NETTALI.COM- Profitant de la cérémonie de dédicace du livre du commissaire Samba Sy, “Parcours d’un commissaire divisionnaire - Entre sacralité de l’État, dévouement et blessures’’, l’ancien ministre d’État, Cheikh Tidiane Sy, en des propos rapportés par le journal Enquête, parle de sa retraite, de la police et de sa “tache noire’’, de Senghor, d’Al Amine, mais surtout de la nécessité de préserver la paix et la sécurité dans le pays.

Il a aujourd’hui 84 ans. Il vit paisiblement sa retraite aux côtés de ses enfants et ses petits-enfants, après une carrière bien remplie. Plusieurs décennies durant, l’ancien ministre d’État de Wade (ministre de la Justice et ministre de l’Intérieur), ancien protégé de Léopold Sédar Senghor, ancien proche collaborateur de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga, “frère et ami du président Abdou Diouf’’, a servi l’État au plus haut sommet. Aujourd’hui, il dit tourner complètement le dos aux mondanités de la vie.

À l’occasion de la cérémonie de dédicaces du livre de Samba Sy, organisée à l’Ecole nationale de police, le père de Thierno Ousmane Sy témoigne : “à travers son odyssée (l’odyssée du commissaire Samba Sy), il y a toute la trame des évènements sociaux, politiques qui ont marqué notre pays. C’est pourquoi j’ai tenu à être là. Parce qu’aujourd’hui, moi, je ne vais plus nulle part. Quand on a 84 ans, alors qu’on a commencé sa carrière à 28 ans, il faut rendre grâce à Allah, remercier le Tout-Puissant pour ce qui nous reste à vivre. Je prends à témoin le bon Dieu : je ne vais plus nulle part ; je ne participe plus à quoi que ce soit ; je ne convoite plus rien du tout. Mais, je ne pouvais ne pas être présent à cette rencontre importante’’.

Ancien ministre de l’Intérieur, Cheikh Tidiane Sy n’a pas manqué de partager avec l’assistance ses convictions sur les questions sécuritaires, sur la police, sur la gendarmerie nationale. Selon lui, les Sénégalais ont de quoi être fiers de leurs forces de défense et de sécurité. Et cela ne date pas d’hier. Non plus des années où il a trôné à la place Washington. “La première fois que j’ai eu à admirer leur professionnalisme, souligne-t-il, c’était en Bosnie. J’y étais en mission au même moment qu’un contingent sénégalais dirigé par le colonel de la gendarmerie Badara Niang. En tant que chargé des affaires civiles et politiques d’une mission onusienne, j’ai beaucoup travaillé avec eux à l’époque. J’ai beaucoup appris avec eux. D’abord, l’esprit d’abnégation et de sacrifice. Ensuite, la qualité des hommes appréciée de toute la mission. À chaque fois qu’il y avait un problème, on demandait de faire appel aux Sénégalais. Les secteurs qu’ils contrôlaient étaient les mieux gérés. Les plus sécurisés’’.

“Tout ce que j’ai, c’est grâce à Léopold Sédar Senghor…’’

En ces temps incertains, le très controversé ministre de l’Intérieur de l’époque appelle à la retenue, à la sérénité, à l’amour de la patrie et du Sénégal. Pour lui, quand on a la chance de voyager, de voir comment les gens vivent dans des pays en  conflit, il y a de quoi rendre grâce à Dieu, tout faire pour préserver cette stabilité qui règne au Sénégal.

“La sécurité, prêche-t-il, ce n’est pas seulement celle qui se manifeste à travers le maintien de l’ordre, de la présence physique des forces de l’ordre. La sécurité, c’est dans les cœurs. Le bien le plus précieux que Dieu a bien voulu nous donner, c’est la sécurité. Là où il n’y a pas la sécurité, personne ne peut réussir quoi que ce soit. On ne peut même pas se dévouer comme il se doit au Seigneur’’.

Dans le discours de l’ancien proche collaborateur de Mobutu, Dieu occupe une place centrale. Aux Sénégalais, il recommande vivement de prier, de beaucoup prier, pour eux-mêmes, pour leurs enfants, pour les amis, mais surtout pour le pays. “Serigne Abdoul Aziz Dabakh, rappelle-t-il, avait l’habitude de dire que si tu es dans une pirogue avec tes bagages, si tu penses pouvoir te sauver en cas de naufrage, tu te trompes lourdement. Il faut prier qu’il n’y ait pas de naufrage. Le Sénégal nous appartient à nous tous. Il faut le préserver, l’aimer, le protéger. Il faut que nous soyons des patriotes’’.

Par ailleurs, à en croire l’ancien ministre, s’il a pu devenir l’homme d’État et l’intellectuel qu’il a été, le président-poète y a joué un rôle essentiel. Il revendique haut et fort : “Tout ce que j’ai, je le dois à un seul homme, après mes parents. C’est Léopold Sédar Senghor. C’est lui qui a tout fait pour moi, quand j’étais enfant...’’ Et d’ajouter comme pour lancer un appel aux dirigeants et politiques en activité : “La plus grande faiblesse d’un homme, quelle que soit la station qu’il occupe, c’est de penser qu’il peut user de cette station pour faire du mal. Dieu nous en préserve.’’

La tache noire

Quoi que très puissant, réputé homme riche, le talibé d’Al Amine se méfie de deux choses principalement. D’abord, ses obligations vis-àvis des enfants que Dieu lui a confiés, la “richesse’’ entre ses mains. Très assagi, l’homme a tenu à prodiguer pas mal de conseils. “Parfois, lance-t-il avec un humour bien saint-louisien, je regarde la série ‘Polygame’ avec mes enfants. Oui, comme je suis à la retraite, il m’arrive de partager ces moments avec la famille. Je ne savais pas qu’un homme comme ça existe dans le monde. En tout cas, Dieu nous en préserve… Souvent, je l’entends dire qu’un parent est une pierre. L’enfant un œuf, il a donc intérêt à ne pas s’y frotter, quelles qu’en soient les raisons. Mais, quelle simplicité ! Autant l’enfant a des devoirs vis-à-vis de ses parents, autant ces derniers ont des devoirs. Il faut faire très attention dans l’éducation que l’on donne à nos enfants. Il faut se méfier de l’argent que l’on thésaurise. L’argent, il faut le partager avec les autres. Les enfants, il faut les éduquer. Car tout ça, ce sont des épreuves’’.

De l’avis de l’ancien ministre de l’Intérieur, la radiation des policiers en 1987 est ‘'une tache noire’’ dans l’histoire de notre pays. “A l’époque, témoigne-t-il, je me trouvais au Zaïre (actuel RDC). Le président Mobutu m’a dit : ‘Il y a du grabuge chez toi, Sy.’ Je lui ai demandé ce qui s’est passé ? Il m’a dit qu’il y a la police qui se révolte… J’étais le directeur de l’Enea, à l’époque. Le lendemain, je suis rentré. J’ai toujours la lettre que j’avais écrite au président Abdou Diouf, mon ami et frère. En résumé, je lui disais ceci : un État ne doit jamais se mettre à dos sa police…’’ Malheureusement, le pire a eu lieu. Et la situation de ces pères de famille l’a hanté pendant de longues années. Il a pu néanmoins contribuer à la réparation d’une partie de l’injustice, en s’investissant dans la finalisation du statut de la police.

Recommandant fortement à l’assistance de lire le livre du commissaire Sy, il est également revenu sur ses liens de parenté avec l’auteur, mais surtout leurs relations privilégiées avec le défunt khalife général des tidianes, Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine. Il rappelle avec beaucoup d’émotion : “Nous sommes tous les deux membres du même Khatra ; nous avons le même maitre. À maintes reprises, on a pris ensemble le petit-déjeuner avec lui, on a déjeuné et on a diné ensemble. Je peux même dire que nous sommes les derniers à l’avoir vu dans sa vie, dans sa chambre. Ce sont des choses qui nous marquent à vie. Et cela fait partie des raisons pour lesquelles je suis venu ici aujourd’hui, assister à cette belle cérémonie.’’