NETTALI.COM - L’année 2022 se referme avec ses faits marquants, ses moments de bonheur et de malheur. Mais, nous ne saurions aborder 2023 sans rappeler ce qui a été et demeure la demande permanente des Sénégalais et le challenge des années à venir.

Les journaux ont beau rivaliser de rétrospectives au fur et à mesure que l’on approchait de la fin d’année, mais difficile de trouver une revendication plus importante que celle de la réforme des institutions, surtout que l’année 2022 s’est refermée avec ce rapport de la Cour des compte a fait des recommandations dans le sens de l'ouverture d'infos judiciaires contre des gestionnaires de fonds de la Force Covid 19. La suite, on la connaît, des mis en cause ont tenté de discréditer l'institution.

Une situation qui conforte dans le fait que cette réforme des institutions est le combat pour lequel, il vaut la peine de se battre, surtout lorsqu’on se rend compte à quel point, les institutions ont été fortement piétinées ces dernières années.

Difficile en effet de savoir comment devenir une démocratie majeure lorsqu’on ne dispose pas d’institutions fortes pour soumettre aux lois et règlements, les hommes qui les incarnent ? N’oublions tout de même pas cette nature imparfaite de l’homme qui fait de lui un être capable de changer à l’épreuve du pouvoir et au gré des circonstances. C’est pourquoi, il sera toujours difficile de se fier uniquement à son intégrité voire de lui accorder une confiance aveugle.

L’histoire récente nous montre à quel point le président Macky Sall qui nous a promis monts et merveilles, à grand renfort de slogans, a fait rater au Sénégal, le virage de la réforme des institutions en ignorant royalement tout ce qu’Amadou Makhtar Mbow, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily et compagnie avaient proposé en termes de réforme des institutions, dans le cadre des Assises nationales. Le résultat est un rapport de synthèse achevé le 24 mai 2009, fruit mûr d’un processus mené avec une très grande finesse par l’opposition d’alors et la société civile. Ce sont en effet une approche inclusive, le consensus et l’éthique discursive qui avaient prévalu, loin du bruit, dans la transpiration à la fois physique et cérébrale. Les Assises nationales, faut-il le rappeler, avaient fini de produire leurs conclusions au terme d’un travail titanesque de franges entières de la société sénégalaise.

Un document qui compilait la plupart des problèmes auquel le pays est confrontée, en termes de droits de l'homme, de corruption, de boulimie foncière, etc. Et d'une Charte de la gouvernance démocratique pour jeter les bases d'un développement durable et construire un nouveau paradigme.
Mais, à l’arrivée, l’opposant d’alors, parti en solitaire à la rencontre de sénégalais des profondeurs pendant que ses camardes opposants manifestaient à Dakar, avait pris l’option de choisir ce qui lui plairait dans ce rapport, le moment venu. Le document est aujourd’hui rangé dans les tiroirs.

Un enterrement de première classe qui n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement actuelle des institutions.

Le constat est en tout cas bien alarmant. Les institutions ne se sont jamais aussi mal portées que sous le régime de Macky Sall, comptable aussi en partie du bilan du régime de Wade qui a jeté les bases de cette désacralisation des institutions. Comme s’il s’inscrivait dans une logique de continuité !

Le président de la république est toujours aussi puissant et prégnant dans la gouvernance de ce pays, vampirisant de fait tous les autres pouvoirs, malgré leur séparation consacrée par la Constitution. Il est présent au Conseil supérieur de la magistrature et gère la carrière des magistrats. Il a aussi choisi de conserver certaines lois jugées liberticides entre les mains d’un procureur de la république, tout puissant, qui dépend de son ministre de la justice qui lui-même dépend du président de la république.

C’est sous Macky Sall que, pour la 1ère fois, un juge, Souleymane Téliko en l’occurrence, ex-président de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) est livré à la justice, suite à une plainte d’un particulier en l’occurrence le journaliste Madiambal Diagne. Malick Sall était le ministre de la justice. Le seul tort de Téliko a d’avoir été trop insistant et pressant sur la question de l’indépendance de la justice. Autre époque, autre équipe, la nouvelle équipe de l’Ums est plus préoccupée par des questions d’ordre matériel.

Comment Macky Sall, a-t-il par exemple pu recevoir cet insulteur public de Kaliphone Sall à la résidence de l’ambassadeur de France ? Comment a-t-il osé se faire interviewer par celui-là qui s’est attaqué de manière aussi violente à toutes les institutions de la république ? Une posture aussi inacceptable qu’incompréhensible !

C’est aussi sous Macky Sall que des députés sont arrêtés et jugés. L’ambiance à l’Assemblée, montre aussi à quel point, on a raté le virage de la réforme d’une institution censée représenter le peuple. Ne fallait-il pas faire de meilleurs choix en érigeant des critères avec une option sur des députés capables de lire et de comprendre les projets de textes ? Coura Macky est sans aucun doute l’antithèse du député. Celle qui n’aurait jamais dû l’être. N’importe quel parent soucieux de l’éducation de ses enfants devrait zapper sa télé rien qu’en voyant celle-ci débiter ses inepties.

C’est également durant la gouvernance de Macky Sall que les dossiers sont placés sous des coudes au grand dam des corps de contrôle de l’Etat. Que Mansour Faye ose s’attaquer à l’honorabilité des vérificateurs de la Cour des comptes parce que ses services sont en cause dans cette affaire, est tout simplement scandaleux. Que Moustapha Diop ose traiter les auditeurs de la Cour des comptes de « petits juges », montre en effet que ces institutions ne sont pas aussi respectées qu’elles devraient l’être. Nous avons même vu des ministres refuser de faire leur déclaration de patrimoine, telle qu’exigée par la loi sur l’Ofnac pourtant introduite dans notre corpus législatif par le président Macky Sall !

La preuve du peu d’importance que l’on accorde à ces institutions, est que le chef de l’Etat a, à peine effleuré, lors de son discours de nouvel an, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds de la Covid et les suites à donner aux manquements notés.

Autre époque, autre opposition, le non-respect des institutions a fini par se retourner contre Macky Sall, à son tour attaqué non seulement sur l’institution qu’est la présidence de la république, mais aussi sur d’autres institutions.

L’exemple le plus illustratif de ce fait, est cette annonce de concert de casseroles qui a donné lieu à des cris d’orfraies dans les rangs de l’APR et de Benno. Un communiqué a été même pondu dans ce sens pour dénoncer l’action à entreprendre par la conférence des leaders de "Yewwi askan wi" sous l’angle d’une tradition républicaine qui allait être bafouée. Il est vrai qu’en tant que tradition républicaine, elle devient un élément du calendrier républicain, tel le conseil des ministres. Mais lorsqu’on s’amuse à banaliser les institutions, le retour de bâton est vite arrivé. C’est d’ailleurs le même constat qui est fait lorsque les citoyens se rendent compte que les gouvernants préférèrent faire la politique de l’autruche plutôt que de traduire en justice ces gestionnaires véreux épinglés par la Cour des comptes. Ousmane Sonko n’est d‘ailleurs pas à son premier coup d’essai. N’avait-il pas eu à livrer des interviews ou à prononcer des discours en fin d’année, au même moment que Macky Sall devait faire son adresse à la nation ? Le leader de Pastef sait là où ça fait mal, et il en abuse.

Mais ce qui reste inadmissible et à ne surtout pas cautionner, c’est cette nouvelle tendance à s’attaquer aux forces de police, de gendarmerie et à l’armée. Jusqu’ici, il y avait une sorte de contrat moral qui voulait qu’on préservât ces soupapes de sécurité. Mais ce qu’on a récemment constaté, c’est le fait que l’armée ait été obligé de monter au créneau pour démentir certaines informations. Comme celle sur les supposées brouilles entre le Sénégal et le Mali ayant occasionné le retrait du contingent sénégalais au Mali. La vérité sera révélée par la Direction des Relations publiques de l'Armée (Dirpa). Il ne s'agissait en réalité juste d'une affaire de rotation normale des contingents, celle qui quittait ayant prolongé sa mission, suite au Covid.

C’est en effet un jeu dangereux qui est en tout cas en train d’être joué sous les yeux des Sénégalais. Il s’agit dès lors de ne point tenter de franchir certaines limites. Et ceux-là qui sont les auteurs de ces actes, doivent comprendre qu’ils peuvent se retrouver demain au pouvoir. Voudront-ils qu’on attaque l’institution dirigée par eux demain ? Voudront-ils qu’on s’attaque aux forces de sécurité ? Assurément non. C’est pourquoi, il faudrait savoir raison garder et songer à ne pas tomber dans certains excès.

Dans ces moments de tension, d’adversité, il y a en effet beaucoup d’évènements qui se produisent sans qu’une certaine opinion ne sache réellement où se trouve la vérité. Il s’agit surtout de comprendre que la manipulation et le mensonge ne sont pas du seul ressort de la puissance gouvernante du moment. L’Etat, il est vrai, est connu pour naturellement avoir ses appareils de brouillage des cerveaux des citoyens. Mais historiquement, l’opposition aussi sait manipuler les esprits et divertir les coeurs. Bien souvent, le fait–elle mieux que le pouvoir, à l’image de Me Abdoulaye Wade, quand il régnait sur la planète Sopi, Macky Sall lorsqu’il convoitait le pouvoir et aujourd’hui Sonko et Barth qui occupent la place. C’est pourquoi, le véritable travail de la presse devrait consister à baisser les masques. Pas seulement de ceux qui sont au pouvoir, mais de tous ceux qui aspirent à parler à notre nom. Cela devient une exigence de la démocratie, pour éviter de prendre des loups pour des brebis ou de se réveiller comme des idiots au lendemain d’élections.

Aujourd’hui que la manipulation a pris des atours plus sophistiqués dans l’espace public, avec l’intrusion des Réseaux sociaux dans le jeu, il devient urgent de rendre le commerce politique moins violent et plus serein, dans l’intérêt de tous les acteurs.
Il faut de toute façon quoi que l’on fasse, tenter le sauvetage de nos institutions qui est notre seul salut, si l’on veut voir le pays émerger un jour, en instaurant une culture surtout de la transparence, mais aussi et surtout de la justice.