NETTALI.COM - La France et le Sénégal ont fini de tomber d’accord sur deux conventions, l’une portant entraide judiciaire en matière pénale et l’autre portant extradition entre les deux pays. Les élus français pourraient, d’ailleurs, dans les prochains jours, voter un projet de loi autorisant l'approbation de cesdites convention.

La coopération judiciaire entre la France et le Sénégal, datant de 1974, est en train d’être revue. Elle est jugée trop désuète pour permettre aux deux pays de prendre en compte les nouvelles menaces et infractions pénales.  Le projet de loi, approuvé ce 24 août par le Président Macron en Conseil des ministres, passe au vote de l’Assemblée nationale française, dans les prochains jours.

Si le texte passe,  les lourdeurs administratives qui plombaient la Convention d’extradition entre la France et le Sénégal vont sauter. Le nouveau texte simplifie le cheminement du dossier en supprimant les allers-retours entre le parquet général, la direction des affaires criminelles et des grâces, le bureau du courrier, le secrétariat général du ministère et la Présidence de la République sénégalaise. Désormais, les demandes d’extradition se régleront exclusivement entre les ministres de la Justice de part et d’autre.

Les articles 7 à 10 du projet de texte règlent ces questions de procédures et de contenu des demandes. «Les demandes d’extradition, transmises par le ministre de la Justice de la partie requérante au ministre de la Justice de la partie requise, doivent être formulées par écrit et systématiquement être accompagnées d’un exposé circonstancié des faits, du texte des dispositions légales nécessaires à l’examen du bien fondé de la demande et de tous les renseignements susceptibles de permettre l’identification formelle et la localisation de la personne réclamée», dit le texte fait pour garantir la fluidité et l’exécution rapide des demandes. De fait, les personnes sous le coup de cette loi pourraient très vite se voir rapatriées dans leur pays d’origine, dans un délai de 15 jours, à compter de la date fixée pour la remise.

Pour parer à toute fuite, la Convention a aussi prévu une demande d’arrestation provisoire «par tout autre moyen laissant une trace écrite». Même si Paris a donné son accord pour des procédures simplifiées, les ministres de l'Europe et des Affaires étrangères et le Garde des sceaux, ministre de la Justice qui présenteront le texte à l’Assemblée nationale, se sont assurés de quelques garanties en définissant le cadre dans lequel l’extradition pourrait se faire.

De nature facultative ou obligatoire, le texte reprend un certain nombre de règles classiques du droit de l’extradition s’agissant des motifs de refus. Entre autres et de manière facultative, la demande peut être refusée lorsque la personne a été définitivement condamnée ou si l’extradition est susceptible d’avoir pour le mis en cause des conséquences d’une gravité exceptionnelle, «notamment en raison de son âge ou de son état de santé».

Si pour le motif facultatif, il suffira d’un simple accord entre les deux parties pour lever la difficulté, les choses seront plus compliquées en cas de refus pour motif obligatoire. Outre l’exception faite sur les Sénégalais bénéficiant de la nationalité française, Paris refuse aussi certaines infractions comme militaires ou politiques. «L’extradition est refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de genre, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques», dit l’article 3 de la Convention, tout en présentant des filets contre ceux qui seraient tentés de se défendre par le motif politique. Pour les deux gouvernements, il ne sera pas toléré les infractions politiques ayant trait à l’attentat à la vie ou à la tentative d’attentat à la vie d’un chef d’Etat ou d’un membre de sa famille. Une disposition qui pourrait fort bien se confondre avec le fameux article 80 du Code pénal sénégalais relatif aux offenses faites aux institutions de l’Etat. Article qui fait l’objet de dénonciation des organismes de la Société civile qui parle de «prétexte pour restreindre les libertés fondamentales sous motif de terrorisme . Même si, selon les chiffres français, le Sénégal n’a jamais encore adressé à l’État français une demande d’entraide sur des faits de terrorisme.

Procédure accélérée

En matière de coopération judiciaire pénale, le Sénégal et la France ont signé plusieurs conventions multilatérales spécialisées mais, selon l’Exécutif français, la plupart des demandes échangées proviennent majoritairement de la France. Le Sénégal pratiquant essentiellement l’entraide passive.

Depuis 2011, sur 15 demandes d’extradition formulées par la France, 10 ont abouti à une remise des intéressés, une n’a pu être menée à son terme en raison du décès du fugitif, deux n’ont pu être exécutée en raison de la fuite des intéressés et une seule a donné lieu à un avis défavorable.

Dans la même période, le Sénégal n’a transmis qu’une seule demande d’extradition pour des faits d’escroquerie, qui n’a pas encore abouti. Des statistiques qui ont poussé Macky Sall et son gouvernement aux négociations depuis 2019.

«Des échanges et discussions entre les services des deux pays se sont déroulés jusqu’à la tenue d’une seule et unique session de négociations à Dakar du 26 au 28 février 2020», informe le ministère français de la Justice qui, avec son homologue sénégalais, ont signé les deux conventions en septembre 2021.

Une année plus tard, le projet de loi qui porte le numéro 213 est soumis au vote des élus français en procédure accélérée. Si la Constitution française prévoit un délai minimal de six semaines entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance, elle n’applique pas les mêmes délais si le Gouvernement décide d’engager une procédure accélérée. De fait, ce pourrait n’être qu’une question de jours pour l’adoption de la loi qui permettra à Macky Sall de traquer les criminels transfrontaliers jusqu’en France.

Comme dans le cas des statistiques concernant les demandes d’extradition, le Sénégal est aussi à la traîne en matière de demandes d’entraide judiciaire. Depuis 2011, il n’a adressé que 22 demandes à la France, là où cette dernière en a adressé 108. Pour rééquilibrer la coopération, la Convention d’entraide judiciaire soumise au vote de l’Assemblée nationale française, devrait renforcer l’efficacité de l’instrument tout en élargissant son champ d’action et surtout en promouvant des techniques modernes coopération.

En résumé, outre les infractions pénales, l’entraide s’élargit désormais au caractère fiscal, au secret bancaire et ce même si la personne visée est morale. Dans sa palette coercitive, le texte prévoit de larges possibilités d’obtention d’informations bancaires pour lutter contre le blanchiment d’argent. L’article 22 traite des demandes d’interceptions téléphoniques. Elles peuvent être présentées lorsque la cible se trouve sur le territoire de la partie requérante et que celle‑ci a besoin de l’aide technique de la partie requise pour pouvoir intercepter les communications.

Et l’article 23 met en place une procédure de dénonciation aux fins de poursuite. En clair, il suffira d’un réquisitoire pour qu’un Sénégalais séjournant en France puisse faire l’œuvre de poursuites pénales. La convention prévoit aussi des méthodes d’enquête comme l’intervention d’agents en infiltration «afin d’obtenir des preuves et identifier les auteurs d’infractions relevant de la criminalité organisée». Enfin, le texte offre, en outre, de larges possibilités en matière de gel des avoirs, d’identification et de confiscation des produits et des instruments des infractions.