NETTALI.COM - La flambée des contaminations, la question de l’éducation et la décision contestée du conseil constitutionnel, autant de sujets qui ont occupé l'actualité médiatique, ces derniers jours. De quoi s s’interroger sur les voies et moyens pour résoudre ces équations. Mais que n'a ton pas entendu comme délires et avis d'inexperts sur ces sujets dans cette ambiance bien morose et cet horizon sombre. Et quand des guignols s’en mêlent, l’on semble toucher le fond. Mais heureusement qu'il y a des intellectuels toujours fidèles aux principes cardinaux de vertus et de valeurs, toujours prêts à rappeler les grands principes qui doivent régir la marche de la société et sa gouvernance.

Vouloir s'exprimer sur tous les sujets, voilà un phénomène qui est en train de devenir un sport national. Surtout avec ces chroniqueurs ou ces nouveaux journalistes qui ont désormais goutté à la sauce « wax sa xalaat » (« donner son opinion ») et qui essaiment de nos jours, nos plateaux télé. Une erreur que ne devrait pas commette tout individu censé, à fortiori un journaliste qui doit être obsédé par la religion des faits. Mahmoudou Wane, dans un poignant éditorial et à la plume ô combien délicieuse, a abordé la question, pour déplorer la posture de tous ces gens qui se prennent pour des experts et qui se prononcent sur tous les sujets. C’était ce lundi 25 juillet dans le journal « Enquête » : « N’importe qui peut dire n’importe quoi sur le sujet de son choix. Et lorsque le centre d’intérêt porte sur des questions de santé publique comme c’est le cas avec la Covid- 19, bonjour les dégâts. Que n’a-t-on pas entendu à propos de la Covid sur certaines stations FM de la place ? Que la maladie n’existe pas. Qu’elle est une invention des Toubabs dans le but de nous inoculer un produit toxique pour nous effacer de façon méthodique et froide, comme du temps d’Hitler, de la surface de la terre. Bill Gates serait même au coeur du complot mondial contre les populations immunisées d’Afrique. »

Entendre, par exemple Cheikh Yérim Seck parler de variant Delta + dans un contexte où certains Sénégalais ont déjà beaucoup de mal à admettre l’existence de la covid 19 ; où certains font à peine la différence entre les différents variants, ou n’arrivent toute simplement pas à se faire vacciner ; ou encore sont pris par la psychose de la maladie, difficile en effet de voir l’intérêt d’une telle déclaration. « Il y'a pire que Delta. Il y'a un nouveau variant qui s'appelle le variant Delta+. Ce variant est trois plus dangereux que le variant Delta qui fait actuellement des ravages. Il y'a le variant Californien qui est également extrêmement dangereux », a déclaré celui-ci à « Jakarloo » de la TFM, ce vendredi 23 juillet. Une attitude qui semble relever d’une logique d’étalage des connaissances ou de jouer à celui qui est au courant bien avant tout le monde ! D’ailleurs, il a livré cette information non sans ironie en parlant de « grandes révélations comme font les sites d’informations ». Mais en réalité ce sont des infos qu’ont relayé certains médias comme « France Info » sans que cela soit une réalité sénégalaise puisque ce variant est méconnu ici.

Mais heureusement qu’il y avait le docteur Malick Diop sur le plateau pour expliquer que ce variant est inconnu sous nos cieux. «Aujourd'hui, on ne peut pas dire que tous les variants sont là. Le Sénégal fait partie des pays qui ont décidé de voir les différents variants. Contrairement à d'autres pays qui refusent de chercher des variants. »

Une situation qui rejoint l’argumentaire de Mamoudou Wane dans son édito : « Dans un Sénégal normal, pour emprunter les termes d’un ami gendarme retraité, c’est le médecin qui doit prendre la parole en priorité, lorsqu’on parle de virus et de pandémie. La maladie est son domaine. Tout comme la religion est le domaine de ceux qui l’ont étudiée et/ou longuement pratiquée. Lorsqu’on doit réparer sa voiture, on n’ira point solliciter l’expertise d’un menuisier. Et il nous semble bien relever du bon sens primaire que le privatiste du droit ne peut pas s’épancher à longueur de colonnes de journaux sur des questions qui relèvent du Droit constitutionnel. »

Le journaliste ne sait pas tout, c’est clair, mais il doit savoir un peu de tout. Mais il n’est pas forcément expert de tous les domaines comme certains tendent parfois à vouloir le faire croire, alors qu’ils sont loin de maîtriser ces sujets qu’ils abordent.

Même le docteur Malick Diop est prudent sur la question car même les sommités dans ce domaine, n’ont pas des certitudes sur la question : « Le but de ces recherches c'est de savoir la réalité des faits. Selon l'Oms, quand on trouve un variant, il faut le dire. Raison pour laquelle, il y'a des parties sur lesquelles je suis d'accord et d'autres non. Car on ne peut donner des informations sur lesquelles, on n’a pas les éléments officiels. ». Voilà qui est bien sage comme conseil.
Sur la pandémie, il faudra en effet du temps pour arriver à certaines conclusions. A partir de ce moment, certains journalistes à fortiori même des médecins ne peuvent pas s’exprimer sur ce sujet avec autorité car la médecine, c’est une affaire de spécialisation.

Ce sont les opinions non expertes qui amènent souvent les populations à croire tout et n’importe quoi. Dans l'Observateur de ce mardi 27 juillet, à sa page 3 actualité, un reportage évoque la ruée des populations vers les pharmacies et les dangers de l'automédication dans un contexte de peur, eu égard aux décès constatés. S’il en est ainsi c’est parce que l'imprudence conduit à ce que dans les qu’on évoque sans recul, ni précaution les médicaments qui permettraient de venir à bout du virus. Beaucoup évoquent l'usage de l’azyithromycine, de l'apdyl-h sirop et des vitamines comme moyen de prévention et de traitement de la covid. Le docteur Thiémokho Diop, assistant de pharmacie, dans le même journal, prévient contre le danger de l'automédication car, indique-t-il, l’Azyitromycine n’est pas n’importe quel antibiotique. A force d’être pris, le médicament peut causer une hépatite, une diarrhée importante, des troubles du rythme cardiaque et une réaction cutanée grave.

L’émission « Jakarloo » est certes un talk-show mais, il doit aborder certains sujets avec sérieux en interrogeant des personnes qui ont une maîtrise du sujet tout en tenant compte de la responsabilité qui doit entourer le discours. Aborder le sujet en parlant de Delta + ne fait qu’augmenter à la confusion des esprits et au renforcement de la psychose, au moment où on parle de 1300 morts enregistrés depuis le début. Et aussi face au nombre important et actuel de morts.
A entendre le « professeur » Khadim Rassoul Thiam déblatérer sur le plateau de « Jakarloo », nous expliquant qu’il est le meilleur professeur d’Algèbre des Iles d’Amérique, qu’il est neveu de tel notaire, etc l’on se pose la question de sa présence sur ce plateau. Qu’apporte-t-il de sérieux au débat sur l’éducation des jeunes, la pandémie, etc ? Rien de bien intéressant. A part frimer et fanfaronner sur des sujets où il passe du sérieux au flamboyant. Aucun intérêt à écouter ce monsieur vociférer et se vanter. Tantôt qualifié par Abdoulaye Der ou Bouba Ndour de politicien encagoulé soutenant Macky Sall avec confection de T-shirt à l’appui et tantôt se définissant comme « politique ». Bref on sort de cette émission en se demandant quoi retenir de ce qu’il a dit si ce n’est nous vendre les enseignements de Serigne Touba dont il est le dernier à être le promoteur. Il y a longtemps que les érudits, pas les populistes comme lui, ont décortiqué l’essence de ces enseignements ô combien utiles.

Pour l’heure la pandémie est tellement préoccupant que le président Sall, accusé par un titre assassin du journal « Kritik », « médecin après 1300 morts » a fait une visite dans les Centre de traitement des Epidémies (Cte) pour se rendre compte de la réalité de la prise en charge dans les hôpitaux. Et ce sont des hôpitaux, ainsi que le décrit le quotidien, avec un taux d’occupation de 99% avec un nombre de décès qu’il déclare de 14 en 24 heures. C’est d’ailleurs le sauve qui peut pour se faire vacciner chez les populations après une situation de déni et de crainte du vaccin. « Le Soleil » de ce mardi 28 juillet a d’ailleurs mis en exergue l’invitation du président à aller se faire vacciner et précise que « 500 000 doses déjà disponibles et 2 millions attendus en août…». Bref une situation qui tranche avec le moment où Macky Sall menaçait d’offrir les vaccins, alors qu’il n’en avait même pas assez. De quoi rigoler fortement aujourd’hui. Le journal « 24 heures » de ce même mardi à sa une, de barrer : « Et si Macky Sall doit demandait pardon.. », expliquant que dans la perception de l’opinion nationale, il est au premier rang des responsables de cette situation… »

La lancinante question de la réforme de l’éducation

Sur la question de l’éducation, les chroniqueurs ont beau insister sur les recettes à appliquer pour rompre avec le système français avec notamment l’introduction du wolof et des langues locales, mais l’on voyait bien qu’eux-mêmes avaient du mal avec le wolof puisqu’ils s’expriment difficilement dans cette langue. Un fait d’ailleurs relevé par « Fou Malade » et un Der ou Bouba Ndour qui ne cessaient de demander à Khadim Rassoul Thiam de parler wolof, alors qu’il s’exprimait dans un français façon parisien ! L’un d’eux a même relevé que si le français est aussi présent dans le discours, c’est parce qu’ils sont « des victimes de l’enseignement du français ».

Cheikh Yérim a par exemple déploré la massification de l’université qui selon lui, doit être réservé à l’élite. Il a aussi demandé l’institution des grandes écoles en créant l’émulation ainsi que la promotion des métiers à l’image selon lui, des Isep créés par Macky Sall. Bref, autant de recettes que d’intervenants pour une politique d’éducation et de formation urgente dans la prise en charge à lui apporter.

Récemment, dans EnQuête du vendredi 16 juillet, le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire/Authentique (Cusems/Authentique) Dame Mbodji critiquait la non application des recommandations des assises de l’éducation 2014 rangées dans les tiroirs. « Parmi les recommandations, renseigne- t-il, il était question d’introduire correctement les langues nationales au niveau de l’école de base. Les assises demandaient que les enfants, à la première étape au niveau de l’élémentaire (trois premières années à l’école) apprennent dans la langue du milieu ou encore la langue qu’il maîtrise, on ne parle pas de langue maternelle. C’est ce qu’on appelle la langue matricielle. C’est le sérère, le diola ou le wolof qui doit servir de langue d’apprentissage. Il ne s’agit pas d’alphabétiser les enfants dans une langue nationale ».

Celui-ci n’avait pas d’ailleurs manqué de préciser « dans tous les pays qui ont un système éducatif de qualité, les choses se passent comme ça. Il n’y a que le Sénégal qui continue à faire les cours d’initiation avec une langue étrangère. Dans la langue, on véhicule une culture et quand l’enfant est fortement ancré dans sa culture, il y a des comportements qu’il ne peut pas avoir. Il va consolider à l’école les acquis de la maison. Ainsi, à d’autres étapes de son cursus scolaire, on lui ajoute de nouvelles langues. Cela a fait l’objet d’un consensus au niveau des Assises de l’éducation et de la formation, mais ce n’est pas ce qui est en train d’être fait. Pourtant, on a mobilisé plus de 500 000 000 F CFA pour réfléchir sur le système éducatif ».

Le SG du Cusems authentique appelait également à ce que la religion soit au coeur des réformes. Aussi, avait-il plaidé pour « l’introduction correcte » de l’éducation religieuse dans l’apprentissage des élèves. « C’est une autre recommandation des assises qui va permettre aux enfants de savoir qu’ils ont des érudits qui constituent des références. On doit leur apprendre l’histoire de nos érudits musulmans et chrétiens, car la religion permet à l’individu de se libérer de tout ce qui est haine et méchanceté. La religion prône la paix. Il faut l’introduire pour pouvoir moraliser les rapports et former les enfants à être des citoyens disciplinés, responsables et intègres’ ».

Dans une interview exclusive accordée au journal d’investigation « Enquête », le philosophe et enseignant à Columbia aux Etats Unis, Souleymane Bachir Diagne, très au fait de ces questions pour avoir aussi enseigné à l’Université Cheikh Anta Diop, a livré sa vision de l’éduction. « Saupoudrer les problèmes d’un peu d’argent, ici ou là, pour calmer les choses, ne sert à rien. C’est la raison pour laquelle, si je reviens à ce que je disais sur la capacité d’anticipation, aujourd’hui, nous sommes arrivés au moment où nous avons besoin de politiques visionnaires sur le long terme, de politiques de jeunesse qui soient des politiques d’anticipation et de vision sur le long terme. », a fait savoir le spécialiste de l’histoire des sciences et de la philosophie islamique.

« S’il y a un secteur sur lequel des consensus doivent pouvoir se bâtir, c’est celui de l’éducation et de la formation. L’idée est qu’on doit partager une même philosophie générale de l’éducation et de la formation, quelles que soient les différences, les nuances que tel ou tel parti politique va apporter(…). Il faut, par exemple, reconnaître que nos systèmes éducatifs sont au fond du gouffre. Il faut quand même dire les choses telles qu’elles sont. Il faut voir les manières de redresser cela, parce que la fabrique de l’avenir se trouve là. Cela commande une vision à long terme. Peut-être que les compétitions démocratiques qui visent toujours le court terme, la prochaine victoire à remporter, etc., ne sont pas toujours le cadre idéal pour prendre le temps de réfléchir, d’être d’accord sur tout, de construire un consensus pour les directions qu’il faut faire prendre à notre politique de formation et d’éducation. », a ajouté Diagne. Avant de se faire plus précis sur l’urgence de régler la question : « les réformes qu’on peut introduire dans un système d’éducation sont des réformes qui, par définition, vont commencer à donner véritablement leurs fruits au bout d’une génération. Mais le fait que les fruits vont être cueillis plus tard ne signifie pas que l’action, elle, n’est pas urgente. Elle est urgente et d’autant plus à prendre aujourd’hui que les fruits vont se manifester plus tard. »

Le cinglant désaveu de Madior…

Cinglant désaveu d'Ismaël Madior Fall après la nomination aussi subite qu'inattendue par Macky Sall des remplaçants des trois juges du conseil Constitutionnel. « J’ai bien apprécié la courtoisie et l'élégance du Conseil. Dans sa décision relative à la loi modifiant le Code pénal, le Conseil a pris la peine, dès le début de sa décision, d'expliquer la régularité de sa composition. Il n'était pas tenu de le faire. Il aurait pu statuer, rendre sa décision. Un juge n'a pas à s'expliquer sur ses décisions. Mais, il a été courtois en expliquant que sa composition n'était en rien irrégulière », avait soutenu le professeur agrégé du Droit constitutionnel. Ce dernier, ministre, conseiller juridique du chef de l’Etat, pense que cette décision des sages, est de bonne qualité. L'ancien ministre de la Justice avait aussi estimé que les membres du Conseil constitutionnel devaient même être félicités parce qu’ils ont agi dans l'intérêt de la continuité des pouvoirs publics. Ils ont évité une situation de « vide constitutionnel ».

L’agrégé de droit constitutionnel a évidemment tout faux. Et il n’est pas nécessaire d’être juriste pour le constater. En effet, l’article 23 de la loi organique instituant le Conseil constitutionnel dispose que « le Conseil constitutionnel ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire de trois d’entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres. Si l’un des membres du Conseil, temporairement empêché, est le président, le vice-président assure son intérim. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante».

L’article 5 de la même loi ajoute que «l’empêchement temporaire d’un membre du Conseil est constaté par le Conseil. Si cet empêchement se prolonge au-delà d’une durée de soixante jours, il est mis fin aux fonctions de l’intéressé dans les conditions prévues au premier alinéa».

Or aujourd’hui, on est en face d’un empêchement définitif de trois membres du Conseil constitutionnel sur 7. Bousso Diao Fall, ancien Procureur général de la Cour d’appel de Saint-Louis, est décédée depuis janvier 2021. Le professeur agrégé de droit privé, Ndiaw Diouf, vice-président du Conseil constitutionnel et le magistrat Mandiogou Ndiaye, ont terminé leur mandat de six ans non renouvelable depuis le 26 juin 2015.Ce qui fait qu’en application des dispositions de l’article 23, le Conseil constitutionnel ne peut aucunement délibérer. S’il le fait, il viole la loi.

Ce qui a poussé certains observateurs à se demander si la décision des 7 sages, pardon des 4 sages, est vraiment sage ? Il y a de quoi avoir peur, à entendre Ismael Madior Fall défendre des arguments aussi tirés par les cheveux. Doit-on continuer à tendre le micro à celui qui se définit comme un « tailleur de haute couture » pour narguer ses détracteurs qui le traitent de « tailleur constitutionnel », question de leur dire qu’il s’en fout ? Assurément non. Surtout pour quelqu’un qui défend tout et n'importe quoi juste pour faire plaisir à son patron qu'il conseille. Il a été au cœur de cette affaire de 3ème mandat et évite désormais la question. Sur cette décision du conseil constitutionnel ses arguments sont fallacieux et il le sait. De quoi le disqualifier fortement sur les sujets ayant trait à la constitution car il n y a plus manifestement plus rien à attendre de lui.

Le président de la République, Macky Sall, a sans doute bien pris la mesure de la contestation de la décision. Aussi, a-t-il rapidement pris des décrets pour pourvoir au remplacement de Bousso Diao Fall décédée, mais aussi de Ndiaw Diouf et Mandiogou Ndiaye dont le mandat est arrivé à terme.
Madame Aminata Ly Ndiaye, Magistrat, précédemment Premier Président de la Cour d'Appel de Thiès, est nommé membre du Conseil constitutionnel, pour terminer le mandat de feue Madame Bousso Diao Fall.

Le Professeur titulaire des Universités, Seydou Nourou Tall, actuellement membre du Conseil constitutionnel, est, en outre, nommé Vice-Président dudit Conseil.

Mamadou Badio Camara, ancien Premier Président de la Cour suprême et Youssoupha Diaw MbodjiI, ancien Premier Avocat général près la Cour suprême ont été nommés membres du Conseil constitutionnel.

Sauf que la nomination de Badio Camara commence déjà à soulever des interrogations ainsi que le souligne « Dakar Times » du mardi 28 juillet qui le définit comme « un magistrat au cœur de plusieurs polémiques » avec une une « Macky tient à son Badio »