NETTALI.COM - La donne semble changer. Policiers et gendarmes sont maintenant pris pour cibles par des malfaiteurs armés qui n'hésitent plus à leur tirer dessus. Une situation qui peut survenir au cours d'une intervention dans un quartier réputé chaud ou alors pendant une course-poursuite entre policiers et malfaiteurs. Nettali a recueilli le témoignage de Ndiouga Dia, un enquêteur chevronné, bien connu dans la banlieue où il a été, pendant 30 ans, à la tête de plusieurs Brigades de recherches de différents commissariats et postes de Police. Il revient ici sur deux cas parmi plusieurs qui ont eu lieu au début des années 2000, lorsque la banlieue était sous la coupe réglée de redoutables bandes de malfaiteurs, toujours armés au moment des cambriolages, n'hésitant jamais à appuyer sur la gâchette lorsque des policiers se dressent sur leur chemin. Aussi, d’autres commandants et commissaires reviennent sur leurs face-à-face avec les malfaiteurs. Témoignages.

NDIOUGA DIA : «Dès qu'ils ont aperçu le véhicule de police, l'un des malfaiteurs s'est dressé devant nous et a ouvert le feu»

«C'était en 2005. Une bande de malfaiteurs armés s'attaquaient, régulièrement la nuit, aux boutiques à Yeumbeul en obligeant les populations à ne pas mettre le nez dehors. Quand ils commençaient à tirer, les populations étaient obligés de se terrer. Nous avons traqué la bande pendant plusieurs semaines. Puis un jour, alors qu'on n'était en patrouille au niveau de ‘’Mbédou Fass’’, nous avons été alertés de la présence de la bande aux abords de Alou Baye Niakh. A l'époque, le poste de police de Yeumbeul n’était pas encore fonctionnel. Nous avons directement foncé sur les lieux. Et c'est à croire que les malfaiteurs qui étaient au nombre de trois, nous attendaient de pied ferme. En effet, dès qu'ils ont aperçu le véhicule de police, ils n'ont pas hésité. Ils ont carrément tiré sur le véhicule avant même qu'on ne mette les pieds à terre. Dans de telles situations, il est recommandé de garder son calme et surtout d'éviter, au moment de la riposte, d'atteindre quelqu'un qui n'a rien à voir avec la bande. Les coups de feu n'ont pas duré, puis deux parmi la bande ont choisi de s'enfuir. Le troisième, apparemment le plus téméraire, est resté. Il avait confiance en son arme et était resté planté dans la voie, le regard braqué sur le véhicule de police. Pendant ce temps, nous nous sommes divisés en deux groupes et avons réussi à le contourner, puis l'effet de surprise aidant, nous lui sommes tombés dessus pour le maîtriser après l'avoir désarmé. Personne parmi nous n'a été touché.»

Cinq policiers dans deux véhicules banalisés et les coups de feu échangés avec douze malfaiteurs 

«Des mois plus tard, nous avons pris en chasse une bande spécialisée dans le vol de véhicules. La bande était composée d'individus parlant un dialecte du pays. Ils étaient réputés très dangereux, c'est du moins ce que nous ont confié les victimes. Selon ces victimes, les membres de la bande détenaient des armes à feu qui dissuadaient les propriétaires des véhicules de réagir au moment du vol. Une nuit, nous étions sept policiers à bord de deux véhicules banalisés, un Golf et un Renault 19. On était à la recherche de la bande lorsque leur présence nous a été signalée dans la banlieue. Lorsque nous les avons localisés, ils ont tenté de nous semer en empruntant la Rn1. Nous les avons poursuivis et après avoir perdu leurs traces, car leur véhicule de type 4x4  filait plus vite que les nôtres, nous les avons retrouvés aux abords de l'hôpital Youssou Mbargane de Rufisque où ils s'étaient arrêtés pour siphonner le carburant d'un camion avec la complicité du chauffeur. Ils étaient une dizaine et étaient descendus du véhicule pour se regrouper autour du camion. Surpris par notre brusque arrivée sur les lieux, ils ne pouvaient plus regagner leur véhicule 4x4. Ils ont choisi de battre en retraite tout en tirant aveuglément sur nos deux voitures. Nous n'avions plus le choix. Il fallait riposter et c'est ce que nous avons fait. Cela a duré moins de cinq minutes certes, mais les balles sifflaient autour de nous. Il fallait se convaincre que c'était eux ou nous. Nous avons tenu tête et après l'échange de tirs, ils ont réussi à rejoindre leur véhicule pour démarrer en trombe, abandonnant sur les lieux l'un d'eux du nom de Moussa B. Sur le sol, nous avons découvert des cartouches de calibre 12 mm. Des cartouches utilisées par les chasseurs et qui éclatent en plusieurs morceaux dans votre corps, si la balle vous atteint. Leur complice qu'ils ont abandonné sur les lieux, nous a permis, plus tard, d'arrêter un à un tous les membres de cette bande spécialisée dans le vol de véhicules.»

YEUMBEUL - Le repli stratégique des policiers face à la puissance de feu d’un groupe de cambrioleurs qui ont réussi à emporter 111 millions

A Yeumbeul, on s’en souvient encore. Une bande de malfaiteurs circulant à bord d’un véhicule 4x4 avaient braqué l’agence Ecobank. Lorsque les policiers en patrouille ont été alertés par un chauffeur de taxi, ils se sont vite rendus sur les lieux. C’est à croire qu’ils avaient sous-estimé la bande. En effet, apparemment bien organisée, la bande avait disposé quelques-uns de ses éléments de part et d’autres de la rue pour dissuader toute intervention. Seuls des individus perchés sur les terrasses des maisons assistaient à ce qui allait être la casse du siècle en banlieue. Dans la banque, après avoir neutralisé le vigile, les cambrioleurs avaient réussi à mettre la main sur le coffre qu’ils ont traîné jusque devant leur véhicule avant de l’embarquer. C’est à ce moment qu’arrivent des éléments de la police de Yeumbeul qui ont été ‘accueillis’, par les malfaiteurs, par un concert de coups de feu. De par les détonations, les policiers ont vite compris qu’il s’agit de Pistolet automatique (Pa) et qu’ils étaient desservis par le rapport des forces imposé par les malfaiteurs. Ils ont alors choisi d’opérer un repli stratégique pour ne pas être anéanti par la puissance de feu dont dispose les malfaiteurs. Ces derniers vont ainsi traverser à vive allure la banlieue avant de vider le coffre qui a été retrouvé le lendemain dans la bande des filaos de Guédiawaye. Une affaire qui avait fait grand bruit, occasionnant, dès le lendemain, une descente dans la banlieue du patron de la Sûreté urbaine et des éléments de la Police scientifique et technique venus appuyer leurs collègues du commissariat de Thiaroye dirigé à l’époque par le Commissaire Tabara Ndiaye. A Yeumbeul, on en frémit encore. Depuis, l’agence d’Ecobank a été fermée, mais les souvenirs sont restés vivaces dans les esprits.