NETTALI.COM - Les stocks de sécurité en produits pétroliers ne mettent pas le Sénégal à l’abri face au prix qui ne cesse de grimper du fait de la crise ukrainienne. La Société africaine de raffinage (Sar) qui devra renouer incessamment avec l’achat du pétrole brut, risque de voir ses prévisions financières faussées, si la crise perdure. L’Etat devra casquer fort pour éviter la pénurie.

La guerre entre l’Ukraine et la Russie fait flamber les prix de l'or noir. Ce qui installe la peur partout. Même si elle n’est pas pour le moment sous forte pression, la Société africaine de raffinage (Sar), avise-t-on, doit s’armer davantage pour faire face à la probable durée de la crise ukrainienne. En arrêt métal (révision quinquennale de l’usine) depuis décembre dernier, la Sar ne tourne pas encore. Mais elle a pris les devants pour s’approvisionner en produits finis en quantité suffisante. Il y a un stock de sécurité bien mis place.

Ousseynou Ndiaye, chargé de la communication de la Sarr apprend que les approvisionnements sont opérés à travers une planification bien établie. «Nous avons fini les travaux de raccordement de la nouvelle unité avec les unités existantes, mais l’usine n’a pas encore démarré le fonctionnement. Par rapport à la situation de la guerre en Ukraine, la Sar n’est pas tellement inquiétée. Le pays est normalement approvisionné.  L’usine est à l’arrêt depuis deux mois et personne ne s’en est rendu compte parce que nous avons tout planifié. Nous avons fait des importations de produits finis. Toutes les dispositions ont été prises avant même l’éclatement du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Depuis plusieurs mois des commandes ont été faites. D’autres bateaux vont arriver incessamment. Nous pensons pouvoir tenir longtemps», rassure le chargé de communication de la Sar.

Seulement prévient un haut cadre de la Sar, à ce rythme où le prix du baril de pétrole continue de grimper (il a frôlé hier lundi 7 mars 2022 les 140 dollars), la Sar doit travailler à s’adapter financièrement face à la situation actuelle. «Le gros problème, c’est le renchérissement du prix du brut. Si ça perdure, ça va être un gros problème. Les choses vont être compliquées, si on veut redémarrer la Sar avec le brut. Au niveau où le prix du brut se situe aujourd’hui, c’est assez difficile. Le brut risque de coûter pratiquement le double de ce que ça coûtait. Et toutes les prévisions de la Sar vont être faussées», alerte notre source. Qui ajoute : «Quand vous faites des prévisions pour un brut entre 60 et 80 dollars le baril et que vous vous retrouvez à plus de 130 dollars le baril, c’est tout un budget qui est en l’air. Il faut maintenant refaire toutes les prévisions. Ce qui n’est pas évident, vu les finances de la Sar».

Pour lui, Il faut déjà que «la Sar et l’Etat mènent de sérieuses réflexions» pour permettre à la raffinerie de se tirer d’affaire. Si la situation se complique, conseille-t-il, «il faudra continuer à importer des produits finis en attendant que les choses se calment. Car, avec l’importation du brut, la facture pétrolière de la Sar va exploser». Ce cadre de la Sar doute que l’Etat puisse supporter la crise actuelle avec les prix des produits pétroliers qui ne cessent de flamber. Constatant que «la situation est inquiétante», il demande l’application de la vérité des prix. Car, soutient le cadre de la Sar, «on ne peut pas maintenir des produits à des prix bas, alors que tout a augmenté. Sinon, c’est tout le budget de l’Etat qui va être vidé, s’il continue à faire des compensations».

La saignée financière qui attend l’Etat du Sénégal

Le choc pétrolier actuel va faire saigner financièrement le Sénégal.  L’Etat du Sénégal qui avait tablé sur 80 dollars le prix du baril pour bloquer la flambée des prix au plan national, va devoir débourser plus pour épargner les ménages des souffrances. Surtout que le prix du baril du pétrole qui a atteint hier lundi les 130,03 dollars, continue de grimper. C’est presque le double des subventions et compensations tarifaires à verser à la Sar qui attendent l’Etat. «Si le prix du pétrole augmente au niveau international, le Sénégal étant un importateur, toute hausse se répercute sur les prix des produits pétroliers au niveau local», a fait savoir l’ingénieur statisticien-économiste, Moubarack Lo. Demba Gaye, expert pétrolier et ancien conseiller technique du Premier ministre, Mohamed Boun Abdallah Dione, reste convaincu «qu’aujourd’hui, un baril à la hausse n’arrange pas le Sénégal en tant que pays importateur de produits pétroliers». Car, si on prend la consommation de produits pétroliers à la pompe, l’Etat est obligé à chaque fois, pour permettre à l’économie nationale d’être compétitive, attractive et aux usagers de ne pas subir les chocs extérieurs, de créer un coussin de compensation.

Les pertes commerciales qui devaient être supportées par les importateurs de produits pétroliers et les distributeurs à la pompe sont ainsi supportées par l’Etat. «Ça veut dire que si on permettait à l’économie nationale de se réajuster par rapport aux chocs pétroliers exogènes, ça allait être compliqué sur le plan économique. Ces pertes commerciales supportées par l’Etat sont estimées à plusieurs dizaines milliards FCfa. Ce sera difficilement soutenable à long terme. Parce que c’est de l’argent qu’on prend ailleurs pour compenser un secteur (pétrolier) poumon et permettre à l’économie nationale de pouvoir continuer», souligne l’expert pétrolier.