NETTALI.COM - Difficile de comprendre les Sénégalais, et pire de mesurer ce qui motive leur indignation. La gifle et le coup de pied donnés à la députée de la majorité Amy Ndiaye Gniby, avaient soulevé un tollé dans l’opinion, au point que d’aucuns avaient condamné l’acte. Des actes de violence évidemment graves qui ne devraient pas avoir lieu dans la rue et de surcroît dans un cadre de représentation nationale tel que l’hémicycle. Jusque-là tout va bien. Mais ce qui est étonnant à constater, c’est le fait de noter que les propos de Farba Ngom sont récurrents et semblent ne plus choquer. Il y a certes eu des réactions isolées, mais pas de la même ampleur que cette affaire Amy Ndiaye Gniby.

Les vidéos des accusations de Farba Ngom contre Aminata Touré ont circulé sur les réseaux sociaux, sans toutefois avoir le même retentissement et les mêmes répercussions. Farba Ngom fait valoir qu’il distribue des enveloppes et en reçoit, mais les faits semblent si peu graves qu’il s’est permis de recommencer.

Que Farba Ngom déclare sur la 7 TV que Thierno Alassane Sall et lui-même, avaient reçu, des enveloppes au cours d'une visite chez un quidam qu’il ne veut pas nommer, peut donner à réfléchir sur de supposées pratiques en cours et pas du tout catholiques et encore moins islamiques ! Il avait dans la foulée menacé de déballer si jamais l’ancien ministre venait à réfuter les faits qu’il décrivait.

Réponse cinglante de Thierno Alassane Sall chez Babacar Fall à l’émission « Faram Facce » sur la TFM. Farba Ngom a agi comme « quelqu’un qui a une ceinture d’explosifs qui saute juste pour faire sauter les autres avec lui ». Aussi, l’ancien ministre avait-il décidé de le « laisser salir sa descendance » si tel était le souhait de Farba Ngom. Et l’ancien ministre n’avait d’ailleurs pas hésité à rappeler qu’il était au cœur du système et sait comment certains font avec les contrats pour s'enrichir. Il aurait eu, non pas des mallettes s’il le souhaitait, mais plutôt des containers d’argent, au lieu de se contenter d’enveloppes. Thierno Alassane Sall avait même estimé que beaucoup de gens qui ont suivi son passage à l’Asecna, à l’Artp et son salaire qu’il a baissé, savent qui il est. Pas de quoi, à son avis, s’attarder sur le cas Farba qui ne faisait que délirer.

Comment Farba Ngom a-t-il osé proférer de tels propos au cœur de la république ? Sa seule volonté était, semble-t-il, de salir un ancien ministre qui avait osé faire un affront au président Sall en refusant de signer un contrat au profit de Total avant de démissionner.

Et même à supposer que cette histoire de Farba Ngom ait été vraie, voulait-il nous informer qu’il gagne souvent de l’argent par ces canaux douteux ? C'est lui-même qui a fait des aveux, personne ne l'a accusé de quoi que ce soit !

Des déclarations en tout cas troublantes qui heurtent fortement la morale. Et il est bien difficile de ne pas établir de lien puisque manifestement personne n’a forcé Ngom à sortir de pareilles inepties. Sa proximité avec le président de la république aurait pourtant dû l’inciter à plus de pudeur et de retenue.

Mais comme il avait osé proférer des propos aussi graves, faisant accréditer un système de corruption au cœur de la république, avec lui au centre, sans conséquence, Farba a continué de plus belle.

 Au four et au moulin à l'hémicycle, l'on peut même dire qu'il est le chef de file de la majorité avec une mission spécifique qui est de commettre de basses œuvres.

Ce jeudi 15 décembre, à l'hémicycle, alors que les députés de l'Assemblée nationale se penchaient sur la motion de censure contre le Premier ministre Amadou Ba, Farba Ngom a réitéré pareilles accusations contre Aminata Touré l’ancienne Première ministre, sans toutefois la nommer. "J'ai entendu une dame qui avait, à une certaine époque, dirigé notre liste Benno Book Yaakaar. C'est moi Farba Ngom qui m'adresse à elle, je sais beaucoup de choses. Je l'interpelle ici. Elle était Première ministre et était venue dans ce lieu faire sa déclaration de politique générale. Un jeudi soir, après le conseil des ministres, j'étais allé la voir. Mais demandez-lui comment j'étais allé la voir et avec quoi j'étais allé la voir ?", avait lancé tout de go Farba Ngom.

Farba Ngom a aussi interpellé Aminata Touré : "vous ne pouvez pas venir ici, essayer de montrer votre droiture et aussi pour tenter de prouver que vous êtes la plus honnête du Sénégal. Ce qui transitait entre mes mains, je venais vous le remettre. Est-ce de la droiture cela ? Ce qui avait transité entre mes mains, vous savez ce que c'est et je sais aussi ce que c'est. Je ne fuis pas mes responsabilités, je les assume. Partout où on m'appellera, partout j'irai répondre. Vouloir prouver sa droiture, c'est trop tard ! ", avait ajouté le député Ngom.

Sauf qu'il ne dit rien de bien clair. Il ne cite ni noms, ni de montants. Ce qui laisse entendre que, soit il bluffait, soit il menaçait ou encore cherchait juste à salir des personnes, sans toutefois apporter la preuve de ce qu'il avançait.

Mais en proférant de telles accusations, il accréditait encore une fois de plus, l'existence d’un système de corruption et de distribution d'enveloppes au cœur de la République ! Une manière de dire qu’il est un corrupteur, de la même façon qu’il existe des corrompus qui jouent aux vertueux de nos jours.

De quoi se demander qui va arrêter Farba Ngom, un jour ? Des déclarations qui auraient pourtant dû choquer le président Sall et même les autorités judiciaires. Ce qui veut dire qu’on est aujourd’hui bien loin de la gestion sobre et vertueuse tant chantée par le candidat Macky Sall. Que Farba ait le toupet de proférer et de proférer à nouveau de telles accusations, montre que nous sommes tout simplement sous le règne de l’impunité. Du moins pour certains.

Lors d’une émission sur la TFM, le député avait osé dire à Aïssatou Diop Fall qu’il est « courtier et apporteur d’affaires », précisant avoir choisi d’être libre « puisqu’il aurait pu se battre comme tout le monde dans les marchés publics »,  mais que c’est sa « conscience qui ne lui permet pas de faire certaines choses. ». Mais seulement, avait-il nuancé son jugement : « Comment puis-je être intermédiaire d’une transaction foncière et ne pas percevoir de commission ? J’exploite mes relations et si j’arrange l’affaire, je perçois quelque chose et c’est légal. Je n’ai ni volé, ni perçu de l’argent indu. Jamais, on ne trouvera de l’argent public dans mon compte. »

 Quelle crédibilité accorder à des propos venant d’un tel personnage qui a avoué avoir reçu des enveloppes et en avoir distribuées ? C’est là toute la question sur l’origine de la fortune qu’on lui prête.

Ngom semble en effet oublier que très peu de personnes ont la possibilité de percevoir des commissions et encore moins faire du "courtage" à un certain niveau de l’Etat. Il faut vraiment être au cœur du dispositif étatique pour avoir accès à certains rouages. Les relations dont il se targue, sont des relations étatiques. Donc, il est du même acabit que ceux-là qu’il pointe du doigt et qui gagnent des marchés publics à tour de bras.

Difficile en effet de savoir comment il a réussi à se faire voler ces centaines de millions à son domicile. Il y a en tout cas à se demander d’où peut bien provenir cette fortune pour le député qu’il est ? Une autre question que l’on est aussi en droit de poser, c'est comment il a pu garder autant d’argent à son domicile alors que les banques poussent comme des champignons sur la place de Dakar ? Une affaire qui a fini par scandaliser bon nombre de Sénégalais, comme ce concert d'indignations noté sur les réseaux sociaux au travers desquelles, des internautes réclament une action judiciaire.

Il y a pourtant de cela quelques années, plus exactement en novembre 2017, Farba Ngom avait été interpellé à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris. Il détenait une importante somme d'argent en euros supérieures au montant fixé par la loi française. Certaines sources de BBC avançaient un montant de 38 000 euros (25 millions de de francs CFA) que le député n'aurait pas déclarés à la douane. Or la loi française prévoit que toute personne physique, et quel que soit son pays d'origine, est soumise à déclaration en douane lorsqu'elle transfère de l'étranger vers la France 10 000 € ou plus.

Après avoir été interrogé par les douaniers, il avait été relâché pour cause d'immunité parlementaire, mais le montant qu’il détenait, avait été confisqué. S’il avait ainsi pu quitter le Sénégal sans contrôle, il n’avait malheureusement pas eu cette même baraka en France, pays qui applique la loi à tout le monde.

D’aucuns désignent Farba Ngom par le terme de « griot du président ». Ce qui fait de lui un proche d’entre les proches du chef de l’Etat. Qu’il le dise ou pas, il est un homme puissant dans le dispositif du président Sall. Il est non seulement militant de la 1ère heure, mais également membre du secrétariat exécutif de l’APR et député de Benno Bokk Yaakaar. Signe particulier, il fait partie de ceux-là qui huilent la machine et les rouages politiques de cette coalition dirigée par Macky Sall. A l’Assemblée, il est au four et au moulin. Il est dans les faits, le chef même de la majorité. Son comportement choque, mais Farba dit et fait ce qu’il veut, sachant sans doute que rien ne va lui arriver. Il plombe sans aucun doute la gouvernance de Macky Sall qui doit en avoir bien conscience. Mais au pays de l’impunité…

C’est pourquoi il a été au début et à la fin de l’acte posé par Djibril Ngom. Comme il le revendique d'ailleurs. Farba Ngom n’exprime d’ailleurs aucun remord à ce propos. Bien au contraire, selon ses propres termes, l’acte de Djibril Ngom qui avait fui, aux plus forts moments du dépôts des listes des locales, avec la liste de Yewwi, est « un coup de maître ». Il a même, figurez-vous, « loué le courage de celui-ci pour avoir rallié le camp de Macky Sall ». Pour l’inconditionnel du Président Sall, il a surtout été question dans cette confrontation avec Yaw, d’avoir « réussi un coup politique » et « d’avoir privé Yewi Askan Wi de liste dans le département de Matam». Un aveu qui n’honore vraiment pas les tenants du pouvoir.

Difficile en tout cas de savoir comment on peut manquer à ce point de scrupules et mépriser totalement la morale, au point d’assimiler l’acte commis par Djibril Ngom de « tactique politique ? » Djibril Ngom, n’est-ce pas celui-là qui avait été reçu par Macky Sall avec une enveloppe d’argent visible à ses pieds. C’est du moins ce qui avait été donné à voir sur les images qui avaient circulé et étaient partagées sur les réseaux sociaux. A la question d’Aïssatou Diop de savoir s’il a remis de l’argent à Djibril Ngom afin qu’il quitte Sonko, Farba Ngom a tout simplement estimé que ce dernier est un homme de principe, courageux et intelligent ; et c’est pour cette raison qu’il avait été avec le leader de Pastef. Pour Farba Ngom, « il y’a des actes qu’on pose pour éliminer nos adversaires». On ignorait en tout cas jusqu’ici, sous nos cieux, qu’il y a des armes utilisées pour éliminer les adversaires ! Il en délivre des informations ce cher Farba, c'est pourquoi il devrait moins l'ouvrir.

Au point où on en est, il semble bien qu’à travers les nombreux actes illégaux posés, que certains semblent tester la capacité d’indignation des Sénégalais. Mais à la vérité, beaucoup d’actes malveillants peuvent aujourd’hui sembler bien banals et finissent désormais par être la norme.