NETTALI.COM - L'affaire Doura Diallo, du nom de cette femme décédée en couche en même temps que son nouveau-né, n'a pas encore livré tous ses secrets. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que la communication du procureur Baye Thiam ne fait qu'augmenter la confusion.

Le procureur de Kédougou n'a pas perdu son temps. Aussitôt informé du décès en couche d'une femme et de son bébé, Baye Thiam a envoyé ses enquêteurs. Ces derniers font le job et placent trois personnes en position de garde à vue. Il s'agit du gynécologue Léonce Mbade Faye et deux de ses collaborateurs, l'anesthésiste Abdou Aziz Dioum et l'infirmier Bakary Diabakhaté.

Dans un communiqué, le procureur a fait un récit des circonstances du drame survenu au district sanitaire de Kédougou. Non sans charger lourdement les trois personnes arrêtées. Le magistrat les accuse notamment d'avoir agi "sans pitié, ni sentiment", sans même tenir compte de la fragilité du bébé et des antécédents de la dame Mamy Doura Diallo.

"Le comble s'est produit une fois au bloc opératoire lorsque le gynécologue ainsi que l'anesthésiste ont délibérément décidé, sans même avoir préalablement consulté le mari de la défunte, de procéder à une hystérectomie, c'est-à-dire une ablation totale de l'utérus. En outre, les manœuvres du gynécologue pour extraire le nouveau-né, ont causé le décès de ce dernier. Le billet de mort de l'enfant venait d'être froidement acté par ces ''actes dits médicaux'' pour ne pas dire ''radicaux''. Les déclarations spontanées des parties (personnel médical et le mari de la défunte) indiquaient que le fœtus, à l’arrivée de sa maman, était vivant car le mari, présent à l'accouchement, avait posé la question au médecin qui lui a confirmé effectivement qu'il respirait", a notamment écrit le procureur dans un communiqué largement repris par la presse.

Seulement, les déclarations du procureur sont battues en brèche par de nombreux spécialistes. Selon ces derniers, Baye Thiam s'est aventuré dans un domaine qu'il ne maîtrise pas forcément. "Il peut arriver pour sauver la maman porteuse d'un foetus déjà mort de procéder à un embroyotomie (couper le bébé mort). C'est un acte valide", explique un médecin exerçant à l'hôpital Fann de Dakar. D'autres contestent même la chronologie des faits relatés par le procureur. "La femme n'a pas été consultée au centre de santé, mais au poste de santé de Dalaba. C'est aussi faux de dire que la femme est venue à 8 heures au centre de santé de Kédougou. Elle a été reçue à 13h 30 et admise au bloc à 15 heures. C'est aussi un mensonge de dire qu'une matrone a appelé le gynécologue. C'est une sage-femme qui l'a fait à l'arrivée de la dame avec une présentation engagée avec microscopie", raconte une source. Contrairement donc à ce que dit le procureur.

Ce dernier raconte : "Dans la journée du 30 août 2022, la nommée Doura Diallo a été admise au District sanitaire de Kédougou au service de la Maternité aux environs de 08 heures du matin accompagnée de son époux, Malick Cissé alias Mor. La matrone, après l'avoir consultée et constatée un affleurement de la tête du bébé, a appelé le gynécologue. Ce dernier, arrivé aux environs de 16 heures, a essayé d'accoucher la femme par voie basse jusqu'à faire sortir la tête. Mais les épaules du bébé, étant bloquées, peinaient à sortir du fait du volume et ce, contrairement à la volonté de son époux qui le suppliait de faire une césarienne compte tenu de ses antécédents. C'est ainsi, sans pitié ni sentiment, qu'il a continué de manœuvrer sans même tenir compte de la fragilité du bébé."

Mais, ce sont surtout les infractions visées par le procureur qui risquent de susciter une vive polémique. Puisque dans cette même affaire, deux communiqués signés par le même procureur, circulent dans les médias. Et les deux textes ne disent pas la même chose. Dans le premier texte, on peut lire : "Eu égard à la gravité des faits et après les premiers interrogatoires, les personnes mises en cause sont arrêtées et placées en position de garde à vue pour homicide volontaire et complicité de ce chef, faits prévus et punis par les dispositions des articles 45-3, 46, 280 et 287 du Code pénal." Les articles 280 et 287 prévoient, en effet, les infractions de  meurtre et d'assassinat tandis que les autres articles visés condamnent la complicité de ces crimes.

Toutefois, tard dans la soirée du vendredi, un autre communiqué du procureur est apparu. Cette fois, on vise l'homicide involontaire. "Une enquête est ouverte et confiée à la Brigade de gendarmerie de Kédougou contre les nommés Léonce Mbade Faye, Abdou Aziz Dioum et Bakary Diébakhaté pour les faits d'homicide involontaire et de complicité, faits prévus et punis par les articles 307, 45, 46 du code pénal", lit-on sur l'autre texte. En effet, l'article 307 réprime l'homicide ou les blessures  involontaires commis par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements par un emprisonnement de six mois à cinq ans et une amende de 20.000 à 300.000 francs.

Toutes choses qui font dire qu'autant le Procureur s'est trompé dans la chronologie des faits, autant il s'est gouré dans l'incrimination des mis en cause avant de se raviser.