NETTALI.COM - Emmanuel Macron prépare-t-il la dissolution de l'Assemblée nationale ? Le gouvernement a déjà à plusieurs reprises engagé sa responsabilité sur les textes budgétaires, et les autres réformes voulues par le chef de l'État devraient avoir du mal à trouver des majorités dans l'hémicycle. Selon le Journal du dimanche, l'Élysée aurait déjà un plan de bataille en tête pour repartir aux urnes. Mais cette option est accueillie avec réticence dans le camp présidentiel.

Les boucliers se sont aussitôt levés. Trois poids lourds du gouvernement ont fait part de leur opposition à l'idée de dissolution dès dimanche.

Tout d'abord le porte-parole Olivier Véran, qui estime que « les Français ne souhaitent pas » une dissolution. Même son de cloche du côté du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui estime que les travaux parlementaires « avancent » aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat. Quant au ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, représentant au gouvernement de l'influent allié Modem, il juge que les termes d'une dissolution ne sont pas encore réunis.

Bref, « c'est complètement con », s'emporte un conseiller auprès de la lettre d'information Politico.

Une fuite dirigée vers le camp présidentiel

Le choix de l'Élysée de relancer la thématique de la dissolution via l'article du JDD peut s'expliquer de plusieurs manières. Premièrement, une bataille d'idées sur le sujet au sein du camp présidentiel.

S'il y a en effet des réticences, des proches du chef de l'État militent pour cette option : c'est d'ailleurs le nouveau patron du parti présidentiel Renaissance, Stéphane Séjourné, qui s'exprime dans les colonnes du JDD. On est là dans le cercle très rapproché d'Emmanuel Macron.

L'autre explication, mais qui peut être complémentaire, c'est que le chef de l'État est mécontent du fonctionnement de sa majorité relative à l'Assemblée. Le vote de certains amendements par ses alliés contre l'avis du gouvernement a fortement agacé. Et menacer d'une dissolution aux résultats incertains pourrait être une manière de discipliner le camp présidentiel.

Pression sur la droite

Mais le chiffon rouge de la dissolution vise aussi les oppositions, et en priorité Les Républicains. Le président du Sénat Gérard Larcher a encore dit ce week-end que le parti LR ne s'empêcherait pas de déposer une motion de censure contre le gouvernement.

Or, une motion venue de la droite pourrait raisonnablement réunir une majorité pour censurer l'exécutif. Brandir la menace de la dissolution, c'est une arme de dissuasion, car Les Républicains risqueraient de faire encore moins bien que les 62 députés sauvés en juin dernier.

Mais, note un député communiste, ils pourraient aussi profiter d'une dissolution pour négocier un accord de gouvernement à leur avantage, et donc affaiblir davantage l'autorité d'Emmanuel Macron.

Divisions sur la gauche

La possibilité d'une dissolution divise en tout cas, à gauche. La France insoumise se dit prête à relever le défi. C’est beaucoup moins vrai chez ses alliés : dans un sondage publié par le JDD, la Nupes est en recul, avec 25% d'intentions de vote.

D'où une certaine frilosité : « Ce n'est pas le moment opportun », juge un cadre socialiste, alors qu'une dirigeante écologiste affirme vouloir se concentrer sur les dossiers politiques en cours plutôt qu'une hypothétique dissolution.

Tous en tout cas mettent en garde les Insoumis contre des lendemains susceptibles de déchanter. « LFI est en recul dans les sondages, et le parti ne pourra pas compter sur la dynamique de la présidentielle comme la dernière fois », avertit un député PS.

C'est presque plus risqué pour eux que pour nous. D'ailleurs, en cas de nouvel accord électoral, nous serions sans doute en mesure d'exiger davantage de candidats que les 70 que nous avons eu ce printemps.

Le péril de l’extrême droite

Une chose est sûre : des législatives anticipées peuvent avoir des résultats très volatils. La participation est généralement moindre que lors des scrutins suivant la présidentielle.

« On sait où ça commence, mais on ne sait pas comment ça atterrit », poursuit le même député socialiste, inquiet notamment du risque de renforcement de l'extrême droite. Le Rassemblement national et Reconquête sont en effet les seuls partis en progression dans le sondage publié dimanche dans le JDD, et en cas d'alliance, ils pourraient dépasser les 89 sièges actuellement détenus.

Le parlementaire PS estime aussi que le camp présidentiel pourrait être puni par les électeurs pour n'avoir pas su créer les conditions d'une réelle discussion avec les oppositions à l'Assemblée. Et d'imaginer déjà Emmanuel Macron totalement désavoué et poussé à la démission en cas d'échec de sa dissolution.