NETTALI.COM- En Assemblée générale, le samedi 21 août 2022 à Saly Portudal, les magistrats ont oublié les grandes réformes pour une justice plus indépendante

Exit les questions comme l’indépendance de la justice. Place aux luttes pour l’amélioration des conditions de travail des magistrats. À l’occasion de l’Assemblée générale de l’Union des magistrats sénégalais, tenue ce week-end à Saly, Ousmane Chimère Diouf et Cie ont plus parlé de leurs conditions que de l’indépendance de la justice. Un magistrat se défend et explique le changement de paradigme. « L’acharnement de l'ancien bureau sur la question de l'indépendance (de la justice) nous a plus desservis. En fait, nous demeurons des fonctionnaires employés par l'État qui est garant de nos conditions de travail. Lesquelles sont consubstantielles à une justice digne de ce nom... Aujourd'hui, beaucoup de juridictions, surtout de l'intérieur du pays, fonctionnent très difficilement. Voilà, entre autres problèmes qui nous interpellent », lance à EnQuête, une source anonyme.

Ainsi, la rupture semble définitivement actée. Désormais, il ne faudrait pas attendre de l’UMS et des magistrats qu’ils soient en première ligne dans la lutte pour une justice plus indépendante. D’autant plus que, lors de ses différentes prises de parole, son actuel président a semblé tout mettre sur le compte de la responsabilité individuelle des uns et des autres. Un participant à l’Assemblée générale regrette cette posture. « Le constat que tout le monde peut faire, c’est que l’indépendance n’est plus une priorité pour l’actuel bureau. Certains ont eu à peine à soulever la question lors de l’assemblée, mais sans que cela ne suscite le moindre enthousiasme. L’actuel président se plait, lui-même, à dire que c’est une question individuelle. Or, tout le monde sait que les choses sont bien plus profondes que cela. C’est même, à mon avis, la priorité des priorités dans ce pays. Tant qu’on ne réglera pas ce problème, on n’est pas à l’abri de certains conflits. C’est dommage qu’on l’ait relégué au second plan », fustige-t-il dans le journal.

Question centrale sous le magistère de Souleymane Téliko, le débat sur l’indépendance de la justice devient ainsi de plus en plus marginal. Quand il ne se limite pas à de simples incantations sur la problématique, le bureau actuel de l’UMS l’aborde juste pour répondre à des interpellations y afférentes. En lieu et place, l’équipe de Chimère Diouf préfère mettre l’accent sur les conditions matérielles des membres de leur institution (voir ailleurs). Au grand bonheur de la tutelle qui tient en la nouvelle équipe de vrais alliés de l’Exécutif, contrairement à celle dirigée à l’époque par Souleymane Téliko. À en croire un magistrat, c’est comme ça que les choses doivent se passer, entre la tutelle et les magistrats. « Nous sommes obligés de travailler ensemble dans l’intérêt des magistrats et de la justice. Nous allons le faire dans le respect mutuel des droits et obligations de chaque partie », confie-t-il.

Le garde des Sceaux et la tentative de « décrédibilisation de l’institution judiciaire »

Que vont alors devenir, dans ce contexte, les recommandations fortes des différents conclaves qui ont eu lieu et avaient mobilisé toutes les sommités du droit ? Qu’adviendra-t-il de la lutte des magistrats pour une gestion plus transparente de leur carrière ? Quid de la composition et du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout cela n’est plus à l’ordre du jour. Le seul combat qui a survécu à l’équipe de Téliko, c’est celui relatif à l’harmonisation de la retraite. Si l’on sait qu’il sera difficile de revenir sur les 68 ans (âge de départ à la retraite pour les magistrats chefs de cours), l’on peut facilement comprendre que les magistrats vont militer en faveur de l’augmentation de l’âge de retraite pour tous.

Pour sa part, le ministre de la Justice garde des Sceaux, Maitre Malick Sall, a estimé que l’un des principaux défis de la justice, c’est de lutter contre les tentatives de décrédibilisation. « Le principal défi auquel notre système judiciaire est confronté consiste à développer une stratégie permettant de faire face à l’œuvre de décrédibilisation de l’institution judiciaire savamment orchestrée par certains de nos citoyens mus par des desseins inavoués. Il est regrettable de constater, depuis quelque temps, que des individus malintentionnés se sont investis dans une entreprise de déconstruction de l’excellente réputation dont ont toujours bénéficié les magistrats sénégalais dans le monde entier », a affirmé le ministre de la Justice.