NETTALI.COM - Comment aurait-il fallu comprendre toutes ces listes frappées de forclusion, suite aux dépôts de dossiers de candidatures locales dans les préfectures ? Ce qui est surtout curieux, c’est d’avoir noté que les cas de forclusion concernaient en majorité « Yeewi Askan wi » et de manière marginale d’autres coalitions de l’opposition, dont la candidature de Bougane Guèye Dani rejetée à Dakar. Mais point de « Benno Book Yaakaar » !

Voulait-on accréditer l'idée qu'il y a d’un côté les inexpérimentés et laxistes ; et de l’autre, les expérimentés et rigoureux ? L'affaire a tout cas fait grand bruit et créé une grande montée d’adrénaline. Ousmane Sonko et Barthélémy Dias, qui ont la réputation d'être jeunes, courageux et combattifs ont, au cours d’une conférence de presse qui a suivi ces rejets de dossiers, bandé les muscles et appelé à la résistance.

Le dossier en appel de ce dernier, lié au meurtre de Ndiaga Diouf, que l’on semble vouloir lier à sa candidature, n’a pas été pour simplifier les choses. Le renvoi de son procès avant l’arrivée de Dias au tribunal, provoquera des affrontements et l’arrestation de celui-ci, d’Ousmane Sonko et de Malick Gakou qui seront finalement relâchés le même jour en début de soirée, suite à d’âpres manifestations. Aussi, le lendemain, une certaine presse s’est-elle focalisée sur l’échec d’une seconde vague en référence aux évènements de mars et au lexique de la pandémie.

Face à la presse, des partisans du chef de l’Etat ont, eux, «constaté (et) pour s’en réjouir que la population et la jeunesse de Dakar avaient, dans leur majorité, ignoré l’appel de ces « néo-politiciens ». » Aussi, ont-ils «salué la maturité du peuple sénégalais qui a fini de démasquer ces imposteurs, putschistes, nihilistes invétérés ». Selon Waly Fall qui a lu la déclaration liminaire de la coalition Benno Bokk Yaakaar, « le maintien de la volonté de rejoindre le tribunal, alors que le procès a été renvoyé, prouve à suffisance que ces apprentis pyromanes ne reculeront devant rien dans leur funeste projet de déstabilisation de notre pays »

Une ambiance électrique et de surenchère verbale qui n’a pas échappé à « Y en a marre » qui a estimé que le régime en place n’a pas tiré toutes les leçons des douloureux événements de mars au cours desquels, le peuple pleure encore ses 14 martyrs. Aussi, Aliou Sané et ses camarades ont souligné une situation de catastrophe frôlée par le pays. Et « Y en a marre » de rappeler au président Macky Sall que la stabilité du pays relève en premier de sa responsabilité. Ce qui lui fait dire que « préserver cette stabilité dans le contexte actuel, c’est garantir la tenue d’élections locales libres et transparentes le 23 janvier 2022, avec la pleine participation des différents candidats investis par l’opposition comme le pouvoir. »

L’organisation de le société civile, voudrait-elle insinuer une volonté d’écarter des candidats ? Dans le camp de « Yeewi askan wi », la relation entre la convocation de Barthélémy Dias, dans le cadre de l’affaire Ndiaga Diouf, a laissé croire qu’il s’agissait là d’une volonté de convoquer le dossier judiciaire pour empêcher Dias fils d’être candidat. En effet une confirmation de la peine de 2 ans dont 6 mois ferme après l’épuisement des voies de recours, suffirait à rendre le jeune maire inéligible.

Dans le camp adverse, « Benno Book Yakkar », l’on a vite crié à la manipulation, estimant que la date de renvoi était connue avant la candidature de Barth. La surenchère verbale et politicienne est à son comble.

Mais ce qui va suivre, semble bien accréditer l’idée qu’une volonté d’éliminer certaines candidatures, existe réellement. S’agit-il d’un zèle de la part de certaines autorités préfectorales ou d’une élimination ciblée de candidats ? Qui sait ? Toujours est-il l'intervention de la Commission électorale nationale autonome (Cena) dans le cas Adama Faye et non moins beau-frère du président Sall, a permis de corriger le rejet de sa candidature, en ces termes : « les motifs de rejet sont bien spécifiés dans le Code électoral (articles L.250 et L.285). Et cette énumération ne comporte aucun point relatif aux couleurs et symboles d’un parti, d’une coalition ou d’une entité indépendante ».  A ce propos, le Code électoral indique en son article L.287 : “en cas de contestation, le préfet ou le sous-préfet saisit le ministre chargé des élections qui attribue, par priorité à chaque parti politique, sa couleur statutaire, son sigle et son symbole traditionnels par ordre d’ancienneté. Pour les coalitions de partis politiques et pour les entités indépendantes, l’attribution se fait selon la date de notification du nom choisi. Le ministre chargé des élections en informe aussitôt le préfet ou le sous-préfet qui, à son tour, en informe les parties intéressées.”

C’est une cascade de validation qui est en tout cas notée. En effet les listes de « Yeewi askan wi » ont été réhabilitées à Mbour Commune et Mbour département, Saint-Louis (communes de Gandon, Fass et Gandiol), après leur rejet. Auparavant, les listes de ladite coalition, en ce qui concerne Matam, Golf Sud, Sam Notaire, Thies, Diass, ont également été validées.

A Kédougou, le rejet de la candidature de Moustapha Guirassy, candidat de Yaw, a été la cause d’affrontements, alors que les partisans du député avaient accompagné leur mentor à la Préfecture en vue obtenir des explications, suite au rejet de leur liste. Guirassy et d’autres dépositaire de listes sont toujours dans l’expectative, attendant que la cour d’appel des localités dont ils dépendent, se prononcent sur leurs recours.

Un cinglant désaveu pour l’Administration territoriale, au moment où certains préfets attendaient qu’on leur demande de fournir des mémos de défense qui sont les preuves documentées ayant conduit au rejet de certains dossiers de candidature.

Un retournement de situation fort honteux et une situation générale de contestations et d’affrontements inquiétant même pour les élections à venir et à chaque fois qu’il est question d’élection au Sénégal. Curieux quand même comme pays démocratique que d’assister à chaque fois à des problèmes relatifs à des aspects cruciaux pour des élections transparentes : problèmes de fichiers, de filtre, de dépôt de candidature, de calendrier électoral, de listes électorales, de carte électorale, d’identification et surtout des complaintes vis-à-vis d’une administration jugée complice. La justice, elle, dans ces rejets, a fait son travail, quelles que soient par ailleurs les raisons que l’on peut mettre derrière.

Une leçon aussi pour tous ces opposants qui s’empressent souvent d’accuser la justice d’être complice, même si elle est loin d’être parfaite sous nos cieux. Toujours est-il que le ministre de la Justice, Malick Sall, a donné un sage conseil selon lequel Barthélémy Dias ferait mieux d’être présent à son procès au mois de décembre, estimant que la justice fera son travail, même en l’absence du prévenu. De quoi mettre la pression et prévenir Dias fils contre toute conséquence qui ne lui serait pas favorable.  Une précaution préventive certainement au cas où Barthélémy serait encore tenté de crier au complot.

Une atmosphère qui laisse en tout cas craindre le pire et qui montre à quel point ces locales sont un enjeu capital pour le président Macky Sall. Ainsi que l’avait d’ailleurs fait remarquer son directeur de cabinet politique, Mahmoud Saleh, «les élections locales à venir ne seront locales que de nom. Ce sont des élections politiques, ce sont des élections nationales… Les résultats seront déterminants pour les élections législatives qui se tiendront cinq mois après. Nos résultats vont trancher le débat sur la candidature de Macky Sall à la Présidentielle de 2024», avait déclaré celui-ci au cours d’une réunion publique.

Et même la réaction rapide et cinglante de Yaxam Mbaye, qui cherchait à ôter toute responsabilité à Macky Sall, en corrigeant Saleh au passage, n’aura pas été jugée crédible pour laisser croire que le président n’émet pas sur la même fréquence avec son collaborateur qui agit souvent en tapinois. C’est en effet connu que sur la question du 3e mandat, Macky Sall «récompense» toujours ses partisans qui accréditent la thèse de la possibilité de son 3e mandat et «vire» ses détracteurs. Et c’est d’ailleurs un fait récurrent pour ne pas être remarqué que le DG du «Soleil» joue désormais le rôle d’alors de Mambaye Niang. Celui de l’homme qui monte au créneau à chaque fois que le chef de l’Etat est attaqué voire critiqué. Comme récemment avec cette histoire de trafic de passeports diplomatiques impliquant des députés. Invité de «Face to Face» sur la TFM, il avait taclé la ministre des Affaires étrangères en ces termes : « Un gouvernement a une charge politique ( …) Le président n’y a rien à voir. Cela relève du ministère des Affaires étrangères.

Il reste au président de savoir qu’il a la responsabilité d’organiser des locales ouvertes et transparentes. Une transparence d’autant plus cruciale au cas où l’hypothèse de Saleh devait se confirmer. Mais, on n’en est pas pour l’heure à ce stade, car le ni oui, ni non a encore de beaux jours devant lui.