NETTALI.COM - C’est sous l’angle de la confrontation ou plus exactement du duel que la presse a abordé le sujet des « 10 ans du 23 juin 2011 ». Certains journaux se sont mêmes amusés à parler de « match nul » ou de « zéro-zéro » en ces temps de coupe d’Europe et de Copa América. De quoi mettre dos à dos, en termes de mobilisation, la majorité qui était à la Place de la Nation et le Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) qui avait établi ses quartiers au terrain d’Hlm Grand-Yoff en face du stade de l’Amitié. Tout cela en prélude aux affrontements à venir. Déjà le 11 juin dernier, c’était le face à face avec la manif réussie du M2D à la Place de la nation et la tournée économique du président au cours de laquelle, il avait fortement mobilisé.

Le 23 juin, une date ô combien historique dans le calendrier démocratique sénégalais. C’est en effet un certain jour où est né le mouvement de résistance, avec une logique de contrer Me Wade dans son projet de dévolution monarchique du pouvoir et sa velléité de réformer la Constitution dans le but de se tailler, une élection et une succession sur mesure. Le mode opératoire était bien simple, il consistait à supprimer l’élection présidentielle à deux tours, en instituant un « Vice-Président », nommé par le Président à élire au suffrage universel direct avec une majorité au-delà de 25% des suffrages exprimés. Une tentative à l’époque, signe d’un recul démocratique sans précédent, alors que le front « Benno Siggil Sénégal » venait de naître avec l’adoption des conclusions des Assises nationales de 2008 et de la charte de bonne gouvernance. Ce front affichait ainsi son opposition à ce funeste projet anti-démocratique.

De quoi mobiliser comme un seul homme, tous les démocrates sénégalais, les partis politiques réunis au sein de cette coalition et la société civile pour aller à l’assaut de l’Assemblée nationale et bloquer le vote de cette réforme. La suite, on la connaît, elle n’eut pas lieu, mais les affrontements qui en découleront, engendreront des morts.

L’absurdité de la célébration de ce 23 juin, ce sont finalement le folklore et l’alégresse qui ont marqué l’évènement avec en toile de fond, les rivalités politiques entre les partisans d’Amadou Ba et ceux d’Abdoulaye Diouf Sarr à la Place de la Nation ; ou encore de l’évocation de la candidature de Barth au terrain de Grand-Yoff. On est loin du symbole de ce 23 juin. Saluons au passage la mémoire de ces acteurs de premier plan de ce mouvement qu’étaient Amath Dansokho et Ousmane Tanor Dieng.

Elles sont vivaces et chocs les images de ces manifestation avec un Cheikh Bamba Dièye enchaîné sur les grilles de l’hémicycle, alors que toute la zone menant à l’Assemblée nationale était quadrillée, barricadée ; ou encore Moustapha Niasse tenant une pierre entre ses mains, prêt à en découdre avec tout agresseur. Le quotidien « Enquête » avait aussi marqué le coup avec une prise de position choc « Non ! » à la une du journal, inscrit dans un fond noir avec des écritures en rouge.

Il y a finalement de quoi se demander à quoi ont servi tous ces morts et quel est l’état de l’évolution de la démocratie sénégalaise, 10 ans après. Ces morts n’auront en réalité servi à rien parce qu’on en a encore enregistrés avec les récents évènement liés à l’arrestation d’Ousmane Sonko. 10 ans après, nous en sommes encore à discuter d’audit du fichier électoral mal mené, de découpages territoriaux, de révisions des listes électorales, d’inscription de primo-votants, de parrainage citoyen polémique avec en toile de fond, la décision de la Cour de justice de la Cédeao qui demande sa suppression etc

Ce qui est surtout effarant, c’est d’entendre des gus, pardon des flagorneurs mus par leurs seuls intérêts, attribuer le beau rôle à Macky Sall dans ces évènements du 23 juin, également contre le 3ème mandat de Wade, alors qu’il est prêté au chef de l’Etat actuel de vouloir en briguer un 3ème, refusant obstinément de se prononcer sur sa candidature, malgré ses déclarations en défaveur retransmises par la VAR.

On ne sait pas en tout cas ce qui a bien dû lui arriver pour qu’il nomme un mort en conseil des ministres ! Sans doute une défaillance des services du ministère de l’Intérieur ou de la fonction publique. Il doit sans doute être bien obnubilé par les bains de foule, énivré par l’effet qu’ont procuré les accueils triomphaux de Kafferine, Tamba, Saint-Louis, Matam, Podor etc

Ni d’ailleurs quelle mouche l’a piqué pour qu’il décide de faire voter en procédure d’urgence, ce vendredi 25 juin, deux projets de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale qui visent fondamentalement à assimiler le droit de manifester à du terrorisme. Bref cela tout touche à tout ce qui remet en cause l’intégrité territoriale,  l'attentat, le complot et autre infraction contre l’autorité de l’Etat, les violences ou voie de fait commises contre des personnes et les destructions, lors des rassemblements.  De même que les infractions liées aux technologies de l’information, etc. En effet, que ce soit les hommes ou les membres de la société civile, ils s'offusquaient que les articles 56 à 100 soient liberticides. Ces articles là qui répriment les rassemblements, l'atteinte à la sûreté de l'Etat, l'appel ou la participation à un mouvement insurrectionnel ou encore le trouble à l'ordre public. Lorsque le procureur les visait, l'inculpé n'avait aucun autre choix que d'aller en prison. Cette nouvelle loi vient en rajouter en corsant les peines qui pourront désormais aller jusqu'à la perpétuité, alors qu'elles étaient limitées à 5 ans.

Mais le comble est qu’il compte dans le même temps replonger dans sa tournée économique dans les régions de Louga, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Ne dit-on pas que l’appétit vient en mangeant. Il a à peine le temps de donner des instructions à Matar Ba, le très inutile ministre des sports, lui demandant de « prendre toutes les mesures adéquates, afin d’accélérer le processus de construction, de réhabilitation et de mise aux normes de l’ensemble des stades nationaux et régionaux. » Après le tollé qu’a suscité cette affaire de pelouse qui n’en est plus une, le président Sall n’aurait pas pu passer cela sous silence. Enfin !

La vérité est que la politique est dans l’ADN de notre cher président et difficile de l’en détourner. Il veut s’assurer d’une reprise en main totale du territoire national, sans qu’aucune parcelle ne lui échappe.

Bien malin celui qui comprendra ses instructions à son ministre de la santé, suite au relâchement constaté dans le respect des mesures barrières et le port de masque ! Ne vient-il pas de mobiliser plusieurs milliers de personnes dans le centre, le sud-est le nord du pays ! De qui se moque-t-on ?

Mais ce que les politiques semblent tous oublier dans cette euphorie de mobilisations tous azimuts, c’est cette illusion qui leur fait penser qu’ils maîtrisent les foules. Entre le bétail politique, les curieux et cette masse énorme de jeunes non-inscrits sur les listes électorales, difficile de se faire une idée sur la partie utile de ces foules tant chantées. A Matam, Podor, Saint-Louis, Kafferine, Tamba, etc il y avait aussi des Dakaraois, des Thiessois, des Pikinois,  des Rufisquois etc Voteront-ils tous pour Macky ? S’il est candidat peut-être ! A Grand-Yoff, il y avait aussi beaucoup trop de jeunes qui pour la plupart n’avaient pas vraiment connu le 23 juin 2011. Sont-ils seulement inscrits sur les listes électorales ?

Les politiques sont eux tous victimes de cette amnésie collective. L’obsession des foules. Et pourtant, à y voir de plus près, ce sont les mêmes sous Diouf, Wade et Macky qui changent de camps, de t-shirts, de casquettes et de pancartes à longueur d’alternance. Il est en effet frais dans les mémoires, ce fameux rassemblement sur l’ancienne piste-VDN et Sacré-Cœur à l’époque de Me Wade, où il a été question de plusieurs millions de personnes rassemblées ! Tout Dakar en quelque sorte massé sur une zone ! La suite on la connaît, le pape du Sopi avait perdu l’élection en 2012.

Que ces politiques ne se trompent surtout pas d’appréciation en pensant que les foules leur sont acquises. Elles sont comme les troupeaux, toujours à la recherche de la prairie où l’herbe est la plus verte. Enfin pas tous, disons un bon nombre d’entre eux. Les foules sont à ce point fugaces qu’elles finissent par donner le tournis.