NETTALI.COM - Après les revers subis par la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby) aux dernières élections Locales et Législatives, la mouvance présidentielle se prépare pour la présidentielle de 2024. A la quête d’un nouveau souffle pour le moins improbable, Bby lutte  non seulement sa survie mais encore pour ne pas se faire dépasser. 

A seulement 15 mois de l’élection Présidentielle, la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby) cumule les handicaps. Fortement assommée par le revers subis aux élections locales de janvier dernier, la mouvance présidentielle a reçu un coup de massue lors des législatives passées, à l'issue desquelles, elle a perdu sa confortable majorité acquise en 2017. Les divisions en son sein qui s'accentuent au fur et à mesure que l’échéance électorale de 2024 approche, affaiblissent davantage la coalition. Les alliés longtemps endormies par un compagnonnage confortable, ne se sont pas non plus renforcés. Et même si son candidat n’est toujours pas connu, Macky Sall étant toujours enfermé dans son "ni oui, ni non", la coalition présidentielle ne compte pas pour autant faire de la figuration lors de la prochaine présidentielle.  Déjà le Samedi 12 novembre dernier au siège de l’APR à Dakar, Macky Sall lançait officiellement l’opération de vente de plus de 1,5 million de cartes, dans une perspective de "remobilisation des militants", le Secrétariat exécutif national de l’APR avait, lors de sa réunion du 14
octobre dernier, annoncé "le montage de nouveaux comités et le placement de 1 500 000 cartes de membre sur toute l’étendue du territoire et de la diaspora". Une  cérémonie qui a réuni l’establishment "apériste" et des centaines de jeunes conduits par le responsable de la Cojer Moussa Sow.

Le constat aujourd'hui, est qu'après 10 ans de règne, Benno est devenue cette coalition moribonde qui n’attire presque plus. Un sursaut est donc attendu pour qu'elle retrouve son lustre d’antan. La question est maintenant de savoir si un nouveau souffle est possible d'ici 2024. La réponse du journaliste et analyste politique, Babacar Dione est sans appel : «Benno ne passe plus.»

«Avec le contexte actuel, un nouveau souffle n’est pas possible pour Benno»

Babacar Dione repose son argumentaire sur les résultats de la coalition présidentielle aux dernières élections. «Après les élections locales et législatives, Benno Bokk Yaakaar (Bby) a perdu du terrain en perdant beaucoup de villes, dont les plus grandes du pays. Ce qui est symbolique, c’est que Bby a aussi perdu les villes religieuses. Les défis de Benno, c’est de reconquérir ces bases. L’élection présidentielle, c’est une autre paire de manches, mais la coalition Benno n’est plus ce qu’elle était», déclare l’analyste politique. Babacar Dione est catégorique : «Avec le contexte actuel, un nouveau souffle n’est pas possible avec Benno. Il y a même des cadres de l’Apr ou de Benno qui ont fait une sortie en disant qu’il faut changer et que Benno n’a plus sa raison d’être

Dans Bby, la guerre de leadership a toujours fait rage. Les responsables à la base se sont toujours menés une guerre pour des postes. Presque toutes leurs défaites électorales ont été justifiées par des divisions internes. Babacar Dione : «Bby devra d’abord relever le défi de la solidarité, de l’union, de l’unité.  Il faut que les gens puissent être ensemble. On a l’impression qu’à chaque fois il y a gens qui sortent du gouvernement ou qui ne sont plus à des postes de responsabilités, ils rejoignent l’opposition. C’est l’un des défis majeurs : comment faire pour retenir toutes ces catégories de personnes qui ne sont plus au cœur du système.» Une chose loin d’être aisée, de l’avis toujours de Babacar Dione. Selon lui, Bby a atteint ses limites. «Benno n’attire plus. Au début, elle était composée de tous les candidats qui ont accompagné le Président Macky Sall au second tour en 2012. Ceux qui étaient au cœur de Benno, c’était Moustapha Niasse, les défunts Ousmane Tanor Dieng et Amath Dansokho, Idrissa Seck…Aussi bien Moustapha Niasse qui est en train de prendre sa retraite politique, Dansokho et Tanor ne sont plus là, ces mastodontes, ces responsables qui huilaient, qui parvenaient à faire marcher Benno ne sont plus là. Cela voudrait dire qu’après 10 ans avec cette grande coalition, il est temps que la majorité puisse créer une nouvelle majorité.» 

«Il faut créer une nouvelle dynamique autour d’une nouvelle alliance»

Créer une nouvelle majorité revient, selon lui, à réunir plusieurs personnalités de la société civile, de personnalités politiques qui sont venues dans le camp du Président Macky Sall pour une dynamique autour d’une nouvelle alliance. «Il faut une nouvelle offre et ça ne peut se faire qu’avec de nouvelles images, même si ceux qui avaient créé Benno peuvent avoir des rôles à jouer. Les coalitions qui ont une dizaine d’années d’existence peuvent être amorphes, sclérosées et aujourd’hui, avec les frustrations qu’on note de part et d’autre, beaucoup attendant d’être remis en selle, la plus grande option, c’est d’avoir une nouvelle majorité pour revenir dans le cœur des Sénégalais. Ils peuvent à partir des centres de Benno, faire renaître une nouvelle coalition, une nouvelle alliance même s’il le faut changer de nom, qui pourrait faire tilt au niveau des Sénégalais qui vont entrevoir un vent de changement. Il devrait donner une nouvelle offre politique et ça ne peut se faire qu’avec une nouvelle coalition, autre que Benno», croit savoir Babacar Dione. Une nouvelle coalition pourra donc permettre à la mouvance de souffler à nouveau, de taire les frustrations et autres querelles internes. «Il faut cimenter cette alliance et que d’autres personnalités puissent se sentir dans cette coalition. Même les responsables qui sont venus après, que ce soit Oumar Sarr, Modou Diagne Fada et autres, on ne les sent pas dans Benno. On a l’impression qu’ils accompagnent le Président Macky Sall mais ils ne sont pas dans la coalition politique. C’est aussi d’une coalition politique que des discussions et des offres peuvent se faire. On a l’impression qu’il n’y a pas de cadre pour ceux qui entourent le Président Sall pour dire ce qu’ils pensent.»

«Tant que le Président continuera à maintenir le flou, l’électorat de Bby va s’effriter»

Bby devra donc se réinventer pour espérer les premiers rôles en 2024. Mais le principal frein reste, selon Jean Sibadioumeg Diatta, Docteur en communication, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Ugb), l’attitude du Président Macky Sall vis-à-vis de sa troisième candidature. «C’est la potentielle candidature du Président Macky Sall qui risque de créer des problèmes à la coalition. Tant que le Président continuera à maintenir le flou, l’électorat de Bby va s’effriter. Les gens seront beaucoup plus déçus. La survie de Bby dépend de la question de la candidature de Macky Sall. C’est pour cela qu’il y a le statu quo au niveau de Bby. Ils ne savent même pas quelle sera la suite et ils n’osent pas se prononcer. Et au même moment, on voit que Ousmane Sonko gagne du terrain», affirme Dr Diatta.

Dans son argumentaire, il rejette l’idée de la création d’une nouvelle coalition. «Je ne pense pas qu’ils doivent créer une nouvelle coalition compte tenu de la situation d’aujourd’hui, de l’enjeu de l’heure avec les élections qui se profilent. Créer une autre dynamique à quelques mois des élections n’est pas possible. Ce que le Président Macky Sall pouvait faire, c’est dès à présent choisir son candidat. Le temps passe et jusque-là, aucune lisibilité. Les Sénégalais veulent juste s’assurer que le Président ne pourra pas candidater et qu’il va choisir un autre. Les citoyens sont en train de voir que leur seule alternative, c’est Ousmane Sonko.»

Dr Diatta est convaincu que la seule issue pour Bby est que le Président Macky Sall ne se présente pas en 2024. Il dit : «Il faut qu’ils arrivent à trouver un candidat qui fait l’unanimité chez plusieurs grands ténors de Bby, comme Amadou Bâ...même si le Parti socialiste a une vision sur Serigne Mbaye Thiam qui est en train de se positionner. Si le Président Macky Sall ne retient pas sa candidature, fait un bon choix, ils peuvent souffler à nouveau, même si c’est quand même difficile compte tenu de la situation politique avec la montée en puissance de Pastef et de Yewwi Askan Wi. Ce qui rend quasiment extrêmement difficile une remontée de Benno, un positionnement de leaders de Bby.»