NETTALI.COM - L'an 2022 n'a pas dérogé à la règle dans le Sénégal de ces 20 dernières années. Les 12 derniers mois ont donc été très politiques. Des élections locales de janvier aux législatives de juillet en passant par les nombreuses arrestations ou encore l'installation d'un nouveau gouvernement avec le retour du poste de Premier ministre, les Sénégalais ont eu droit à une actualité politique très chargée. Et comme si cela ne suffisait pas, 2022, qui n'aura pas réussi à trancher le débat sur la troisième candidature de Macky Sall, se termine avec le scandale révélé par le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds destinés à la lutte contre la pandémie de la Covid-19. 

Le rapport qui indispose Macky et Cie

L'année 2022 tire à sa fin. Mais elle n'emportera pas avec elle la polémique sur les scandales financiers révélés par les magistrats de la Chambre des affaires budgétaires et financières de la Cour des comptes. Le rapport produit à cet effet a plus que secoué le gouvernement de Macky Sall. La preuve : le président de la République a été obligé d'envoyer ses ministres sur les plateaux de télévision pour "éclairer" l'opinion. Moustapha Ba (sur la Tfm), Me Moussa Bocar Thiam (sur Walf Tv) et Yankhoba Diattara (sur la Sen Tv) ont tenté ce vendredi de prêcher la bonne parole auprès des populations médusés par les scandales révélés par la Cour des comptes. Difficile de dire si les ministres de Macky Sall ont convaincu ou pas. Toujours est-il que la polémique sur le rapport de la Cour des comptes est loin de s'estomper. Même les audios de la dame Adji Sarr révélés par le marabout Baye Mbaye Niasse Mc n'ont pas réussi à voler la vedette au rapport de la Cour des comptes. Et il ne fait l'ombre d'un doute que ce débat va se poursuivre avec notamment les manifestations prévues par l'opposition et les organisations de la société civile. 2022 se termine donc comme elle avait commencé, c'est-à-dire avec une actualité très politique.

LOCALES 2022 : Benno battue dans les grandes villes

Initialement prévues en juin 2019, les élections locales ne se sont tenues que le 23 janvier 2022. Ce dimanche-là, les électeurs sénégalais étaient appelés à renouveler des conseils municipaux et départementaux sur l'ensemble du territoire national. Et pour la première fois, dans l'histoire politique du Sénégal, les maires sont élus au suffrage universel direct. Le scrutin met ainsi en face Benno Bokk Yakaar de Macky Sall d'une part et d'autre part Yewwi askan wi et Wallu Sénégal, principales coalitions de l'opposition. Au terme de ces locales, la coalition au pouvoir crie victoire. L'argument des tenants du pouvoir est tout simple. Benno a gagné dans la grande majorité des communes et départements du pays. Sauf que la coalition au pouvoir perd presque toutes les grandes villes du pays. C'est le cas notamment à Dakar où Barthélemy Dias de Yewwi askan wi a battu Abdoulaye Diouf Sarr de Benno, à Thiès où docteur Babacar Diop est devenu maire, à Ziguinchor avec l'élection d'Ousmane Sonko, à Guédiawaye avec le journaliste Ahmed Aïdara qui s'est payé le luxe de battre le maire sortant Aliou Sall, frère du président de la République, à Rufisque avec Oumar Cissé de Yewwi askan wi...

En réalité, les locales de 2022 ont bel et bien redistribué les cartes. Le pouvoir de Macky Sall se sait fragilisé et l'opposition de plus en plus forte. Ce que les législatives de juillet ne feront que confirmer.

LEGISLATIVES DE JUILLET : Macky Sall perd le "contrôle" de l'Assemblée

Au Sénégal, les élections législatives sont presque toujours marquée par des victoires écrasantes de la coalition au pouvoir. Des victoires surtout favorisées par le mode d'élection des députés, avec notamment le système du "raw gaddu" dans les départements où le scrutin majoritaire favorise les partisans du pouvoir face à une opposition toujours divisée. C'est donc pour contourner ce handicap que les deux coalition Yewwi askan wi et Wallu Sénégal ont mis en place l'inter-coalition Yewwi-Wallu. Une trouvaille qui leur a permis d'aller ensemble dans les différents départements du pays. Mais les législatives de 2022 auront été marquées par un processus particulièrement cahoteux. La liste nationale des Yewwi askan wi est invalidée par la Direction générale des élections (Dge). Et les recours déposés au Conseil constitutionnel n'ont rien changé. Les ténors de Yewwi askan wi (Ousmane Sonko, Déthié Fall, Habib Sy, Aïda Mbodj...) sont exclus de l'élection. C'est la liste des suppléants qui va en compétition. Loin de se décourager, les leaders de Yewwi askan wi restent sur leur plan initial. Conduits par Ousmane Sonko, ils battent campagne partout au Sénégal. Une stratégie payante. Puisque Yewwi askan wi réussit la grande performance d'envoyer 56 députés à l'Assemblée nationale. Wallu récolte 24 sièges. Et Benno se contente de 82 députés. Ce qui ne lui donne pas la majorité absolue. Bokk Gis Gis de Pape Diop, "Les Serviteurs" et Aar Sénégal ne partagent les trois siège restants. Une configuration de l'Assemblée nationale qui aura de lourdes conséquences lors de l'installation de l'institution, mais qui impactera aussi dans son fonctionnement.

Une Assemblée installée dans le chaos

C'est le lundi 12 septembre que les députés nouvellement élus sont convoqués pour l'installation de la 14e législature. Mais l'élection du bureau de l'Assemblée nationale se fera dans un chaos total. Pour la première fois, des gendarmes en tenue font irruption dans la salle des plénières de l'Assemblée nationale pour que l'élection du président de l'institution puisse se tenir. Et les contentieux commencent dès le début des travaux. Les députés de Yewwi askan wi refusent que les membres du gouvernement élus députés participent au vote. Commencement d'une interminable séquence de contestations.

En outre, Benno Bokk Yakaar crée la surprise en révélant le nom de son candidat au poste de président de l'Assemblée nationale. Amadou Mame Diop, jusqu'ici presque inconnu au bataillon, est préféré à Aminata Touré. Séisme dans le camp de celle qui, quelques semaines avant, a fait le tour du Sénégal pour battre campagne au nom de Benno Bokk Yakaar dont elle était la tête de liste nationale. Peu importe. Macky Sall a bien préparé son coup. Les députés Benno sont venus avec des procurations et des consignes fermes. Pis, Aminata Touré n'apprend la terrible nouvelle qu'une fois installée sur son fauteuil attendant... son élection comme présidente de l'Assemblée nationale.

Toutefois, malgré ce premier séisme, le groupe Benno reste uni. Tout le contraire de l'opposition qui se présente avec au moins trois postulants au fauteuil de président de l'Assemblée nationale. Barthélemy Dias, Ahmed Aïdara (Yewwi askan wi) et Mamadou Lamine Thiam de Wallu sont tous candidats. Le chaos s'installe ainsi à l'hémicycle. Bagarres entre députés, saccage d'urnes et de matériels... Tout est réuni pour un spectacle dignes des combats de lutte. Finalement, c'est la gendarmerie qui est appelée en renfort. Des dizaines d'hommes de tenue tiennent les députés en respect et permettent ainsi à Amadou Mame Diop de devenir président de l'Assemblée nationale. Mais le calvaire ne fait que commencer.

Amadou Ba échappe à une motion de censure

Installée dans le chaos, la 14e législature va devoir travailler dans un désordre permanent. C'est le cas lors du marathon budgétaire 2022. Si quelques députés ont tenté de relever le niveau des débats, l'examen du projet de budget 2022-2023 est surtout marqué par de nombreux incidents. Et l'on retiendra surtout la sortie de la députée Amy Ndiaye Gniby de Benno Bokk Yakaar. A la tribune de l'Assemblée nationale, elle s'en prend à Serigne Moustapha Sy. Suffisant pour susciter la colère des députés de Yewwi askan wi. Ces derniers boudent la séance et exigent des excuses. Mais le contentieux n'est pas soldé. Résultat: une grosse bagarre éclate dès la prochaine séance. Un député membre du Parti de l'unité et du rassemblement (PUR) administre une gifle à Amy Ndiaye Gniby qui lui lance une chaise. La suite, on la connait. La députée se trouve sur un lit d'hôpital. Les députés Mamadou Niang et Massata Samb sont arrêtés quelques jours plus tard et placés sous mandat de député.

C'est dans ce contexte que le groupe Yewwi askan wi dépose une motion de censure contre le gouvernement du Premier ministre Amadou Ba qui retourne à l'Assemblée nationale le 15 décembre 2022, c'est-à-dire moins d'une semaine après avoir fait sa Déclaration de politique générale (DPG). Mais la motion est rejetée par l'Assemblée nationale au terme de plusieurs heures de débats tendus. Pis, la tournure des événements crée des frictions entre Yewwi askan wi et Wallu Sénégal qui n'a pas voté la motion.   Mais l'Assemblée nationale risque de commencer l'année 2023 comme elle a terminé 2022. Puisque le Premier ministre et son gouvernement devraient y retourner très bientôt pour répondre à une question d'actualité des députés Aminata Touré et Guy Marius Sagna sur le rapport de la Cour des comptes.