NETTALI.COM - Difficile de savoir où va nous mener ce dossier Adji Sarr-Ousmane Sonko, tant les tensions sont exacerbées. Une affaire qui trouble les esprits et crée une situation de tensions bien palpables au cœur de la République ainsi qu'une division du pays sans précédent. Le tout sur fond de polémiques, d’attaques, de contre-attaques. Comme au football. Seulement dans cette affaire, c’est la justice et sa bonne administration qui sont censées assurer la sécurité des honnêtes citoyens et des affaires, qui est au cœur de bon nombre d’interrogations. A tel point qu’on ne peut pas ne pas se demander où nous allons avec ces polémiques incessantes. 

Il y a d’abord cette interview exclusive d’Adji Sarr accordée au journal français «Le Monde» qui a fait l’objet de tous les commentaires et de toutes les supputations sur une supposée ingérence de la France dans ce dossier. Dans la même foulée, la présumée victime qui se plaint de ne plus être épanouie, à force de manque de liberté dans ses mouvements et d’épanouissement surtout, étant sous protection policière. Elle a même manifesté son vœu d’aller s’établir à l’étranger. Mais avant, il faudra vider cette affaire.

Il y a eu ensuite cette sortie d’Ousmane Sonko vendredi 11 mars sur Walf bien virulente qui a dû secouer la république, puisqu’on a eu droit à un communiqué du ministère des Affaires étrangères, alors qu’Ousmane Sonko brandissait son passeport diplomatique, comme pour narguer le pouvoir quant à son contrôle judiciaire. Les services d’Aïssata Tall Sall nous apprendront que « le ministère, ne peut, en l'absence d'une décision de justice, refuser la délivrance d'un passeport à un ayant droit». Ils préciseront au passage que « la détention d'un passeport diplomatique n'enfreint en rien l'application du contrôle judiciaire qui emporte une interdiction de sortie de territoire par le juge, sous le contrôle de la Police de l'Air et des Frontières.» Sauf que dans l’histoire, c’est le passeport ordinaire d’Ousmane Sonko qui est détenu par la justice.

Puis ce fut au tour des avocats du leader du Pastef de publier un communiqué, dans lequel, ils ont fustigé «une démarche malheureuse du ministère des Affaires étrangères». Mes Bamba Cissé, Ciré Clédor Ly, Abdoulaye Tall, Khoureyssi Bâ et compagnie ont ainsi rappelé «l'impérieuse nécessité du respect du principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs». Selon eux, le ministère des Affaires étrangères ne peut pas s'arroger la possibilité de décider, à la place des organes de poursuite et d'instruction, des conséquences de la mesure de contrôle judiciaire.

Même l’Union des magistrats du Sénégal, ce syndicat qui défend les intérêts matériels et moraux des magistrats, dirigé par Ousmane Chimère Diouf, ne restera pas silencieux. Mais, ce qui a surtout dû motiver sa sortie, on l’a noté, ce sont sans doute tous ces magistrats, parties prenantes dans ce dossier qui en ont pris pour leur grade.

C'est en effet un Ousmane Sonko très porté vers l'offensive qu'on a vu vendredi 11 mars se défouler sur Walf TV. Un grand oral qui ressemble fort à ces interviews d'après discours de fin d'année du président Sall. Sur une stature présidentielle, au regard de l’organisation du débat, il a, tel un poisson dans l’eau, navigué entre les questions des journalistes. Une sortie que l’on peut décrire aussi, pour emprunter le jargon footballistique, comme un marquage à la culotte de Macky Sall. Mais à la vérité, il convient de se rendre compte que le terrible opposant n’est pas prêt de lui laisser du terrain, lui qui s'accroche à ses célébrations et inaugurations, tel un enfant qui ne veut plus abandonner ses jouets.

Mais, c’est plus un Ousmane Sonko qui ne veut pas se faire conduire à l'échafaud sans broncher qui a réagi. Il semble avoir fait du rapport de forces et de l'équilibre de la terreur, son arme face à un pouvoir bien échaudé par les évènements de mars. Son discours est volontairement guerrier. Il use et abuse de dérisions, tournant Macky Sall en ridicule. Comme lorsqu’il dit que l’avion de Macky Sall était prêt pour Abidjan, sa destination choisie lors des évènements de mars. Comme également lorsqu’il parle de  « Macky Sall sous son lit ». De quoi le titiller un peu ce dernier. Sonko ne s’en limite pas là. Il affirme tout de go qu’il l’a sauvé. Allusion faite à la furie des jeunes sortis dans les rues, saccageant, pillant tout sur leur passage et qu’il a stoppés.

Complot réel ou supposé ? Sonko a cité « ses comploteurs » sans broncher : Macky Sall, Serigne Bassirou Guèye, l’ancien procureur de la république qu’il accuse et considère comme le « responsable à 80% de la crise de confiance dont est victime la justice » et qui « en a profité pour ordonner un mandat de dépôt. » qu’il a lui-même (Sonko) refusé. Il n’épargne pas Antoine Diome, le ministre de l’Intérieur et son épouse ; le Doyen des juges, Mamour Diallo aussi. Celui sur qui, il s’arrête, c’est le général Moussa Fall. Il n'hésite d’ailleurs pas à l’accabler. «Dans le complot, il y a le général Moussa Fall (…) Le général Moussa en personne est au centre du complot. Ou bien sa main a trempé dedans. Je n’ai pas peur de ce que je dis. Si je ne crains pas Macky Sall, je ne vois pas pourquoi je craindrai une autre personne. C’est pourquoi, ils se sont précipités pour remplacer le général Tine par Moussa Fall. Ils ont acheté des armes pour lui demander de se battre si jamais la situation dégénère», déclare-t-il

Un discours en somme bien musclé et des mots choisis pour montrer qu’il ne se laissera pas faire. Ousmane Sonko semble décidément faire feu de tout bois. Il n’épargne personne. Même pas feu le juge Samba Sall qu’il qualifie de : « juge faible, malléable et à la merci » de tous ceux qu’il vient de citer.

Le leader de Pastef n’exclut pas d’aller au procès, mais décrète qu'il ne peut y avoir que deux issues possibles dans ce dossier : le classement sans suite ou le non-lieu. Ignore-t-il qu’un classement sans suite n’est plus possible car cela ne peut être décidé que par le Procureur. Le dossier étant confié à un juge d’instruction, il n’y a que deux issues possibles : le non-lieu ou le renvoi en jugement.

Même le nouveau juge d’instruction en prend pour son grade « Macky est resté 8 mois sans nommer un juge. Puis le juge nommé depuis 4 mois, n’ose pas me convoquer pour m’entendre. Et au même moment, les autres parlent dans la presse. Ce juge, Oumar Maham Diallo, est disqualifié du fait qu’il a partagé sur sa page Facebook un article à charge contre ma per­sonne. Et le jour qu’il a été nommé, il en a profité pour le supprimer. Mais les jeunes avaient déjà cap­turé le texte. Donc, il ne peut plus être un juge neutre…», a sou­tient le leader de l’opposition.

Ce dernier de se lancer dans un discours volontairement flou. Il n’hésite pas à invoquer l’arbitrage de Dieu dans cette affaire. Mais l’on se rend bien compte qu’il cherche à créer un impact psychologique chez ceux qui sont en charge de ce dossier : « je suis en train de faire une émission télé, je suis maire de Ziguinchor, je vais partout où je veux au Sénégal. Tous ceux qui ont fait partie de complot sont dans des difficultés. Il y en a qui étaient à l’Assemblée qui s’agitaient et s’empressaient de voter, aujourd’hui, ils sont décédés. Je ne dis pas que c’est de mon fait. Seul Dieu peut mettre fin à une vie. Il y’en a qui s’agitaient, ils sont aujourd’hui en prison. Je suis en paix. Voyager n’est pas une nécessité. Chaque jour, je communique avec la diaspora. Ceux qui complotaient ont tous perdu leurs élections et moi je gagne pendant ce temps». Bref, ils sont avertis.

Réaction de l'Union des Magistrats  

Une sortie que n’a pas beaucoup gouttée l’UMS. C’est ainsi à l’occasion d’une conférence de presse tenue au palais de Justice de Dakar, lundi 14 mars, que son président, Ousmane Chimère Diouf a tenu à apporter des précisions sur le traitement des dossiers.

Nouvelle présidence, nouveau style. Sans citer nommément le nouveau maire de Ziguinchor, le président de l’UMS a rappelé que « l'histoire politique du Sénégal, mouvementée s'est toujours déroulée dans le respect dû aux institutions et aux hommes et femmes qui les animent. » Celui-ci a ainsi rappelé que la recherche de populisme n'est pas l'office du juge. D’après lui, il leur appartient, en tant que juge, de faire abstraction de tout commentaire extérieur, de la vox populi, dans leur prise de décision. Il a, dans la même veine, précisé que « contrairement à une idée répandue de mauvaise foi, que les magistrats ne peuvent servir de bras armé utilisé pour la liquidation d’adversaires politiques ».

Le juge Ousmane Chimère Diouf est aussi revenu sur le traitement des dossiers déposés sur leur table. « Il appartient à tout citoyen poursuivi de se défendre librement et de ne pas croire cependant que la politique est une cause d’irresponsabilité pénale. Un magistrat, c'est son dossier et rien d'autre, et le procès pénal a ses principes de fonctionnement que sont : la poursuite, l'instruction et le jugement, trois juridictions indépendantes de la chaîne pénale jouissant d'une autonomie de décision. Et comme dans tout procès, la présumée victime dénoncera des faits, le ministère public requerra à charge ou à décharge, le juge d'instruction instruira à charge ou à décharge, le tribunal prononcera une culpabilité ou une relaxe, et la défense se défendra à toutes les étapes de la procédure », explique-t-il.

Par ailleurs, même si le magistrat admet que la justice est le secteur le plus critiqué dans le monde, de par la nature des décisions qu'elle rend, cela doit cependant se faire dans le strict respect des principes républicains. « Il ne peut être permis à un justiciable, quel que soit son rang, de se hisser au-dessus des lois, en s'arrogeant le droit de vouer aux gémonies le respect dû à la justice », soutient-il.

Par la voix du président de l’UMS, les magistrats rappellent ainsi qu’ils ne rendent pas leurs décisions pour faire plaisir à qui que ce soit. A cet effet, leur seule préoccupation reste le respect de la loi. « Oui, notre mission consiste à aller chercher la vérité sur la base des éléments versés dans les dossiers. A ce titre, il est bon de le rappeler, nous sommes disposés à recevoir toute demande tendant à la manifestation de la vérité. Je dis bien demande… ».

Bref des généralités qui ne font en réalité que s’appesantir sur les grands principes du droit pénal. Lorsqu’une organisation comme l’Ums décide de sortir pour communiquer, l’on attend en effet mieux d’elle que de rester sur des généralités que tout étudiant de première année de faculté  de droit connait. On s’attend à des positions fermes et non à une communication sélective qui laisse penser que la tête pensante de l’Ums est inféodée aux tenants du pouvoir.

Un style du nouveau président de l’Ums qui tranche toutefois avec celui de Souleymane Téliko, son collègue qu’il a remplacé et qui n’hésitait à pointer du doigt les questions d’indépendance de la magistrature. Tout comme l’ancien procureur spécial de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (Crei) Alioune Ndao aujourd’hui à la retraite. Celui-ci était d’ailleurs sorti de sa réserve pour commenter les décisions prises lors de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature, le lundi 22 novembre 2021.  « Le principe d’indépendance de la Justice est consacré par la constitution. Mais, ce ne sont que des écrits. Dans les réalités, la justice sénégalaise n’est pas indépendante. Oui. Il y a certes des magistrats qui veulent faire preuve d’indépendance dans leur travail, mais la justice elle-même, le système lui-même, n’est pas indépendant », avait dénoncé le procureur sur les ondes de la Rfm.

Lors d’une première sortie au mois de décembre, après son élection, au mois d’Août 2021, Ousmane Chimère Diouf avait d’ailleurs tenté de relativiser les doutes sur l’indépendance de la justice, relevant ainsi que ceux qui critiquent se fondent sur quelques décisions ou procédures intéressant des hommes politiques ou sur une ingérence de l'Exécutif dans le traitement de certaines affaires pour les fonder.

Diouf reste en effet convaincu que cette notion d'indépendance est différemment appréciée selon la fonction exercée par le magistrat. Selon qu’il est magistrat du parquet ou magistrat du siège. Il avait ainsi indiqué que la conception selon laquelle la composition actuelle du Conseil supérieur de la magistrature, ne permet pas aux magistrats de jouir pleinement de leur indépendance, du fait de la présence du chef de l’État et du garde des Sceaux, est une conception réductrice. Pour lui, la réforme dont a besoin le Conseil supérieur de la magistrature et qui ressort de l’avis de l’écrasante majorité de ses collègues, consiste à définir des critères objectifs de nomination basés sur l’ancienneté, la compétence, la performance en juridiction et l’exclusion de toute affectation-sanction, à la suite d’une décision rendue par un magistrat, en son âme et conscience. Encore des principes, différents de la réalité des faits décrits par d’autres magistrats.

Mieux, là où tous les praticiens du droit et l’ancienne équipe de l’Ums réclament la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, il déclare que  «le manque d’indépendance ne peut pas être lié uniquement à la présence du chef de l’État et du garde des Sceaux, d’autant que le conseil est majoritairement composé de magistrats qui doivent pleinement jouer leur rôle ».

Difficile en effet de savoir pourquoi le judiciaire aurait besoin d’une supervision de l’exécutif qui est pouvoir au même titre que lui ? L’hérésie même de ce système réside dans le fait qu’en continuant à siéger dans ce conseil, les deux membres de l’exécutif non seulement, nomment les magistrats, mais ils pourvoient par la même occasion, à leurs moyens de fonctionner en exécutant les budgets de la justice. Où se trouve dès lors la marge de manœuvre des magistrats, si en plus les magistrats du parquet reçoivent des instructions écrites, même s’ils peuvent garder leur liberté à l’audience. L’expérience avec le procureur spécial Alioune Ndao remplacé en pleine audience à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) de manière aussi inélégante que brusque, parce qu’il n’a pas voulu agir dans le sens voulu par l’exécutif, est suffisamment édifiante.

Et Mimi Touré s’en mêla...

Et Mimi Touré, ancienne Première ministre et premier ministre de la Justice sous l’ère Macky Sall s’en est mêlée, lors d’une conférence de presse de Benno Book Yaakaar, mardi 15 mars. Parlant d’Ousmane Sonko, elle dira : « Nous l’avons entendu hier défier les institutions de la République. A cette table et derrière mois, il n’y a que d’anciens opposants qui ont passé de longues années dans l’opposition. Donc les déclarations de va-t-en guerre ne nous impressionnent pas. L’Etat du Sénégal qui va bientôt fêter ses 62 ans et ses composantes dont la justice et sa gendarmerie nationale, verbalement agressées dernièrement, ne laisseront personne les impressionner. Ces composantes de l’Etat ne font pas partie du jeu politique. Ce ne sont pas des acteurs politiques. Qu’on les laisse en dehors du jeu politique ! », a dit l’ancienne PM. Avant de poursuivre : « Les Sénégalaises et les Sénégalais ne se laisseront pas abusés non plus parce que tout ceci n’est que stratégie électoraliste d’une certaine opposition qui tente de renverser la tendance positive ascendante, suite à la joie collective des Sénégalais lors de la victoire de notre pays à la Coupe d’Afrique ».

Se faisant plus menaçante, elle avertit : « Nous n’avons rien à voir avec une affaire qui est strictement privée. Il faut pas prendre les Sénégalais pour moins intelligents qu’ils ne sont.  Les gens se lèvent, prennent leurs rendez-vous dans les salons et y vont librement ». « Que la justice vraiment tranche ce dossier qui est d’ordre strictement privé ! », exhorte l’ex-Pm, qui ajoute : «  Nous exerçons le pouvoir donc nous avons une obligation de responsabilité pour la préservation de la sérénité de nos citoyens.  Nous n’avons absolument rien perdu de notre combativité. Nous comptons occuper tous les terrains y compris le terrain médiatique et toute action entrainera une réaction immédiate. Nous appelons nos militants et responsables politiques à mettre le turbo avec le pied sur la pédale en accélérant ». Toutefois, elle souligne que Benno va  privilégier le dialogue tout en restant « ferme devant toute provocation ».

Et Ousmane Sonko chargea Chimère Diouf

Difficile de penser qu'Ousmane Sonko allait rester sans broncher aux propos du président de l’Ums. Il doit avoir mangé du lion ces derniers temps. Dans une longue lettre, il a ainsi tenu à rappeler certaines vérités aux magistrats et au président de l’UMS.  Il lui a en effet fait comprendre qu’il a une indignation sélective car ne se prononçant sur les dossiers judiciaires, que quand ça l’arrange ou sert sa cause. On peut aimer Ousmane Sonko ou le détester, mais sa longue lettre est très factuelle et liste des faits irréfutables pour confondre le président de l’Ums :

«Monsieur le président de l’UMS, le manque de sincérité qui ressort de vos propos, trahit d’emblée votre parti-pris flagrant et la frilosité qui caractérise désormais votre organisation "syndicale". En guise d’illustration, en juriste de formation dont vous dites qu’il "ignore le fonctionnement de la justice", je ne vous opposerai que des faits, rien que des faits :

- Parlant de moi, vous dites : "Certaines personnes ne comprennent pas le fonctionnement de la justice.

Nous ne sommes pas là pour polémiquer avec qui que ce soit mais, pour clarifier certains points. Avant de critiquer la justice, il faut connaitre comment elle fonctionne. Il ne faut pas se focaliser sur ses propres intérêts pour critiquer l’institution, sans connaitre ses règles de fonctionnement. On fait croire que la justice est là pour servir. Il faut que les gens acceptent de perdre et de gagner en toute bonne foi et en toute logique."

Plus tard, dans le texte liminaire et dans les réponses aux questions des journalistes, vous m’indexez nommément en affirmant que mon statut politique ne me mettait pas au-dessus de la loi et que j’aurai attaqué l’institution judiciaire et des collègues à vous.

Et sur la sortie de la partie civile dans les médias étrangers, vous dites : "Je sais qu'il y a une sortie, mais honnêtement je n'ai pas lu ce qu'elle a dit. A vrai dire ce qui nous amène à cette situation ce sont les sorties dans la presse des deux camps. Chacun des deux camps plaidant avoir raison alors que celui qui détient le dossier ne s'est pas prononcé."

A ce niveau donc, Monsieur le Président de l’UMS, vous avez eu le temps d’écouter religieusement ma seule et unique sortie depuis un an sur l’affaire, mais refusé de vous donner la peine d’en faire autant pour les innombrables sorties de la partie adverse ; n’est-ce pas déjà un signe d’"impartialité" ? Votre tentative de renvoyer les deux parties dos à dos est subtile et regrettable.

Permettez-moi, monsieur le "syndicaliste" de vous rafraichir la mémoire. Permettez-moi de vous lister toutes les sorties de la partie civile et de son conseil depuis un an maintenant que je suis placé sous contrôle judiciaire et empêché de sortir du territoire national », écrit le leader de Pastef avant de citer les 2 sorties de la partie civile, relevant au passage que l’avocat de la plaignante a fait au moins 11 sorties.

« Durant tout ce temps, aucune sortie, ni de moi, ni de mes conseils, aucune réaction de l’UMS. », ajoute-t-il.

Alioune Tine plaide pour une justice impartiale et une posture républicaine

Interrogé au cours de la matinale de la TFM du lundi 14 mars Alioune Tine d’Africa Jom center pense que : « pour un état de droit et une démocratie, il faut les pouvoirs soient équilibrés. Si le pouvoir exécutif a plus de force, ça pose problème. On vit cela tous les jours et repenser cela… ». Le militant des droits de l’homme a sa lecture de la situation :  « que cela soit du côté de l’Etat, les hommes politiques, Ousmane Sonko, ce dernier doit se considérer comme un homme d’état. Il doit contribuer à renforcer les institutions. La justice fait partie de la défaillance de notre démocratie. On le voit et l’a vécu au mois de mars. Juger Sonko est une affaire difficile. Il semble qu’on n’a pas tiré les leçons de cela. Il y a une défaillance, une tension et une  polarisation entre l’Etat et Sonko, et on doit savoir pourquoi ; il y a une tension et une polarisation au niveau du traitement de l’information avec les journalistes, il faut qu’on voit aussi pourquoi ; il y en également au niveau des mouvements féministes et les organisations de droits de l’homme qui ont l’habitude de défendre ceux qui sont des victimes et les plus faibles. Cela veut dire qu’il y a beaucoup de faiblesses qui apparaissent lorsqu’on juge un homme politique. Il faut qu’on cherche les raisons. 

C’est un enjeu démocratique élevé parce que quand même Sonko joue sa survie. Lorsqu’on interroge le passé, la justice a permis d’écarter un certain nombre de représentations, il faut qu’on tire toutes ces leçons de tout cela. Sonko doit respecter la justice et la justice doit se respecter elle-même. Mais lorsqu’on est dans une telle tension, tout le monde doit se calmer ; mais lorsque Sonko, tout comme le pouvoir se braque, la justice est mal à l’aise ; elle s’affaiblit. L’opinion se lève et on laisse place à la passion.  D’habitude lorsqu’on juge des hommes politiques, les gens avaient l’habitude de ne pas se prononcer puisque l’affaire était entre les mains de la justice, que cela soit l’opposition ou le pouvoir. Mais ce n’est pas ce qu’on a noté. Tout le monde parle de ce dossier. Ce qu’on doit dire c’est qu’on administre une justice impartiale. Qu’on respecte les droits de chacun d’eux. Adji sarr a ses droits. De même que Sonko. Si on suit une justice équitable, les choses devront aller »

Alioune a semble-t-il résumé la situation qui prévaut et qui laisse penser que seule une justice sereine et impartiale peut aujourd’hui trancher l’affaire.

Daouda Mine, présent à la même matinale, n’est pas loin de penser la même chose. Il a dans la foulée déploré l’affectation du juge Ngor Diop de la juridiction de Podor pour avoir refusé de céder à des pressions visant à ne pas emprisonner un marabout. La Cour suprême vient de lui donner raison en annulant son affectation. Une situation qui se produit bien tardivement selon le journaliste qui pense que les textes doivent changer pour faite en sorte que la requête pour attaquer une décision d’affection qui ne répondrait pas aux textes, devrait permettre de suspendre cette décision d’affectation. Sinon, la requête n’aurait aucun sens et l’autorité obtiendrait ce qu’il recherchait. La preuve, Ngor Diop a été affecté en 2020 et c’est en 2022 que la Cour suprême a annulé cette affectation. Or, Ngor Diop est à son lieu d’affectation depuis 2 ans. Ce qui veut dire que le ministre de la Justice, initiateur de cette décision, a eu ce qu’il voulait, même s’il a été désavoué par la suite, 2 ans plus tard.

Daouda de souligner que la règle de l’inamovibilité protège le magistrat du siège qui ne peut être déplacé sans être informé, sans son accord ; même le délai doit être précisé, puisque souligne-t-il, des moyens détournés sont souvent utilisés à travers une expression dénommée « nécessité de service » et qui n’est rien d’autre qu’un moyen d’affecter le magistrat sans en donner l’air.   Les précédents Khalifa Sall et Karim Wade, sont là aussi comme semble le dire Alioune Tine, pour laisser penser que des candidats politiques ont été écartés.

Autant de cas et d’exemples qui montrent qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas bien dans l’administration de la justice, même s’il y a par ailleurs des juges qui s’évertuent à dire le droit et à se battre pour leur indépendance.

Une situation et une ambiance en tout cas bien électriques qui montrent que seule une justice impartiale peut résoudre cette affaire judiciaire. Mais pas les médias, une société civile et des activistes ô combien divisés sur la question. Il est hélas bien triste de noter que c’est désormais le paradigme musculaire qui structure le débat politique, en lieu et place du débat d'idées et le discours programmatique. Il est peut-être temps de retourner à l'orthodoxie