NETTALI.COM - Les nominations sous Macky Sall, c’est décidément le scénario d’un mauvais film qui se joue de manière cyclique. Matar Ba, démis de son poste de ministre des sports, est nommé chef de cabinet du président. Mamour Diallo, ancien DG des domaines, revient aux affaires après une période de placard. Il est casé à l’Office national d’Assainissement du Sénégal.

Ismaël Madior Fall retrouve son poste de ministre de la justice, après un passage au palais comme conseiller aux affaires juridiques du président. Son bureau ne suffisait plus. Epoque de polémiques juridiques sur l’épineux sujet du 3ème mandat, il fallait bien le mettre au-devant de la scène pour affronter les nombreux détracteurs. Même scénario avec Ababacar Sadikh Bèye qui est retourné à l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd). Mambaye Niang, l’ami de Diouf Sarr, passe du ministère de la Jeunesse au Prodac, puis atterrit au tourisme. L’ancien ministre de la Santé ne semble pas d’accord avec sa nomination. Il lui reproche d’avoir saboté sa campagne et plagié son programme des locales. Karim Fofana débarque au commerce après un passage par l’urbanisme. Aly Ngouille Ndiaye, l’ancien ministre de l’Intérieur, revient également aux affaires pour occuper le département de l’agriculture.

Tout comme Amadou Bâ est « ressuscité » après sa traversée du désert. Nommé premier ministre, les députés de Wallu souhaite en tout cas qu’Amadou Ba passe d’abord par la case déclaration de politique générale avant l’examen et le vote du budget. Ce d’autant plus qu’ils considèrent « l’ ancien ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2019, comme le principal responsable de la crise économique et financière actuelle, puisque c’est lui, estiment les libéraux, qui a surendetté le Sénégal, si bien qu’aujourd’hui, nos ressources financières sont affectées en priorité au paiement du service de la dette plutôt qu’au financement des dépenses sociales devant soulager les Sénégalais et au règlement de la dette intérieure ».

Ils pensent tout au plus que programmer, que sa déclaration de politique générale au mois de décembre, après le vote du budget, est une «dérobade inacceptable » ainsi qu’ une fuite de responsabilités ».

L’on se rappelle également que limogé de son poste de DG de La Poste, Ciré Dia avait été bombardé Président du conseil d’administration de la Lonase. Même situation que Phillipe Bohn, DG d’Air Sénégal, débarqué de la direction générale, qui est devenu administrateur de la compagnie.

Bref, la liste des allers et retours, des dégommés et recasés, est longue. On mettrait 24 heures à la dresser qu’elle ne serait pas épuisée. Ils ont, à la vérité, fondu comme neige au soleil, ces fameux slogans dont le président nous avait tant abreuvés, au point de nous donner des espoirs de lendemains qui chantent. Mais à l’arrivée, ce fut « le parti avant la patrie » et une gestion pas aussi vertueuse et sobre que celle promise. Comme cette liste de 150 conseillers qui n’apportent rien à la république et qui compte dans ses rangs, la pléthore d’anciens parlementaires recasés : Mberry Sylla, Sadaga Seck, Juliette Zingua, Abdou Aziz Diop, Fatou Sène N°1 et Fatou Sène N° 2, etc que le président a tenu à caser. Et figurez-vous que les 80 conseillers sont élus au suffrage universel indirect et les 70 désignés par le chef de l’Etat lui-même ! Autres institution inutile et budgétivore, le Conseil Economique, social et environnemental, dirigée par Idrissa, elle s’inscrit dans la même logique que le Hcct dirigée par Aminata Mbengue Ndiaye ! Nos maigres sous dédiés à ces deux institutions aussi inutiles que budgétivores aurait pu servir à combler beaucoup de trous, en ces temps où le social semble de plus en plus intéresser Macky Sall. Avec Macky difficile de savoir le cap qu’il cherche à prendre, tant les signaux qu’il émet sont contradictoires.

Pour rester sur le terrain des nominations, puisque c’est de cela dont il est question, Macky Sall semble désormais vouloir opérer un recentrage dans son propre camp avec le retour au 1er plan de certains membres de l’APR : Cheikh Kanté, Maël Thiam, Birame Faye, Pape Malick Ndour, Mambaye Niang, etc. S’est-il subitement rendu compte de la faiblesse de ses alliés (Ps et Afp) dans Benno qui ne pèseraient plus, qu’il a pensé qu’il est désormais plus sage de retourner à ses racines ? Une bonne question. L’Afp et le PS sont plutôt préoccupés par des logiques de succession et de leadership, en plus d’être endormis par leur posture d’alliés qui les a longtemps enfermés dans un rôle de figurants, les empêchant de se massifier.

Dans l’attelage, les Fatickois sont en tout cas en bonne place, le clan Faye Sall aussi. Surtout avec un Mansour Faye qui prend de plus en plus de bouteille et étend ses tentacules un peu partout. Demandez à Mimi, elle vous dira tout. Mimi a tellement accéléré la cadence des piques en balançant sa proposition de loi sur la place publique. Et ceux-là même qui la critiquent pour délit de discrimination de sa proposition de loi, savent au fond d’eux-mêmes, qu’elle vise l’installation de la famille présidentielle et des amis de la famille, sans oublier cette famille élargie à l’africaine, au cœur du pouvoir. Une proposition qui en a fait une cible de choix, prise qu’elle est entre plusieurs feux, en étant attaquée par une armée où, à la tête trônent Oumar Youm et Ismael Madior dans le rôle de ceux qui la menacent de perte de son mandat. Mais comme elle n’en a cure et qu’elle s’y attendait, elle est revenue à la charge. Dans une lettre adressée de nouveau, ce jeudi 20 octobre, au Président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, l’ancienne Première ministre, Aminata Touré, a donné des arguments pour soutenir que sa proposition de loi est bien conforme à la Constitution.

Elle a à cet effet cité entre autres l'article L. 276 (alinéa 2) du Code électoral qui stipule que « les conjoints et alliés au même degré ne peuvent être simultanément membres du même conseil municipal ».

De même que l’article 12 de la loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant statuts des magistrats, selon lequel : « les parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle et de neveu inclusivement, ne peuvent être simultanément membres d'une juridiction de premier degré ou d'appel, sans dispense du Président de la République, après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il n'est accordé aucune dispense pour les juridictions composées de moins de quatre magistrats. Nul magistrat ne peut connaître d'une affaire dans laquelle l'une des parties est représentée par un conseil ou un mandataire qui est un parent ou un allié jusqu'au degré d'oncle et de neveu inclusivement.

Et d’autres articles encore tels que celui 14 (alinéa 2) du décret 2020-978 portant Règlement général de la Comptabilité publique stipule que « les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public sont incompatibles. Les conjoints, ascendants ou descendants des ordonnateurs ne peuvent être comptables des organismes publics auprès desquels lesdits ordonnateurs exercent leurs fonctions ».

Une sortie qui risque de secouer à nouveau ces émotifs du Macky qui vont se laisser distraire et tomber encore une fois de plus dans le piège de Mimi qui tient bien sa cadence.

Sacré Macky ! Avec lui ,les nominations sont comme un jeu interminable de chaises musicales avec des pions interchangeables qui semblent se valoir tous. Ce qui veut dire qu’elles ne sont guidées par aucune logique rationnelle. Entre des anciens épinglés dignitaires de l’ancien régime libéral, ministres à la compétence douteuse, certains d’entre eux n’ont de mérite que de disposer d’un bétail électoral dans leur fief qui leur assure un siège autour de cette table du conseil des ministres, d’ailleurs pleine comme un œuf. Et dire qu’on aspirait à une certaine époque à la sobriété. 38 ministres, le menuisier a dû épuiser son stock de bois !

Il est en tout cas à la vérité bien difficile de suivre le président à son rythme. N’importe qui en fait, peut devenir n’importe quoi. Peu importe son profil, son background et sa compétence. Avec Macky Sall, le procédé ressemble plutôt à une logique de bouche-trous. De servir tout le monde. De ne fâcher personne ! Ministre auprès du ministre de…, la belle et nouvelle trouvaille ! Il fallait par tous les moyens faire de certains, des ministres. Tout simplement. Car au fond, certains se sont crus nés avec un destin de ministre. D’où une certaine fronde notée ça et là dans le but de faire céder le président, qui d’ailleurs a si peu goutté le procédé qu’il s’est lancé dans une leçon de comportement en république. C’était lors du récent séminaire gouvernemental, au cours duquel, il a fustigé le comportement de certains, faisant savoir qu’ « on ne devient pas ministre pour le rester éternellement » ; ou qu’ « être ministre, est un honneur pour avoir été choisi parmi de nombreux compatriotes », estimant qu’en cas de besoin, on peut être rappelé » ; ou encore que « c’est cet état d’esprit qui doit conduire à cultiver l’humilité, la discrétion et la réserve de façon permanente même au-delà du temps passé dans le gouvernement »

Bref cela signifie qu’on est tout simplement mal barrés et que Macky Sall a atteint un tel niveau d’usure pour ne pas dire plafonnement, qu’il prend les mêmes qu’au début et recommence. Y compris jusque dans le PDS d’où il est venu, allant même jusqu’à vider le parti de son ex mentor qu’a été Me Wade.

A y voir de plus près, le procédé semble être celui d’un président qui ne veut laisser personne au bord de la route pour s’assurer les faveurs d’un soutien de ses camarades de la 1ère heure, ceux du Pds, de ses alliés, dans la perspective d’un 3ème mandat. La politique, dans son entendement, c’est une addition et jamais une soustraction.

Même cette vente de 1 500 000 cartes participe de cette logique non seulement d’effet d’annonce, mais d’un chef de parti qui se prépare aux échéances avec des alliés qui l’y poussent. Comme dans ce fief de Guédiawaye où cette mise en scène qui a fait flop avec ces militants qui réclamaient le 3ème mandat en la présentant comme une demande sociale. C’était dans le fief de Racine Talla bien actif sur le terrain de la promotion de la 3ème candidature du président Sall. Celui-là même qui gérait le temps d’antenne du candidat-opposant Macky Sall et qui depuis 2012 trône à la tête de la chaîne nationale, amplifiant à longueur de jour les réalisations de son mentor. Mais surprise, le Groupe des alliés de la première heure (Graphe) parmi lesquels Babacar Guèye, Ala Dieng et cie n’entendent pas cette 3ème candidature de cette oreille. Même s’ils ne dénient à Macky le droit se présenter en laissant le conseil constitutionnel et les électeurs comme seuls juges, ils auraient aimé que le président « honore sa parole » Le Graphe s’indigne même de l’attitude de certains proches du président qui le poussent à franchir le Rubicon et incite à tenir compte des conséquences qui peuvent en découler. Ils n’excluent d’ailleurs pas de présenter un candidat, même s’ils estiment toujours être dans la mouvance présidentielle.

Mais tout cela n’est révélateur que d’une chose, Macky tourne en rond et s’est enfermé dans un jeu qui s’appelle ni oui ni non, d’où il ne sait plus comment s’extirper. Mais à trop vouloir calculer et jouer, il a fini par se prendre à son propre jeu. Sa majorité chancelante à l’assemblée n’a pas arrangé les choses et le plonge dans un certain inconfort, à un point tel qu’il est obligé de faire dans l’activisme, cherchant à être partout en même temps sur tous les fronts sociaux, notamment le combat contre la vie chère, le coût élevé des loyers qu’une loi avait déjà tenté de combattre sans succès. Et figurez-vous qu’à 15 mois de la fin, Macky Sall, l’homme du programme Sénégal émergent, qui cherche par tous les moyens à faire bonne figure, quitte à entreprendre des chantiers pas si simples que cela, veut s’inscrire dans un processus d’industrialisation, le consommer Sénégalais. 10 ans après ! Quelle chimère ! Le temps est réalité aujourd’hui, son principal adversaire.

Sacré Macky, il croit au miracle ! Il croit surtout pouvoir tromper tout le monde, tout le temps. Pour l’heure, ce sont Aminata Touré et Ousmane Sonko qui hantent son sommeil. Mais surtout ce dernier qui a senti que le monde rural et certaines contrées sont des zones où il doit se renforcer. Aussi s’est-il depuis quelques jours lancé dans ce qu’il appelle un « nemekou tour ». Un concept bien inspiré qui fait mouche. En d’autres termes, les Pastéfiens vont à la rencontre des populations. Preuve que Ousmane Sonko empêche Macky Sall de dormir, des gendarmes suivent ses convois partout dans le département de Mbour, où il avait installé ses quartiers. Mais qu’est-ce qu’ils sont peu inspirés ces gens du pouvoir ? L’on se demande d’ailleurs où sont passés les ministres du gouvernement de combat ? Ils n’ont pu que constater les dégâts causés par cet emmerdeur de Sonko qui se renforce de jour en jours grâce à leurs maladresses et la posture de victimes dans laquelle ils le placent.

Ce qui montre que Macky Sall, depuis le moment où il a fait limoger Ousmane Sonko jusqu’à présent, continue de le renforcer. Et le phénomène s’accentuera à chaque fois qu’il posera un acte jugé antidémocratique à son encontre. Sonko est assurément sur ses traces avec son « nemekou tour » et cela ne peut lui faire plaisir. Les intimidations dont les membres de la caravane de Sonko font l’objet, montrent que le président est aujourd’hui en train de faire à Sonko ce que Wade lui avait fait. A savoir, dresser des obstacles sur son chemin, alors qu’il faisait son tour du Sénégal. Macky Sall aimait bien à dénoncer et à se plaindre des misères que lui faisait Wade. Mais sauf que là il fait à Sonko ce qu’il a abhorré hier. Il ne fait décidément sienne cette maxime de Confucius, ce grand penseur Chinois : «Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse, ne l’inflige pas aux autres». Une pensée en tout cas bien sage.