NETTALI.COM - Le consensus tant prôné n’aura finalement pas lieu. Mady Touré, qui avait réservé sa réponse au 30 juillet, se lance finalement dans la course. Saër Seck, à travers une longue lettre, a décidé de se consacrer à son club. Une situation qui n’est malheureusement pas sans conséquence dramatique puisque le président du district de football, Samba Sarr, a trouvé la mort, alors qu’il tentait d’accéder au complexe culturel de Pikine où l’Odcav organisait une rencontre en présence d’Augustin Senghor.

Dans un manifeste envoyé à la presse, Augustin Senghor, le président sortant de la Fédération sénégalaise de football, déclare qu’il ne peut se soustraire à la demande « de la communauté du football dans sa dimension la plus large » de présenter sa candidature à la présidence de l’instance dirigeante de cette discipline, malgré son annonce de ne plus briguer un mandat supplémentaire. "Aujourd’hui, c’est cette même communauté nationale du football dans sa dimension la plus large (clubs, groupements associés, groupes d’acteurs, Ligues), dans toute sa diversité qui a décidé de proposer ma candidature’’, a-t-il plaidé, rappelant que la communauté du football a décidé de porter sa candidature « par des résolutions écrites, signées et cachetées de l’ensemble des clubs et groupements parties prenantes représentant à tout le moins plus des deux tiers des membres affiliés ». Il considère ainsi que « la volonté de mes mandants, acteurs et décideurs du football est tout aussi prépondérante que transcendante ». « Ils ont décidé que je dois me présenter », a insisté le président Senghor, rappelant que le plus important est de préserver l’esprit de consensus qui a prévalu.

A l’émission « Jakarloo » de la TFM, ce vendredi 30 juillet, Bacary Cissé, le rédacteur en chef du journal sportif « Record » nous a livré une information de taille, à savoir que « le mandat de Senghor au sein du comité exécutif de la Caf va prendre fin en 2023. Et en 2023, il ne sera plus légitime pour briguer la Caf , s'il n'est plus président de la fédération sénégalaise de football. A mon avis, il fallait une transition de 2 ans voire 4 ans pour permettre à Senghor de conserver son poste. C'est ça la base du consensus. Ils ont décidé de réunir tous acteurs du football… »   Et si l’explication de tout ce vacarme se trouvait là ?

Un manifeste qui ressemble finalement à une justification d’un consensus et d’une candidature qui semblent de plus en plus incompréhensibles. Car ce prétexte, Augustin l’avait déjà évoqué. Mais, à y voir plus clair, avait-il vraiment besoin d’aller dans le sens de ce consensus ? Si tant est que cet argument qu’il invoque, est fondé, n’aurait-il pas mieux valu qu’il allât à l’élection et gagner s’il est sûr, comme il le prétend que sa candidature relève d’une demande « de la communauté du football dans sa dimension la plus large ». Non seulement, il s’est rétracté en 2017 après avoir dit qu’il ne se représenterait pas, mais, une certaine opinion publique en a surtout marre de voir le football sénégalais bredouille depuis 12 ans (et même bien plus longtemps), sans toutefois le constat d’une quelconque évolution de la discipline dans sa globalité.

Sur le plateau de la TFM, Mbaye Diouf Dia, ancien candidat malheureux à l’élection passée et qui se définit comme un « témoin de l'histoire », il était question de « réunir toutes les compétences pour établir un projet commun. », puisque souligne-t-il, « en ce moment, personne ne pouvait imaginer que Augustin Senghor serait candidat car il préparait l'élection présidentielle de la Caf. Et nous avions tous cru qu'il allait gagner la Caf et céder le fauteuil de la fédération. Raison pour laquelle en ce moment, Augustin Senghor n'était pas concerné par le consensus que j'avais initié avec Mady Touré. Lui et moi avons tenu une réunion chez Gaston Mbengue et on s'est mis d'accord. Après on (Mady Touré, Saer Seck, Louis Lamotte et Mbaye Diouf Dia) s'est réuni quatre fois chez Saër Seck, mais ni Mady Touré, ni Saer Seck, ni moi, personne n'a dit "tout sauf Augustin Senghor". (…) Par la suite, on a décidé de mettre en place une commission indépendante qui fera un audit. (…) ». A l'issue de cette audition, nous apprend Diouf Dia, « la commission a fait savoir qu'elle a choisi Augustin Senghor comme candidat pour diriger le consensus. Et nous avons tous signé le P.V. Voici la vraie version des faits. », a relaté Mbaye Diouf Dia comme pour valider le caractère consensuel de la candidature d’Augustin Senghor.

Des propos de Mbaye Diouf Dia, toutefois rapidement démenti par le promoteur de lutte et ex-membre de la fédération sénégalaise de Football (FSF), Gaston Mbengue qui ne l’a pas laissé aller au bout de son argumentaire. Selon ce dernier, au cours de cette rencontre qui a eu lieu chez lui, Mbaye Diouf Dia avait bel et bien dit « tout sauf Augustin ». D'ailleurs, ajoute-t-il, le mot consensus n'est rien d'autre qu'un partage du gâteau qui consiste à penser que si tel devient président, on espère avoir des postes. Ce n'est pas sérieux. (…) Il faut être sérieux et éviter de dire que tel avait 13 voix, les gens peuvent évoluer dans le vote. Quant à dire que Mady est jeune, l'âge ne compte pas (…) Actuellement quels sont les clubs qui dominent notre championnat? C'est Teungueuth FC, Génération Foot, de jeunes clubs, tous dirigés par des jeunes qui ont bouleversé la hiérarchie. Il ne faut pas sous-estimer les jeunes. Arrêtez cette soif de poste ». Pour le promoteur, un consensus en vue de gagner une coupe d’Afrique ne peut pas fonctionner. « Gagner une coupe d’Afrique, à son avis, ne peut pas se décréter comme ça. ça doit obéir à un processus. »

Gaston Mbengue pense même qu’« Augustin et son staff n’ont absolument rien fait. C’est l’Etat qui fait tout, qui octroie les primes, qui affrète les avions, qui paie les hôtels etc. » Enfonçant le clou, il évoque le sujet des « comptes qui devaient être faits et qui ne le sont pas. » Bref, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, l’ancien président du Ndiambour a démoli l’argumentaire des pro-Augustin.

Pape Amar Mbodji, président de l’Oncav de Mbour qui a dit avoir été directeur de campagne de Lamotte, soutient qu’il y a même eu des clubs fictifs qui ont participé au vote de 2017. Pour ce responsable de Mbour, « si vote il y a, c’est augustin qui va être élu. Un fait que Gaston Mbengue lie à un système qui est verrouillé, estimant qu’ « il n’ y aura pas d’élection à la loyale » ainsi que le prône Mbodji.

Bouba Ndour, lui, n’y est pas allé par quatre chemins pour aborder la question sous l’angle du bilan : « Notre équipe nationale, on le doit aux joueurs expatriés. Car un football local qui marche, doit avoir au moins un ou deux joueurs en équipe nationale. Une fédération incapable d'avoir une boutique officielle, c'est extrêmement grave. Aujourd'hui, on ne doit pas convoquer l'âge et le manque d'expérience...Car notre championnat local est dominé actuellement par de jeunes clubs. Le monde évolue, c'est l'ambition qui compte. La réalité est qu'il est impossible d'être vice-président de la Caf, maire de Gorée... Ce cumul de fonctions déjà est un problème. Notre football doit être dirigé par des gens qui ont du temps, qui se concentrent à 100%, mais pas des gens très chargés. On ne peut pas être la première équipe africaine et joueur sur un terrain qui a une piteuse pelouse. C'est une honte. Au niveau infrastructures, c'est zéro. Mais quand on doit choisir, on doit se fier au bilan. Aujourd'hui, il faut que ceux qui dirigent ce football depuis longtemps cèdent la place aux jeunes. Il faut qu'on apprenne à faire confiance aux jeunes et arrêter ce mafia », fait remarquer Bouba.

Ousmane Iyane Thiam, Président délégué de Sicap FC, lui, est plutôt allé dans le sens de la précision : « Mady a participé à la première réunion. Lors de la réunion d'Eden Roc, il avait donné rendez-vous le 30 juillet. Et avant de partir, il avait fait savoir qu'il n'était pas d'accord pour que le consensus soit dirigé par Augustin Senghor. Cependant, il n'était pas obnubilé par sa propre personne mais il avait clairement dit "tout sauf toi, Augustin Senghor". Ce dernier a rétorqué à Mady Touré qu'il n'avait pas d'expérience. Même Mady Touré, quand il nous rendait compte, il a dit qu'il avait proposé Saer Seck pour diriger le consensus. (…) Maintenant, c'est un consensus, mais un consensus où les positions changent de jour en jour. La preuve, Saer Seck a claqué la porte (…) La réalité est qu'ils veulent placer Augustin Senghor et après aller chercher des solutions. Alors que le président Mady Touré a les solutions »

Modou Guèye du Comité de Défense du football Sénégalais, a lui pour sa part, trouvé que le processus du consensus n'est pas intéressant. Il faut, à son avis, parler du document signé par les quatre candidats. « Dans ce document, fait-il remarquer, ils parlent de révision des textes. En 2015, j'étais mandataire de « Guédiawaye Football club » en tant que directeur. J'avais pris part au séminaire organisé par la Caf à l'hôtel Ngor Diarama pour l'octroi des licences. En ce moment, Abdoulaye Sow parlait de révision des textes. Aujourd'hui, nous sommes en 2021 et ils mettent comme premier axe prioritaire la révision des textes.

Deuxième axe prioritaire, ils disent qu'on va vers une Can qu'on doit gagner. Une Can qu’on doit gagner, ça ne se décrète pas.

Troisième axe prioritaire, ils parlent de la Coupe du monde 2022. En quoi les éliminatoires qui doivent démarrer en décembre doivent nécessité un consensus de la fédération ?

Quatrième axe prioritaire, ils parlent de mobilisation de moyens additionnels, marketing, marchandage...,un plancher de 6 milliards CFA. Depuis les trois mandats de Augustin Senghor, la fédération sénégalaise de football n'a même pas une boutique officielle, ni en ligne, ni physique. L'affaire Romaï est encore fraîche dans nos mémoires. On a aucune politique marketing depuis trois mandats. C'est maintenant qu'ils nous disent qu'ils vont mettre en place un consensus pour aller vers une démarche marketing pour avoir un plancher de 6 milliards de moyens additionnels.

Cinquième axe prioritaire, ils nous disent utiliser ces ressources pour construire des infrastructures de proximité. Le stade de Demba Diop qui est entre leurs mains depuis 2018 est devenue une forêt classée. On voit clairement que ce qu'ils disent sur ce consensus, n'est pas cohérents pour un football dirigé depuis des années par une bande d'amis. On a l'impression que ce consensus n'est que du "pathio" » (partage du gateau). « Nous, en tant que comité de défense du football sénégalais, nous ne sommes ni pour un candidat, ni contre un autre. Nous disons que le football sénégalais doit être géré autrement par des Sénégalais qui ont les compétences pour amener notre football à un autre niveau. Car ceux qui sont là, ont fini de montrer leurs limites. C'est du "pathio", un partage du gâteau, qui se prépare et rien d'autre. La distribution des postes au niveau du comité exécutif et les huit nouveaux postes qui vont entrer en jeu prouvent à suffisance qu'il n'y a rien de sérieux dans ce consensus », fait remarquer Guèye.

Un bilan d’Augustin Senghor, pas très reluisant !

Au-delà des arguments des uns et des autres, les faits ne semblent pas, à la vérité, plaider en faveur de la candidature d’Augustin Senghor qui cherche à effectuer un 4ème mandat après 12 ans à la tête de la fédération. Son bilan est loin d’être élogieux au regard du dénuement en termes d’infrastructures et de l’indigence de la politique marketing mise en place. Comment un président qui estime que le football sénégalais ne mérite pas des pelouses du niveau de celles de Liverpool ou Manchester, peut-il prétendre à continuer à diriger le football ? Tous les stades sont fermés depuis belle lurette et aucun n’est homologué. De quoi s’étrangler davantage si l’on sait qu’une vraie opacité entoure la gestion des finances de la Fédération sénégalaise de Football. A-t-on déjà entendu parler d’états financiers, de dépenses de l’argent reçu de la Fifa ?

Ce qui se déroule sous nos yeux, ressemble plutôt à un deal entre potes et prouve qu’on a affaire à un club de collaborateurs et d’amis qui, si l’on n’y prend pas garde, risque d’être dans une logique de passation du pouvoir à la tête de la fédération. Les prémisses d’une instauration d’une présidence tournante entre les mêmes qui risquent de durer longtemps si le complot n’est pas vite déjoué.

Evoquer l’inexpérience d’un adversaire dans une élection que l’on sait désormais risquée, en utilisant l’argument de l’âge, relève tout simplement d’un complexe voire d’un manque d’arguments objectifs à opposer. Le fait que Mady Touré, en tant patron de « Génération Foot », un centre de formation alliant infrastructures, formation sport/ études, a contribué à l’essor du football et de l’équipe nationale, ne compte-t-il pas ? Ou alors devrait-on considérer qu’une expérience ne s’acquiert qu’uniquement à la tête d’une fédération ? Augustin devrait remercier Mady Touré et Saër Seck pour avoir pourvu en joueurs, des années durant, l’équipe nationale A qui ne compte dans ses rangs, aucun joueur local. Le signe que les joueurs locaux ne sont pas à niveau ou alors qu’ils font peut-être l’objet d’un certain mépris ? Et cela, nous n’osons nullement le croire !

A titre de palmarès, « Génération Foot »  a par exemple été Champion du Sénégal en 2017 et en 2019, vainqueur de la Coupe du Sénégal en 2015 et en 2018, puis finaliste de la coupe de la Ligue sénégalaise en 2019, champion du Sénégal de 2ème division en 2016 et de 3ème division en 2015. L’équipe nationale de Football doit par exemple à « Génération Foot », la formation de joueurs tels que Moustapha Bayal Sall, Babacar Guèye, Papis Demba Cissé, Fallou Diagne, Diafra Sakho, Sadio Mané, Ismaïla Sarr, Habib Diallo, Ibrahima Niane, Pape Matar Sarr. De même que la sélection nationale en doit à Saêr Saeck, patron de Jambaar et qui vient de sortir du consensus, des joueurs tels qu’Idrissa Gana Guèye, Joseph Romeric Lopy, Pape Ndiaye Souaré, Kara Mbodj, Saliou Ciss, Pape Alioune Ndiaye, Adama Mbengue.

Mady Touré, qui est toujours dans la course, a en plus comme atout de s’être frotté aux techniques de management du football moderne en s’affiliant, dans le cas GF avec le FC Metz. Il a en plus l’entregent pour faire franchir un nouveau cap au football sénégalais.

De plus, en comparaison avec l’équipe A, la plus en vue dans le foot, El Hadji Malick Sy a fait bien mieux que Senghor avec la génération des El Hadji Diouf, Aliou Cissé, Henri Camara, Salif Diao etc  en accédant à une finale contre le Cameroun (Les Lions ont été battus aux tirs aux buts) et un quart de finale de Coupe du monde sous Bruno Metsu ; là où le Sénégal a accédé en finale contre l’Algérie de Belmadi, après avoir été éliminé lors des matches de poule, en 2018, en coupe du monde en Russie.

Et une mort s’invita à l’élection !

Pour ne rien arranger, la campagne pour la présidence de la Fédération sénégalaise de football  (Fsf) a viré au drame, le samedi 31 juillet à Pikine où le président du district de football a trouvé la mort, suite à une altercation. Samba Sarr, président du comité de santé de Dominique et président du district de football de Pikine, a été empêché d’accès au complexe socio-culturel où devaient se réunir les responsables du football. S’en est alors suivie une vive altercation à la suite de laquelle, il piquera une crise avant d’être acheminé au district sanitaire de Pikine où il rendit l’âme. Des témoins ont aussi révélé que Me Augustin Senghor a été exfiltré des lieux afin de lui éviter un lynchage.

Une élection qui révèle déjà des signes annonciateurs d’un scrutin pour laquelle beaucoup sont sceptiques sur la transparence au regard des méthodes staliniennes utilisées pour barrer la route à des responsables du football.  Des circonstances confirmées par le secrétaire général de l’ASC Thiossane dont Sarr était le président.

Faisant face à la presse après le drame, Madiama Dièye a soutenu que «des ordres ont été donnés à des personnes postées à l’entrée pour l’empêcher d’y accéder parce qu’ils savent qu’il avait des choses à dire. Certainement que sa présence dérange les partisans du consensus ». C’est ainsi, dit-il, qu’il s’en est suivi des échauffourées. « Il a été bousculé par ces gens qui voulaient l’empêcher d’entrer dans la salle. Samba Sarr n’étant pas une personne qui se laisse faire ; il a essayé de se défendre. C’est à la suite de cet accrochage qu’il a piqué une crise. Il a été acheminé au centre de santé « Dominique ». Le temps de le ranimer, il a rendu l’âme », a expliqué M. Dièye.

Une mort que les membres de l’ASC Thiossane de Pikine, qui indexent le président de l’Odcav de Pikine, Amadou Sy dit “Boy Sy’’ et ses acolytes, ne comptent pas laisser passer sans réagir. Ils comptent tout simplement porter plainte.

A Pikine, lors de son inhumation, où s’était massée une foule immense jusqu’à l’extérieur du cimetière, ce lundi 2 août, ce sont des hommages posthumes unanimes qui ont été rendus à Samba Sarr, considéré comme un homme utile, sociable, humble et affable qui a toujours œuvré pour le bénéfice des Pikinois et même au-delà du sport, notamment avec cette pandémie où il a été un acteur majeur dans sa gestion et la sensibilisation des populations.

Une mort bien triste que relève d’ailleurs le député Diallo qui pense qu’avec ce consensus « forcé », il y a déjà eu : « un mort de trop à Pikine, Samba Sarr », en l’occurrence. Mamadou Lamine Diallo, président du mouvement Tekki, met le curseur sur la gestion du football sénégalais. Cela, dans un contexte marqué par une vive polémique liée au quatrième mandat que brigue le président sortant de la Fsf, Augustin Senghor en direction de l’assemblée générale élective du 7 août prochain. Selon le député, le Sénégal a toutes les cartes en main pour réaliser de biens meilleures performances sportives (Gagner la CAN, atteindre les demi-finales d’une coupe du monde etc…). Le parlementaire trouve qu’à l’image de la configuration politique sénégalaise, les dirigeants sportifs en place s’enlisent de jour en jour aveuglés par le pouvoir et les privilèges…