NETTALI.COM - La lutte s’intensifie Le dialogue de sourds continue entre les organisations de la presse et le gouvernement du Sénégal, au sujet de l’arrestation du journaliste Pape Alé Niang. Au moment où la mobilisation s’intensifie pour la libération du directeur du site d’information Dakarmatin, le porte-parole du gouvernement persiste et signe sur les accusations de violation du "secret défense».

Abdou Karim Fofana s’exprimait, hier, sur le plateau de nos confrères de la TV5 Monde Afrique. Le ministre du Commerce, porte-parole du gouvernement, a soutenu dans cette presse internationale qu’accuser «des personnes à tort, diffuser de fausses nouvelles et des documents classés ‘Secret défense’, cela ne se fait pas. Dans la profession du journaliste, c’est ce qu’on appelle "démarquer l’information’’. Il est inconcevable, dans une République, de prendre un document officiel, classé ‘Secret défense’, de le mettre sur la place publique ou encore tenter de saper le moral des troupes militaires. Il faut savoir que dans une République, tout ne se fait pas. Le plus important, c’est de préserver notre République contre la désinformation. Nous serions irresponsables, en tant que dirigeants, si nous laissions faire la diffusion de fausses nouvelles, l’accusation à tort de personnes’’.

Avant lui, le ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Moussa Bocar Thiam, s’est prononcé sur la divulgation d’un contrat douteux estampillé ‘’Secret défense’’ entre le ministère de l’Environnement et un trafiquant d’armes, pour menacer les auteurs. Pape Alé Niang a été arrêté le 6 novembre 2022, puis placé sous mandat de dépôt, accusé de ‘’divulgation de documents militaires sans autorisation de la hiérarchie de nature à nuire à la défense nationale ; appel à la subversion ; recel et diffusion de documents administratifs estampillés ‘Secret’ et propagation de fausses nouvelles’’.

Cette arrestation intervient surtout au lendemain de l’audition du plus grand opposant du Sénégal, Ousmane Sonko. Dans l’un de ses lives souvent critiques à l’encontre des autorités, le journaliste de Dakarmatin a dévoilé ce qu’il a présenté comme un rapport secret de la gendarmerie, faisant de graves révélations sur un supposé complot contre Ousmane Sonko, accusé de viol, et impliquant une haute autorité de la gendarmerie et un ex-procureur de la République en fonction au moment des faits supposés. Un sit-in, en attendant la marche de demain Depuis, la presse mène une lutte pour la libération du journaliste.

Hier, un conseil des médias a été organisé à la Maison de la presse pour exiger la sortie de prison du directeur de Dakarmatin, à l’initiative de la Coordination des associations de presse (Cap). Un éditorial commun a déjà été publié pour dénoncer, dans le cadre de cette affaire, une tentative d’intimidation et de musellement de la presse. Une marche est prévue demain en soutien au journaliste et pour obtenir sa libération. Cette lutte a également reçu le soutien d’organisations internationales de défense des journalistes. Après Reporters sans frontières, qui a demandé la libération du directeur de Dakarmatin, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a suivi la même démarche. Depuis New York, la coordinatrice du programme Afrique, Angela Quintal, a déclaré : ‘’Les autorités sénégalaises doivent abandonner toutes les charges retenues contre le journaliste Pape Alé Niang, suite à son reportage vidéo sur un document ayant fuité et le libérer immédiatement. Les autorités doivent également permettre à Niang d’exercer son métier librement, sans futur harcèlement et réformer les lois du pays pour s’assurer que les actes de journalisme ne sont pas criminalisés.’’

Participant au sit-in tenu à la Maison de la presse, le consultant et journaliste Momar Diongue a fait savoir que ‘’tant que Pape Alé Niang sera dans les liens de la détention, nous allons continuer à mettre de la pression sur le gouvernement. Et sous ce registre, nous venons de décrocher un soutien de taille du Comité pour la protection des journalistes. D'ici le 1er décembre 2022, si Pape Alé Niang n'est pas libéré, la CPJ s’est engagée à inscrire le Sénégal sur la "liste rouge" des pays où les journalistes sont malmenés et/ou sont en danger’’.

Le Sénégal risque de voir son nom sur la liste rouge du CPJ

Le journaliste invite les Sénégalais à comprendre qu’au-delà de la libération de Pape Alé Niang, c'est un combat pour la liberté de la presse, un combat pour la démocratie sénégalaise qui est en train d’être mené. ‘’Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est en raison d’une obligation (d’informer) que nous avons voulu respecter et qui nous vaut aujourd’hui des brimades, des agressions contre la profession, des injures, des propos calomnieux et même la prison, comme c’est le cas avec Pape Alé Niang’’, assure Momar Diongue.

La marche de demain accueillera certainement des acteurs de la société civile. Y en marre, l’ONG 3D, la LSDH ont tous fustigé l’arrestation du directeur de Dakarmatin. Ils ont été rejoints par le Réseau ouest-africain des défenseurs des droits humains (ROADDH) basé au Togo et la Coalition sénégalaise des défenseurs des droits humains (CoSeDDH). Les deux organisations de la société civile «condamnent fermement l’arrestation et le placement sous mandat de dépôt de Pape Alé Niang et demandent aux autorités sénégalaises de le remettre en liberté immédiatement et sans condition’’.

En outre, elles appellent ‘’les autorités sénégalaises à cesser d’utiliser de façon abusive la sécurité nationale et l’ordre public pour restreindre la liberté d’expression ou le droit à l’information, et à respecter le travail des journalistes, en particulier le droit de ne pas révéler leurs sources d’information’’.