NETTALI.COM - C’est une grosse plaie pour la bonne gouvernance sénégalaise que ce dossier de trafic de passeports diplomatiques ! Un gros scandale, devrions-nous dire pour certains pouvoirs autour de l’Etat.

Devrions-nous nous inquiéter des postures de Moustapha Niasse et d’Aïssata Tall Sall dans cette affaire de trafic de passeports diplomatiques ? Difficile de savoir en effet qui est le plus à plaindre dans cette affaire, tant leurs attitudes et postures sont condamnables. Si Aïssata Sall, lors de sa sortie hélas bien tardive, s’est réfugiée derrière la séparation des pouvoirs et le secret de l’enquête, c’est la même tentative de se dédouaner qui a été notée chez Niasse. Ce qui laisse penser qu’on a du souci à se faire quant à la gouvernance de ce pays par nos institutions respectives.

Dans le cas de la ministre des Affaires étrangères, sa posture aurait été, disons-le clairement, en cas de fraude suspectée ou constatée dans son ministère, comme premier acte à poser, de faire arrêter la saignée. Seule en effet une enquête interne diligentée, aurait pu édifier sur les manquements. Mais en lieu et place, c’est la séparation des pouvoirs qui a été invoquée. Le truc hyper facile pour faire le dos rond, surtout pour une avocate doublée de politique !

Dans le cas Niasse, l’ouverture de la session unique de l’Assemblée nationale, a servi de prétexte pour livrer l’information selon laquelle, la conférence des présidents allait se pencher sur la demande de levée de l’immunité parlementaire des députés Mamadou Sall et Boubacar Biaye. «Le député est un citoyen. Il est responsable de son comportement devant la loi et la Justice. L’Assemblée ne peut pas aller chez chaque député pour savoir quel thé, il boit le matin ou quel café il boit avant de s’endormir. Cela doit être clair pour tout le monde. Chacun est responsable des actes qu’il pose (…) Mais le député étant un citoyen, la levée de l’immunité a une seule vocation et un seul objectif : permettre à la Justice de disposer de la personne du député. Si le député n’a rien fait, le procès va démonter qu’il n’a rien fait. S’il est fautif la loi s’appliquera à lui. Je veux que ce soit clair de façon définitive. L’Assemblée nationale ne peut être responsable des actes que posent les députés chez eux ou quand ils ne sont pas en séance plénière. C’est très important que tout le monde le sache. J’ai voulu faire cette mise au point, pas dans un esprit polémique, mais pour protéger l’institution parlementaire », a asséné le président de l’Assemblée nationale, avant de tenter de rassurer : « Je puis vous dire que la demande de levée d’immunité de nos collègues sera traitée conformément à la constitution du Sénégal et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dans le souci strict de respect des procédures. J’y veillerai personnellement, à chaque étape, avec toutes les instances compétentes et les députés concernés, comme nous l’avons toujours fait dans la transparence absolue. Lundi à 11 heures, le bureau de l’Assemblée nationale va se réunir sur ce dossier pour démarrer la procédure (…) J’y veillerai personnellement… »

Une fois cela dit, Niasse qui est un commis de l’Etat qui a presque traversé toutes les gouvernances, de Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, ne peut nullement ignorer que la détention d’un passeport diplomatique, est un privilège fait à l’Assemblée nationale ; de même qu’au député ou encore au ministre de la république. Récemment, le même privilège est accordé aux joueurs de l’équipe nationale de football. La responsabilité de l’institution et du chef de l’institution qu’il est, ne peut dès lors nullement être occultée, surtout lorsque l’Assemblée dont relève le député n’assume pas la sienne qui est de centraliser les demandes de passeports diplomatiques et de contrôler les pièces exigées. L’on ne va quand même pas nous faire croire que les demandes sont adressées au ministère des Affaires étrangères à l’aveuglette et que la règle ne serait que le simple dépôt sans contrôle. D’ailleurs, Yaxam Mbaye qui était montré au créneau à l’émission « Face to face » de la TFM, y était allé de son étonnement pour demander «comment une personne peut avoir 31 épouses» sans que cela ne puisse alerter ni l’Assemblée nationale, ni le ministère des Affaires étrangères. Mieux, au mépris du Code de la famille et des mœurs Sénégalaises, l’un des mariages est scellé entre un homme et…un homme !

Niasse se trompe lourdement. Il ne peut nullement attribuer la responsabilité d’une telle affaire au seul comportement du député. Autant dans le cas de Bougazelli, accusé de trafic de faux billets, il aurait pu utiliser un tel argument, étant entendu que les faux billets n’ont aucun lien avec l’hémicycle ; autant le passeport diplomatique lui, est attaché à un privilège de l’Assemblée, donc fortement lié à cette dernière. Un argument qui ne peut dès lors pas du tout prospérer.

Un fait qui semble fortement plaider en défaveur de Niasse et d’Aïssata Tall, est que l’enquête de la gendarmerie a permis de savoir qu’il y a eu des personnes trouvées porteuses de passeports diplomatiques, alors qu’elles n’en avaient manifestement pas droit. Il convient même de préciser que tout passeport est délivré sur la base d’un dossier déposé. Les perquisitions ont également permis de saisir de faux certificats de mariage, documents qui ont servi à obtenir ces passeports diplomatiques. A partir de ce moment-là, le ministère des Affaires étrangères ne pouvait ne pas ouvrir une enquête administrative. On attendait que la ministre Sall nous dise qu’une enquête a été initiée au sein de son ministère. Idem pour l’Assemblée nationale. Mais au regard des propos tenus par Moustapha Niasse, il ne semble lier les faits qu’à la responsabilité du seul député !

De même, une tentative aussi vaine qu’inutile, a été celle de Yaxam, à l’émission « Face to face », de chercher à dédouaner le président Sall en transposant l’affaire sur le terrain politique. « Évoquer la séparation des pouvoirs, ce sont des balivernes (Ay wakhou picc leu). Un gouvernement a une charge politique. Les députés sont des ayants droits. Parce que la loi organique de l’Assemblée nationale a été modifiée pour ce faire. Donc le président n’y a rien à voir. Cela relève du ministère des Affaires étrangères. Quand un problème se pose, c’est politique, il faut monter au créneau et défendre celui qu’on doit défendre et s’expliquer. Mais ce mutisme est intolérable et c’est injustifiable. Absolument rien ne le justifie (…) », avait fait savoir Yaxam Mbaye, le directeur général du quotidien “Le Soleil”, ajoutant que : «c’est une affaire qui a eu des échos jusqu’à l’international. Aucun mutisme n’était tolérable. Il faut situer les responsabilités (…) Comment une personne peut avoir 31 épouses ? »

Et Yakham Mbaye de souligner : « Si ces passeports étaient délivrés à la présidence, à partir des dérogations du président, on pouvait évoquer cela. Les passeports diplomatiques n’ont pas été délivrés au ministère de la défense. C’est au ministère des Affaires étrangères qu’ils l’ont été. On évoque la séparation des pouvoirs quand ça nous arrange. C’est un problème de déficit de défense du président de la République. Quand une question se pose et qui est politique, il faut défendre celui que tu dois défendre. Et s’expliquer (…) ».

Sauf que cette affaire n’a rien de politique. A la vérité, elle sape les fondements même d’une République, car l’un des attributs d’un Etat, c’est sa souveraineté. Et le passeport est justement, l’un des outils de ses instruments.

Yaxam a dû certainement oublier qu’il ne s’agissait en effet ici nullement d’une question partisane, mais plutôt de défense de l’image du Sénégal sur le plan international, surtout pour une ministre, Aïssata Sall en l’occurrence, qui est sous l’autorité du président de la République.

Yaxam ne s’était pas arrêté là puisqu’il s’était plaint des lenteurs notées dans la procédure de levée de l’immunité parlementaire des députés de Benno Book Yakaar accusés : « La vérité c’est que ce retard-là, les Sénégalais ne peuvent pas le comprendre. Qu’on se dise la vérité. Qu’on fasse les choses comme cela a été fait dans l’affaire Sonko. S’ils ne le font pas, ce sont des choses qui se retournent contre nous. Car les gens diront que c’est parce que ces députés sont de notre camp… »

Avec cette promesse du déclenchement de la procédure, les Sénégalais notent enfin une lueur d’espoir, même l’expérience a suffisamment montré que ce n’est pas demain la veille pour une transparence dans ce genres d’affaires dans lesquelles, l’Etat est en cause.