NETTALI.COM – Les auditions dans l’affaire Ousmane Sonko ont été riches en confidences et autres révélations. “EnQuête’’ propose les minutes des auditions d’Adji Sarr, le mari de sa patronne, sa collègue Maman Ba et son ami Sidy Ahmed Mbaye.

Le 3 février dernier, Adji Sarr a franchi le portail de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, pour déclencher un séisme politico-juridique dont les ondes de choc ne sont pas prêtes de s’estomper. La jeune demoiselle a porté plainte contre le député Ousmane Sonko. Elle l’accuse de l’avoir menacée, puis violée, lors de la séance de la veille et lors de plusieurs autres séances, à l’institut Sweet Beauté où elle officie en tant que masseuse.

Selon les secrets de l’audition et sur la plainte, elle soutient avoir connu le leader du Pastef dans l’institut de beauté où il vient souvent se faire masser. Elle affirme que le leader politique l’a contrainte à entretenir des relations intimes, dès le premier jour de massage. Ainsi, désorientée par les menaces et les viols répétitifs, elle dit s’être résolue à saisir la justice, par le truchement de son père.

Il ressort des auditions que c’est à la fille à qui c’est le tour de prodiguer des massages d’ouvrir la porte, à l’arrivée d’un client. C’est ainsi que le premier jour, dit-elle, elle est tombée sur Ousmane Sonko. Le député, poursuit-elle, est parti directement vers la cabine, sans passer par la salle d’attente. “Il m’a demandé quels types de soins nous avons ici. Je lui ai répondu que nous avons des soins tonifiants, sportifs, à quatre mains et du gommage du corps. Il a pris l’option tonifiant, car se disant très fatigué ce jour-là. Je lui ai fait tout le massage. A la fin, je lui ai dit que le massage est terminé, mais il est resté couché. Je lui ai encore répété : ‘Tonton, le massage est fini.’ Il m’a demandé si je le reconnaissais. J’ai dit non et je lui rétorqué que je n’ai pas besoin de le reconnaitre’’, a confié Mlle Sarr face aux hommes du chef d’escadron Abdou Mbengue, le patron de la SR. Elle poursuit : “Il m’a dit : ‘Je sais que tu m’as reconnu, car n’importe quelle fille aurait voulu être à ta place.’ Il m’a demandé si je ne voulais pas d’une personne qui allait me soutenir financièrement. J’ai répondu non, en lui disant que si j’en avais besoin, je sais comment faire et où aller. Il m’a menacée de me faire perdre mon boulot. Il m’a dit que la seule manière de garder mon boulot est de le satisfaire, parce qu’il était un client important pour la boite. Si jamais ma patronne venait à entendre ce qu’il va lui dire, je serais limogée. Il m’a demandé ainsi de me déshabiller. N’ayant pas le choix, je l’ai fait. Je me suis couché sur la table où je faisais le massage. Je tiens à préciser que c’était la première fois que je faisais un rapport sexuel. Je ne me rappelle pas aussi des autres faits de ce jour-là. Je ne l’ai aussi dit à personne. Après, il est venu me voir à plusieurs reprises à l’institut.’’

Enceinte de Sonko ?

Selon nos informations, la plaignante ajoute, outre ce 2 février, avoir eu d’autres rapports intimes avec le député, le 31 décembre 2020 et le 11 janvier 2021. Selon toujours Adji Sarr, ce jour-là, l’autre masseuse, la nommée Maman Ba, a vu Sonko lorsqu’il entrait et à sa sortie. Elle a confié aussi que sa patronne se trouvait à l’hôpital, cette nuit-là, et savait que le député était venu pour des soins.

Devant les enquêteurs, elle a aussi soutenu que le député ne l’a jamais contactée par téléphone. Mais qu’elle a son numéro. Le 2 février, poursuit la plaignante, Ousmane Sonko lui a confié disposer d’un laissez-passer pour circuler durant le couvre-feu. “Je voudrais aussi préciser qu’il ne s’est jamais protégé, quand il entretenait des rapports avec moi. Il me proposait toujours de prendre des pilules’’, a-t-elle confié aux pandores.

Il ressort aussi de son audition que c’est elle qui a fait signe à sa collègue pour sortir. Ce fait, dit-on, a intrigué les gendarmes qui lui ont demandé pourquoi, si elle avait peur du député, elle a tenu à éloigner l’autre masseuse, après avoir fini. A cela, elle a répondu que Sonko lui a fait signe qu’il voulait qu’ils soient seuls.

Les enquêteurs se sont aussi intéressés aux raisons pour lesquelles elle avait été licenciée. Là, elle a servi plusieurs versions. Dans un premier temps, elle a dit avoir arrêté le travail pour un seul jour ; ensuite, sa patronne lui a demandé de revenir. “Je n’ai jamais été licenciée. C’est parce que j’avais interrompu les soins d’un client qui s’en est ouvert à ma patronne. C’était cela le motif de mon arrêt de travail pour juste une journée’’. Ensuite, confrontée à sa patronne qui soutient l’avoir licenciée après 15 jours, parce qu’elle avait remarqué que tous les clients la réclamaient et qu’elle soupçonnait qu’elle faisait autre chose que des massages, elle a soutenu qu’elle a été licenciée après plus de 15 jours. Ensuite, elle est restée 5 mois sans travailler dans l’institut, pour convenances personnelles. Mais sa patronne a rétorqué qu’elle l’avait bel et bien renvoyée, ces 5 mois, car, en plus des raisons déjà évoquées, elle lui avait menti, en lui disant que sa mère était décédée et qu’elle devait s’y rendre, pour, par la suite, aller à un anniversaire. Ainsi, Ndèye Khady Ndiaye dit l’avoir renvoyée pour “mauvais comportement’’.

La dame ne s’est pas arrêtée là. Elle a ajouté, lors de sa déposition, que le 3 février, vers 18 h, son employée l’a appelée pour lui dire que son père a porté plainte contre Ousmane Sonko qui est l’auteur de sa grossesse. Mais la patronne est convaincue qu’elle leur a présenté un faux test de grossesse.

Dans cette affaire, les enquêteurs se sont intéressés à un point précis de sa plainte. Elle a écrit : “Hier seulement, il (Sonko) a envoyé un message écrit disant qu’il allait venir, de l’attendre.’’ Les gendarmes lui ont demandé de leur montrer le message. Elle a rétorqué qu’elle l’a effacé, parce que sa carte mémoire est de faible contenance. Elle a ajouté qu’en réalité, il s’agissait d’un message de Sonko que sa patronne lui a transmis. “Non, ce n’était pas à moi qu’il a écrit le message, mais plutôt à ma patronne. Cette dernière me l’a transféré. Après l’avoir transféré à nouveau à mon ami Sidy, je l’ai supprimé, car mon téléphone avait un problème d’espace’’. Mais là également, la patronne a dit qu’elle n’était même pas au courant que Sonko allait venir ce jour-là. Que la veille, elle lui a bien transmis un message d’un client maure qui devait venir.

Maman Ba, l’autre masseuse

Entendue également, A. Ba, la collègue d’Adji Sarr, a confié qu’elle venait juste de boucler sa première semaine de travail. Une période durant laquelle elle a massé cinq clients. Elle a confirmé avoir fait un massage intégral à Ousmane Sonko, avec quatre mains, en compagnie d’Adji Sarr. Que cette dernière a demandé de sortir à la fin du massage. Elle ajoute les avoir entendus parler plusieurs minutes à l’intérieur.

Ensuite, le lendemain, Maman Ba a de nouveau été entendue. Elle est revenue sur un épisode qui s’est déroulé le jeudi 4 février, alors qu’elle attendait d’être confrontée avec Adji. “Le garçon de teint noir avec une forte corpulence qui accompagnait Adji, dont j’ignore le nom, m’a appelée ‘Maman’, mon surnom. Je lui demandais où on s’est connu. Il m’a répondu m’avoir connu quand il parlait avec Adji par appel vidéo. En ce moment, j’étais avec ma patronne. Quand cette dernière est sortie. Nous étions seuls, il m’a dit que je ne devais pas sortir, le jour des faits. C’est à cause de cela que nous en sommes arrivés à ce stade. Je lui ai répondu que j’ignorais ce dont il parlait’’. Elle a ajouté avoir questionné Adji, en langue sérère, lors de la confrontation. Elle voulait savoir pourquoi elle fait ça. “Elle m’a répondu qu’elle va m’expliquer une fois sortie. Elle m’a proposé de me remettre 100 000F CFA pour que je parte. J’ai refusé catégoriquement. Ainsi, à ma sortie, je suis allée directement à l’institut’’.

Ibrahima Coulibaly, le mari de la propriétaire du Sweet Beauté

Entendu, le mari de la propriétaire du salon, Ibrahima Coulibaly, a confié qu’Ousmane Sonko est un client du salon de massage de son épouse. Que sa femme étant admise à l’hôpital de Fann, depuis le 31 décembre, c’est Adji Sarr qui s’occupe de la plupart des clients. C’est elle qui se chargeait des soins d’Ousmane Sonko. Comme déjà écrit par “EnQuête’’, l’époux a relevé la fébrilité ou l’agitation de Mlle Sarr qui n’a eu de cesse de demander après le député. Elle soutenait que le député se faisait rare et qu’il serait mieux de demander pourquoi il ne venait pas.

“Deux jours avant sa plainte, elle est venue me confier qu’elle était enceinte. Quand je lui ai demandé qui en était l’auteur, elle m’a dit qu’elle n’allait pas le divulguer. La veille, elle a reçu la visite d’un homme, à 1 h du matin. Cet homme rodait dans le quartier depuis 21 h. Il est d’une forte corpulence et de teint noir. Quand je l’ai croisé dans la maison, j’ai demandé à Adji, de qui il s’agit, elle m’a répondu que c’est un ami. Le lendemain, Adji a demandé encore Sonko, je lui ai dit : ‘Pourquoi tu t’empresses de le voir ?’ Elle a ri et s’est tue’’.

Ainsi, le jour des faits incriminés, M. Coulibaly soutient qu’Adji est entrée dans sa chambre pour lui offrir 50 000 F CFA et lui dire que Sonko est passé et qu’il prenait un bain, après le massage, pour partir. Puis, a-t-il ajouté : “Lorsque Sonko est parti, elle m’a encore fait signe en me présentant un test de grossesse pour me dire que la grossesse qu’elle est portait est, en effet, confirmée. Mais elle refusait de me dire l’auteur. Elle est montée sur la terrasse pour appeler au téléphone. Je l’ai entendu dire ‘Venez me prendre.’ Je lui ai demandé qui devait venir la prendre. Elle a répondu que c’est une moto-jakarta qui devait venir la prendre, sur instruction de sa mère, à cause de sa grossesse. Ainsi, elle est sortie et est partie’’. En plus de n’avoir rien constaté d’inhabituel chez elle, cette nuit-là, il a confié que l’employée se faisait livrer, la semaine ayant précédé la dénonciation, chaque jour, son diner des Résidences Mamoune.

Sidy Ahmed Mbaye, l’ami de la masseuse

Sidy Ahmed Mbaye, présenté comme l’ami de forte corpulence qui est venu la prendre la nuit du présumé viol, a été auditionné. Il dit avoir connu la fille à Liberté, dans une boutique, il y a deux ans. Ainsi, le fameux 2 février, il a appelé un ami avocat l’a mis en rapport avec un toubib qui l’a conduit à l’institut de beauté. Il a précisé qu’il n’est pas entré dans le salon de massage, qu’il s’est juste arrêté à l’angle. “Lorsque Sonko est parti de la maison, elle m’a appelé pour que je la conduise à l’hôpital, pour un examen médical, parce qu’elle disait avoir été abusée par le député. Elle s’était confiée à moi, auparavant, mais je lui ai dit que, sans preuve, son action ne pourrait aboutir. Ainsi, cette nuit-là, juste après avoir été abusée, je l’ai emmenée à l’hôpital, sur sa demande. Nous sommes partis à l’hôpital Grand-Yoff et le médecin a pris des prélèvements et nous a demandé d’attendre le lendemain’’.

Le sieur Mbaye renseigne que la demoiselle lui a confié que le député avait deux armes avec lui. Les enquêteurs ont voulu savoir pourquoi il n’a rien fait pour mettre fin aux viols, lorsque la fille l’a mis au courant. Il a soutenu qu’il ne voulait pas que les gens pensent qu’il s’agissait de fausses accusations. “Je ne fais pas de politique, mais mon père Maodo Malick Mbaye est leader du mouvement Geum Sa Bop, un mouvement apolitique affilé à BBY. J’ai des rapports fraternels avec Adji. C’est Dieu qui en a décidé ainsi. A ma connaissance, hormis moi, personne d’autre n’était au courant de cette affaire’’, a également déclaré l’ami Mbaye.

Les conclusions du rapport médical

Alors que les députés et probablement la justice devront démêler le faux du vrai dans cette affaire, en attendant que le député Ousmane Sonko soit auditionné, les conclusions du rapport médical établi par un médecin gynécologue sont connues. Ils attestent que : “L’examen ne trouve de lésion vulvaire déchirure ancienne de l’hymen sur 3 heures, 7 heures et 11 heures.’’ L’homme de l’art souligne aussi que “des prélèvements ont été faits en vue des tests d’ADN’’. Qu’au total, “il y a une déchirure ancienne de l’hymen’’. D’autres actes ont été posés, dans le cadre de cette enquête. En effet, une réquisition a été envoyée au DG d’un opérateur de téléphonie mobile afin de déterminer la position d’une puce, dans la période incriminée. Le salon de massage a aussi reçu la visite des gendarmes. Par contre, les vidéos des caméras de surveillance exploitées par les enquêteurs n’ont pas donné de résultat. En effet, elles sont dépourvues d’images, à cause de défauts d’enregistrement.

(Avec Enquête)