d’apporter des solutions par rapport aux préoccupations des Sénégalais”, a-t-il persiflé.

Il a décidément du mal avec la critique, celui-là ! Et pourtant, occuper un poste dans un gouvernement requiert un peu plus de retenue et de carapace pour ne pas s’abaisser à certains niveaux, qui que l’on puisse par ailleurs être.

A la vérité gouverner des pays comme les nôtres, demande de pouvoir fournir des réponses structurantes sur des sujets aussi divers et variés dans un environnement où tout est priorité. Car les vrais sujets sont au fond, l’emploi et la formation des jeunes, la retraite, l’accès au logement, le coût de la vie, la santé, le transport, l’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche, l’industrialisation, l’agriculture etc. Des sujets qui  méritent des débats publics avec des spécialistes pour éclairer l’opinion, au lieu de passer du temps sur des affaires de mœurs.

Sur la question de l’organisation du secteur du transport, Serigne Mboup, le patron de la

CCBM, vendeur de véhicules, a son idée sur la question. Il l’a ainsi partagée à l’émission « Jury du Dimanche », expliquant que le secteur du transport est très rentable, estimant qu’un bus peut être amorti en deux ans. Prenant le modèle Aftu comme exemple, il pense qu’ « il est bien possible de renouveler le

parc sans que l’État n’y mette des sous. » Serigne Mboup a à cet effet expliqué qu’un minibus de 15 places coûte environ 20 millions, et que s’il arrive à faire deux aller-retour Dakar-Kaolack par jour, dans deux ans, il est rentable. Le PDG de CCBM est même d’avis qu’ « avec les mêmes tarifs, on peut avoir des bus climatisés, sécurisés, qui partent à l’heure et qui arrivent à l’heure ».

Mais au regard de l’évolution de la situation, n’aurait-il pas été mieux pour le gouvernement de discuter d’abord avec les transporteurs avant de se lancer dans une opération Commando sans lendemain ? Gora Khouma et Cie, ces dinosaures de syndicalistes, veulent ramener l’état à la table de négociations et reprendre point par point les 22 mesures. C’est en tout ce qui est sorti de l’assemblée générale qui a décidé d’une grève illimitée à partir de ce mardi 17 janvier. Pire, ils veulent augmenter les prix du transport, malgré le communiqué du ministère de Mansour soulignant qu’il n y’a aucune augmentation qui vaille. C’est à se demander à quoi vont rimer ces mesures sur la vie chère, si jamais l’augmentation des prix du transport suit la hausse du prix de l’électricité. Sacré gouvernement de combat !