NETTALI.COM- Président de l’Union des magistrats Sénégalais (Ums), Ousmane Chimère Diouf a, lors de leur assemblée générale ordinaire, tenue le samedi 20 Août, égrené un chapelet de mille et une doléances pour alerter sur les conditions difficiles dans lesquelles les magistrats travaillent.

C’est une ritournelle de dire que le nombre de magistrats est insuffisant au Sénégal. Il suffit de jeter un coup d’œil dans le cabinet des juges d’instruction pour se rendre compte du poids de dossiers dans lesquels, ils croulent quotidiennement. Le président de l’Union des magistrats du Sénégal Ousmane Chimère Diouf a profité de leur assemblée générale ordinaire, tenue samedi dernier à Mbour pour plaider le renforcement de leur personnel.

« Le constat à faire, après cet état des lieux, est qu’il y a un déficit à tous les niveaux. Au niveau des ressources humaines, le nombre total de magistrats avoisine celui de 510. Déjà, en 2017, pour une population de 15 millions d’habitants, les indicateurs étaient constitués d’un nombre de 3,30 et 3,36 magistrats pour 30 266 habitants et un magistrat pour 29 798 habitants », a déclaré le président de l’Ums.

Il rappelle que la Direction des Services judiciaires avait, en son temps, élaboré un plan de recrutement de 30 magistrats par an. Ce qui, d’après lui, devait permettre d’aboutir au nombre de 1 355 magistrats nécessaires pour une meilleure distribution de la justice. Mais, constate-t-il pour s’en désoler : « ce plan n’a jamais été respecté ».

La situation, alerte-t-il, est plus difficile à cause de de la création de nouveaux cours d’appel et de tribunaux de grande instance et d’instance, la multiplication des chambres au niveau de la Cour suprême. Non sans compter les nombreux départs et les cas de décès.

Insuffisance des budgets octroyés aux juridictions

Ousmane Chimère Diouf a également relevé l’insuffisance des budgets octroyés aux juridictions. A l’en croire, au vu du déficit de matériel constaté dans certaines juridictions, leurs investigations leur ont permis de constater que pour le budget de 2022, aucun franc n’a été prévu pour l’équipement et la réhabilitation des juridictions. Ce qui, à ses yeux, est incompréhensible.  « L’état de délabrement de certaines juridictions comme le palais de Justice de Saint-Louis, entre autres, doit tous nous interpeller. Pour son image, la sécurité des acteurs et des justiciables, la justice ne doit pas être rendue dans ces conditions », a souligné le président Ousmane Chimère Diouf, ajoutant dans le même sillage que le TGI de Mbour est logé dans une maison conventionnée qui n’obéit donc pas aux normes requises pour abriter une juridiction.

« Les cas similaires sont nombreux », prévient-il pour les dénoncer. A son avis, le pays est en retard dans la construction de juridictions. Etayant ses propos, il indique pour s’en émouvoir, qu’aucune juridiction n’a effectivement été construite, à l’exception de la Cour des comptes qui a récemment pris possession de ses nouveaux locaux, et de la Cour d’appel de Dakar logée au palais de Justice. « Comment un pays comme le Sénégal peut-il ne pas construire une Cour suprême et un Conseil constitutionnel », s’interroge le magistrat.

Toutetois, le juge à la Cour d'appel de Dakar, se réjouit de l’enveloppe de 250 milliards prévue pour combler ce retard. Ainsi, il pense que toutes les nouvelles créations doivent également être logées dans des édifices répondant aux normes.  « Nous saluons la livraison du bâtiment abritant le Centre de formation judiciaire avec toutes les modalités permettant ainsi une formation de qualité, ainsi que celui du TGI de Kaffrine », magnifie-t-il. Avant d’ajouter : « sur un autre chapitre, le bureau a constaté que les chefs de cours et de parquets généraux qui, de par la loi, ont une compétence territoriale couvrant deux à trois régions, circulent avec des véhicules de fonction datant de 2005 ou 2008 et ne sont pas bénéficiaires de l’indemnité dite kilométrique créée pour les fonctionnaires de tout bord titulaires du droit de disposer de véhicules de fonction. Il est nécessaire de doter ces magistrats de la haute hiérarchie judiciaire de véhicules dignes de leur rang. Il en est de même des présidents de tribunaux de grande instance, du commerce, du travail, d’instance, des présidents de chambre d’accusation, des doyens des juges, des procureurs de la République et des délégués des procureurs ».

La généralisation de l'âge de la retraite,  une nécessité absolue

Abordant la question relative à l’amélioration du statut pour leur corps, Ousmane Chimère Diouf rappelle qu’il a été exposé au chef de l’État, la différence de traitement existant entre des magistrats du même grade consistant à voir partir à la retraite les plus jeunes pour laisser en place aux plus âgés, uniquement du fait de fonctions occupées par les uns et les autres.

A son avis, cette situation, qui crée de manière flagrante un déséquilibre dans la gestion de la carrière de fonctionnaires régie par le même statut, doit être corrigée. « En effet, une loi n’est juste que lorsqu’elle impose les mêmes restrictions à chacun et les mêmes droits. La généralisation de cet âge apparaît donc comme une nécessité absolue et pour reprendre une expression chère à nos amis avocats, ce ne serait que justice », a plaidé Ousmane Chimère Diouf, rappelant dans le même ordre d’idées que la question de la revalorisation de la pension de retraite a été posée au chef de l’État. Ce, en attirant son attention sur le fait qu’après près de quarante ans de carrière ou plus, le magistrat à la retraite vit « d’angoisse, de stress à un âge » où il a besoin de repos, de tranquillité d’esprit et ceci, du fait de la modicité de sa pension.

« Après avoir occupé de hautes fonctions judiciaires, se retrouver dans la précarité au crépuscule de sa vie est, à notre avis, quelque chose à rectifier. L’idée d’intégrer l’indemnité de judicature dans la base de calcul a longtemps été agitée, en vain, tout comme celle de permettre au retraité de garder une bonne partie de ses revenus », souligne-t-il.