CONTRIBUTION - Les pratiques dénoncées sous Abdou Diouf ont été reconduites sous Wade, puis sous Macky Sall. Les tares communes à tous ces régimes sont le gaspillage des deniers publics et l’ignorance des priorités. Ce qui ne peut permettre le développement d’un pays.‘’L’alternance’’ à deux reprises n’a été que changement dans la continuité. Cependant, il n’est pas question de tenir ici un langage politicien pour dire que ces régimes n’ont rien fait. Il n’existe aucun gouvernement au monde qui n’a aucune réalisation à son actif.

L’époque des ‘’’rois fainéants’’ (‘’fait néant’’, ‘’ rien de fait’’) est révolue. C’est en France que les Mérovingiens ayant régné entre la seconde partie du 7ème siècle et la première moitié du 8ème siècle ont été estampillés ‘’rois fainéants’’. Au Sénégal, citons quelques exemples des réalisations les plus marquantes et utiles.

Sous Senghor et Abdou Diouf, on ne peut passer sous silence les maisons Sicap (initiées en fait par le pouvoir colonial) et Hlm. Sans ces réalisations, combien de Sénégalais auraient eu des logements et auraient accédé à la propriété à Dakar ? L’université de Saint-Louis créée par Senghor a été une réussite. Mais c’est peu sur une durée de 40 ans, et ces mesures n’ont pas concerné l’ensemble du territoire. Sans oublier que Abdou Diouf est parti avec un lourd passif : la liquidation du chemin de fer Dakar – Saint-Louis dans la mise en œuvre des plans d’ajustement structurel. Aux Etats-Unis et en Europe, le chemin de fer qu’on appelait à l’époque ‘’cheval de fer’’, a été un facteur déterminant du décollage économique. Mais la Banque mondiale (Bm) ne veut pas de chemin de fer en Afrique.

Wade que je connais depuis les années 1960 n’aurait pas accepté de supprimer le Dakar – Saint-Louis, qui aux dires de ses employés, était rentable. Wade s’est beaucoup investi dans les infrastructures routières. Il a aussi pris le relais de Senghor pour la mise en place de nouvelles universités, et aussi de nouveaux hôpitaux même si l’équipement médical n’a pas suivi. Côté social, il a mis en place le ‘’Plan Sésame’’ de consultation hospitalière gratuite pour les séniors nécessiteux. Sésame, ouvre-toi ! Mais son sésame ne s’ouvrait que lorsque le financement était disponible, ce qui n’était pas toujours le cas.

Macky Sall a fait pareil, et en plus s’est illustré de façon remarquable dans l’électrification par panneaux solaires et aussi, les bourses familiales à des familles pauvres. La bourse familiale (inspirée de Lula Da Sylva, inspiré lui-même de Khadafi), même si elle était de 5 000 francs Cfa par an est significative pour la famille pauvre qui la perçoit. A la différence d’un taux de croissance (fût-il de 10 pour cent) qui ne plane que dans le bureau d’un ministre des Finances qui n’a que le mot ‘’croissance’’ à la bouche. Des initiatives comme le Pudc, le Prodac, la Cmu …etc. sont à saluer. Mais les résultats tardent à être manifestes et répandus, au vu des doléances des populations relayées au quotidien par les radios indépendantes. Ce qui tranche avec les discours officiels de satisfécit.

Le phénomène baron Hausmann – éléphants blancs commence avec Wade qui lui n’a rien d’un roi fainéant : il est plutôt du type hyperactif, mais s’activant pour l’essentiel dans l’inessentiel.

Le pachyderme éléphant blanc est un cadeau que se font entre eux les dignitaires en Inde ; mais un cadeau encombrant, car l’éléphant blanc est une espèce rare sacralisée qu’on entretient sans le faire travailler. Comme tout éléphant, en moyenne sa ration alimentaire quotidienne est de 200 à 400 kg de végétaux, 100 à 200 litres d’eau, sans rien à l’arrivée. Il existe des éléphants blancs dans la région de Dakar, mais ils ne sont pas au jardin zoologique de Hann.

Les économistes donnent le nom d’éléphants blancs aux méga- réalisations qui sont faites par certains gouvernements. Les réalisations-infrastructures de Wade et de Macky ne sont pour l’essentiel que des éléphants blancs qui font de grosses ponctions sur le budget et aggravent l’endettement alors que les priorités sont ailleurs.

Wade et Macky ont cherché tous deux à jouer au baron Haussmann. Georges Haussmann, dans la seconde moitié du 19ème siècle fait entreprendre de grands travaux dans Paris qui pour lui a encore l’allure d‘une ville du Moyen-Äge : construction de grands boulevards, d’égouts, de grands jardins publics …etc. Seulement, Hausmann était préfet de Paris, et non chef d’Etat. En plus, il a fait œuvre utile : ses travaux ont permis une circulation automobile plus fluide dans le centre de Paris. L’assainissement a été remarquable : on ne trouve pas une flaque d’eau dans les rues après les fortes pluies. Pour ne rien dire des grands jardins publics, véritables ballons d’oxygène de la capitale française. A la différence de la capitale sénégalaise sans espaces verts, avec ses records actuels de pollution, pendant que la municipalité s’active à paver les trottoirs.

Les présidents sénégalais qui ont cherché à jouer au baron Hausman ont concentré l’essentiel de leurs efforts sur Dakar, avec des réalisations n’ayant rien à voir avec l’amélioration du niveau de vie des résidents de cette région. Chacun a tenu à tisser sa toile, à marquer son territoire, pour laisser à la postérité une marque par laquelle on pourra se le rappeler.

Des sommes énormes ont été englouties dans des non-priorités, voire des fantaisies, dans une sorte de rivalité. Senghor a eu son Festival mondial des arts nègres en 1966. Wade devait avoir son Fesman qui n’a pas eu le même succès en dépit de son coût exorbitant. Senghor a eu son Théâtre Daniel Sorano en 1965. Wade devait avoir son Grand théâtre, alors que Sorano rénové, est resté intact et sous-utilisé. Senghor a eu son Musée dynamique (transformé en Cour Suprême sous Abdou Diouf). Wade devait avoir son monumental et coûteux Monument de la Renaissance (15 milliards selon Le Canard Enchaîné). S’y ajoute le Tunnel de Soumbedioune dont personne ne peut attester de l’utilité. Tout cela pendant que le pays compte des milliers d’abris provisoires tenant lieu d’écoles primaires.

Arrive Macky qui tient à dépasser celui qui, quoiqu’on dise, reste son mentor : Cité de l’Alternance ; Bâtiment de Conférences à Diamniadio alors que les salles de conférence du King Fad des Almadies sont disponibles ; Arène de Lutte ; nouveau Stadium de basket ; projet de Nouveau palais présidentiel, de nouveau Stade de football de 50 000 places …

Macky arrivé au pouvoir dispose d’un produit prêt à l’emploi et gratuit pour lancer le développement : les recommandations de la Commission ‘’Economie et Finances’’ des Assises nationales élaborées par des économistes et techniciens sénégalais compétents et patriotes. Mais il lui faut son Plan Sénégal émergent conçu ailleurs et non gratuit.

On pourrait citer d’autres exemples. Comme les cartes d’électeur et les cartes d’identité qui d’abord sous Wade, puis sous Macky passent du carton léger au numérisé avec des coûts astronomiques. Dans la France développée d’où nous viennent nos institutions, la carte d’identité est maintenant en numérisé, mais la carte d’électeur est toujours en carton léger envoyée par la poste.

Le Ter (Train express régional) défie toute rationalité par son coût et sa pertinence technique. Comment dépenser une telle somme d’argent pour une distance d’à peine une cinquantaine de kilomètres ? Pourquoi faire appel au constructeur français Alstom, alors que le gouvernement français en 2008 pour rénover son réseau parisien de trains de banlieue s’adresse non à Alstom mais au constructeur canadien Bombardier ? L’expertise du groupe Alstom se trouve dans la construction de Tgv (Train grande vitesse), alors que Bombardier est plus spécialisé dans la construction de trains de banlieue. Or le Ter n’est qu’un train de banlieue. Y a-t-il eu appel international d’offre ?

Quel Sénégalais aurait désapprouvé la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Saint Louis (qui ne figure pas dans le Pse) avec prolongement jusqu’à Matam, le prolongement du chemin de fer de Tambacounda à Ziguinchor via Vélingara, Kolda, et Tanaf ? Et pourquoi pas, une voie ferrée Tamba-Bakel-Ourossogui, et une autre Tamba-Kédougou ? Il est économiquement plus rationnel de commencer le désenclavement total du pays par voies ferrées que par autoroutes.

Comment peut-on envisager de construire de grands édifices sportifs dans un pays où l’on ne fabrique pas de ballons et de chaussures de football et de basket ? Les stades existants ne demandent qu’à être rénovés, à l’exemple de ce qui s’est fait ailleurs. A Paris, l’actuel Parc des Princes construit à la fin du 19ème siècle est rénové une première fois au début des années 1930, puis une seconde fois en 1970. Le Stade de France n’a été construit que pour l’organisation de la coupe du monde de 1998, et il est question de le vendre.

Seulement, une rénovation bien que beaucoup moins coûteuse a l’ingratitude d’être moins visible, de moins faire dans le tonitruant, et de ne pas perpétuer le nom de son initiateur. A la différence d’un nouvel édifice construit à grands frais et inauguré en grande pompe, avec tambours et trompettes..

Personnellement, j’ai toujours été dubitatif sur l’opportunité de l’aéroport Aibd de Diass. Des techniciens de l’Asecna m’ont conforté dans cette position. En vertu de quelle rationalité économique, un pays qui n’abrite pas une unité de fabrication de casquettes de pilote d’avion doit-il avoir un aéroport au diapason des aéroports des grands pays qui fabriquent des avions ? L’aéroport de Yoff dans les années 1950 était une sorte de hangar. C’est au terme de travaux d’amélioration qu’il est devenu un aéroport moderne, opérationnel avec des pistes intactes. Il n’était pas encombré, et pouvait être redimensionné, avec arrivées au rez-de-chaussée et départs à l’étage, comme dans les grands aéroports. Jusqu’en 1974, la ville de Paris a été desservie par deux aéroports de dimension moyenne, Orly au sud redimentionné, et Le Bourget au nord qui sont toujours opérationnels. L’aéroport d’Abidjan aussi a été redimensionné. L’aéroport de Diass est le résultat d’une de ces lubies de Wade. Un successeur de Wade ne pouvait que continuer des travaux qui avaient commencé.

Les éléphants blancs ne se situent pas uniquement au niveau des infrastructures. L’économie sénégalaise plie aussi sous le poids d’éléphants blancs institutionnels. Depuis 2017 un gouvernement mammouth (le mammouth est une espèce d’éléphant géant disparue) de 83 ministres : 40 ministres avec portefeuille, 43 ministres sans portefeuille. En visite officielle à Dakar, lors de leur réception à l’aéroport, les présidents Erdogan et Macron ont diplomatiquement, sur ton d’ironie, fait état de leur surprise et aussi de leur exténuation à serrer autant de mains ministérielles.

S’y ajoutent les ambassadeurs itinérants, les conseillers spéciaux, les conseillers techniques, les chargés de mission…  Des structures comme le Conseil économique et social (ajouter ‘’environnemental’’ pour faire comme Sarkozy), le Haut Conseil des collectivités territoriales qui sont aussi inutiles que coûteuses.

Du temps de Senghor, la moyenne du nombre de ministres tournait autour de 16, et il n’existait pas de ministres-conseillers. L’espèce ‘’ministre conseiller’’ fait son apparition sous Abdou Diouf et se développe de façon tentaculaire sous Wade et Macky. Comment se situent-ils par rapport aux conseillers du Cse et aux conseillers non ministres ? Toute cette kyrielle de conseillers, pour conseiller quoi au juste ? Les partisans de l’inflation ministérielle soutiennent que le nombre de ministres n’a aucune incidence budgétaire. Le Sénégal serait alors le seul pays au monde dans ce cas. Pourquoi dans les pays bien gérés veille-t-on à ce que le nombre de ministres tourne autour de 15, comme aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne ?

Un ministre a un coût. En France, le député René Dosière, auteur de L’argent de l’Etat (2011) révèle qu’un ministre français peut coûter 17 millions d’euros par an. Interpellé sur ce sujet en 2013, le président François Hollande dont le gouvernement comprend 38 ministres déclare : Ce sont des dépenses inutiles que la France fait par rapport à l’Allemagne. Cela justifie de s’y attaquer au plus tôt, car qui peut dire que la France est mieux gouvernée que l’Allemagne qui a moitié moins de ministres ?

Manifestement ceux qui parlent de Plan Sénégal émergent – ont-ils tous lu le document ? - ne se sont pas donné la peine d’étudier l’expérience de la Corée du Sud considérée comme modèle réussi d’émergence en peu de temps. Sinon, ils auraient vu que ce qui a été fait dans ce pays est aux antipodes de ce qui se fait au Sénégal dans le cadre du Pse. Actuellement, le Sénégal inondé de produits manufacturés coréens (ordinateurs, smartphones, réfrigérateurs Samsung et Lg, voitures Hunday et Kia), continue à n’exporter que des produits primaires comme l’arachide en coques comme du temps de la coloniale. Mais cette fois vers la Chine qui est pourtant le plus gros producteur mondial d’arachide. Ce qui est un recul, car dans les années 1970, interdiction avait été faite d’exporter l’arachide en coques (à l’exception de l’arachide de bouche), pour la transformer sur place avec la Sonacos, entreprise publique. Par bonheur, l’huile d’arachide, de bien meilleure qualité nutritive que ces huiles végétales importées tous azimuts, est depuis quelque temps produite par la Sonacos ressuscitée, qui avait été bradée par Wade au nom d’on ne sait quel libéralisme.

En Côte d’ivoire, depuis 2014 un opérateur économique national a commencé à fabriquer et avec succès du chocolat (en poudre, tablettes, pâte à tartiner) en transformant une partie de la production de cacao qui était entièrement exportée. Ceci dans le cadre du Plan émergent du pays pour horizon 2020.

Un conseil que donnent le Fmi et la Bm se présente ainsi : il faut exporter les produits primaires au lieu d’essayer de les transformer sur place à des coûts moins compétitifs. Ce qui présente le double avantage de rembourser la dette, et d’avoir un taux de croissance élevé grâce aux recettes d’exportation ainsi obtenues. Ce taux de croissance qui fait polémique entre le pouvoir et l’opposition autour de son niveau n’est sous nos cieux, ni signe précurseur de développement dans le moyen ou long terme, ni constat de progrès social.

Macky Sall a déclaré récemment (interview à ‘’Voix de l’Allemagne’’ 31/10/2018) que sa priorité ce sont les infrastructures. Et ces abris provisoires qui semblent perdurer, cela ne relève pas de l’infrastructure ? Et ces femmes du monde rural qui meurent en accouchant dans des charrettes faute de maternités de proximité et d’ambulances, alors que des centaines de voitures, et de luxe, sont distribuées aux députés, aux maires, aux membres de ces institutions inutiles ? On n’a jamais entendu un député, un maire, de la majorité ou de l’opposition, proposer qu’en lieu de leurs voitures, des ambulances soient données aux populations rurales.

L’argent dépensé sur les éléphants blancs n’aurait-il pas pu être affecté au relèvement du plateau technique des hôpitaux existants pour mieux soigner les Sénégalais, et à la construction d’un grand hôpital de tourisme médical  comme en Tunisie ? Le personnel médical compétent est sur place. Les avantages auraient été multiples : apport de devises ; création d’emplois pour les centaines de médecins, infirmiers, infirmières et sages-femmes en chômage ; meilleurs soins à tous les Sénégalais sur place pour mettre fin aux évacuations réservées à quelques privilégiés. Wade avait déclaré une fois dans un discours à la Faculté de Médecine de Dakar que les évacuations lui coûtaient au budget la bagatelle de 100 millions de francs Cfa par mois. Comment envoyer des Sénégalais se faire soigner au Maroc alors que bon nombre de médecins marocains ont été formés ici ?

Par ailleurs, la mise en place d’infrastructures ne doit pas faire perdre de vue que le premier facteur de décollage économique est l’industrie lourde polarisée autour du fer et de l’acier, et qui est à la base du développement de l’agriculture en amont et en aval. Tous les pays actuellement développés en sont passés par là. Le Sénégal dispose de fer de mine et de ferraille (encore achetée par des Chinois et des Indiens) pour la sidérurgie qui est l’épine dorsale de tout développement économique. L’acier ne figure nulle part dans le Pse, et la sidérurgie qui transforme le fer en acier n’y est mentionnée qu’une fois, en parenthèse.

Pourtant il existe depuis 2012 à Sébikotane une entreprise chinoise de métallurgie, la Someta qui fabrique du fer à béton. Mais sa faible capacité de production ne lui permet pas d’absorber tout le fer disponible. Pourquoi l’Etat ne prendrait-t-il pas part dans le capital de cette société pour augmenter ses investissements ? Dans les pays nouvellement industrialisés (Corée Sud, Hong Kong, Taiwan, Singapour) l’Etat a été le premier agent économique pour le décollage industriel. Des rapports qui en font état sont de la Bm qui pourtant donne aux pays africains ce conseil : ‘’moins d’Etat, mieux d’Etat’’.

Le 26 octobre 2018, le gouvernement décide de lever une taxe parafiscale de 2.5 pour cent sur les industriels n’ayant pas auparavant signé avec lui une convention d’exonération de taxes indirectes. Ceci pour financer l’éclairage public dans les collectivités territoriales qui doivent à la Senelec une ardoise de 36 milliards. Ce n’est sûrement pas la mesure appropriée pour le développement industriel. Et si on affectait chaque année aux collectivités territoriales les budgets du Hcct, et du Cese (près de 15 milliards prévus pour 2019) pour augmenter les investissements dans l’énergie solaire ? Le soleil qui éclaire les rues le jour peut aussi les éclairer la nuit. Un pays peu ensoleillé comme l’Allemagne détient le record mondial de production d’énergie solaire (22 gigawatts) ?

Un président sénégalais devrait en parlant de réalisations s’intéresser à l’Indice de développement humain (Idh) élaboré par le Pnud à partir du revenu par tête, des indicateurs d’éducation et de santé qui sont les déterminants du capital humain. Et sur ce plan, le Sénégal est loin d’être performant. L’Idh du Sénégal a ainsi évolué : 0.37 en 1990 ; 0.38 en 2000 ; 0.48 en 2012 ; 0.51 en 2017. La moyenne pour l’Afrique au sud du Sahara est de 0,53 en 2017. Si bien que le Sénégal occupe le rang 31 sur 61, derrière le Cap Vert 11ème et la Mauritanie 24ème. L’Idh le plus élevé (Norvège) est de 0,89.

Selon le Cres, en 2017, la moitié de la population vit dans la pauvreté. Le Document stratégique de lutte contre la pauvreté concocté en 2001 par le Fmi et la Bm a fait plouf. Les deux ‘’frère et sœur’’ siamois de Washington ont joué aux sapeurs-pompiers alors qu’ils ont été les pyromanes avec leurs désastreux programmes d’ajustement qui ont accentué la pauvreté.

Le problème de fond est que les réalisations de nos gouvernements sont ou bien inutiles, ou bien peu par rapport à ce qu’ils devaient faire et pouvaient faire pour développer le pays. Le Sénégal est gouverné de façon narcissique : le président qui arrive s’évertue à mettre en avant sa propre personne au détriment de l’impératif de développement. L’émulation entre présidents qui se suivent ne peut être saine que si elle porte sur des priorités. Leur démarche d’émulation n’épargne pas les nombreux, coûteux et souvent inutiles voyages. Pour ne rien dire du gaddaay’ (émigration), mais  pas en pirogue,  de nos trois premiers présidents vers la France, au terme de leur mandat. Ces émigrés de luxe auraient-ils donné des idées à ces jeunes désoeuvrés   qui tentent l’aventure du Barça, mais eux en pirogues ?

En 2010 je suggérais dans un article que nos dirigeants aillent suivre un stage de bonne gouvernance et de démocratie auprès de nos voisins de la République du Cap Vert. La suggestion tient toujours.

Les étudiants en Sciences économiques dès leur première année de formation apprennent que leur discipline étudie la manière de gérer des ressources rares face à des besoins nombreux. Depuis 1960, l’économie sénégalaise est truffée de ‘’faux frais’’ (le terme est de Marx), c’est –à-dire des gaspillages qui plombent son décollage. La bonne gestion d’une entreprise ou d’un pays n’est rien d’autre que l’évitement du gaspillage. C’est le gaspillage des ressources publiques qui génère ce permanent besoin de  financement qui ouvre la porte grand ouverte à l’endettement extérieur avec ses conditionnalités qui ne vont pas dans le sens du développement. Les principes les plus élémentaires du calcul économique coût-avantage font défaut dans la gestion de l’économie sénégalaise.

S’y ajoute que l’histoire économique ne nous donne l’exemple d’aucun pays qui s’est développé sous domination étrangère. Comme le sont le Sénégal et d’autres pays africains, particulièrement à l’égard de la France qui, gouvernement de droite ou de gauche, près de 60 ans après les ‘’indépendances’’, persiste à s’accrocher à sa proie coloniale.

 

Par Makhtar Diouf , économiste