NETTALI.COM - Finalement, le président de l’Union des magistrats sénégalais va répondre, aujourd’hui, à la chambre disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, malgré la mobilisation des magistrats et de la société civile.

Le jour fatidique est arrivé. Maitre Malick Sall peut jubiler. Une partie de son rêve se réalise. Aujourd’hui, devant la chambre de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, comparaitra le président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), Souleymane Téliko. Conformément à la volonté de la chancellerie !

A en croire l’accusation, le président de l’UMS serait coupable du “délit’’ de “jeter le discrédit’’ sur la justice et sur certains de ses collègues, en violation des dispositions de la loi organique sur le statut des magistrats. Elle convoque, pour blinder son dossier, une sortie du magistrat dans l’affaire Khalifa Ababacar Sall. Concrètement, il est reproché à M. Téliko d’avoir évoqué une violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence dans la procédure contre l’ancien maire de Dakar.

Pour beaucoup d’observateurs, ceci ne serait qu’un prétexte. Les raisons véritables de la traduction de Téliko devant le Conseil supérieur de la magistrature seraient à chercher dans la posture de ce dernier concernant le dossier du magistrat Ngor Diop. Lequel a été sanctionné, selon l’UMS, pour avoir tout simplement osé naviguer à contre-courant des instructions du ministère de la Justice, dans un dossier impliquant un dignitaire religieux établi à Podor où il était président du tribunal départemental. D’où la décision inédite de l’organisation de traduire l’acte devant la chambre administrative de la Cour suprême.

En tout cas, la coïncidence s’avère assez troublante. En effet, c’est le jour même où le président de l’UMS, dans une interview accordée au journal “Les Echos’’, se prononçait sur ce dernier dossier, que l’annonce de la saisine du conseil de discipline a été rendue publique. C’était le 21 aout, alors que l’intervention dans les différents organes d’emedia, à propos de l’affaire Khalifa Sall, datait du 12 juillet, soit plus d’un mois auparavant.

Aujourd’hui encore, le contentieux entre l’UMS et la tutelle, relativement à l’affaire Ngor Diop, reste en suspens et montre la crispation au sein de l’institution judiciaire où les acteurs se regardent plus que jamais en chiens de faïence.

Aux pro-Malick Sall s’opposent les anti-Malick qui sont allés jusqu’à demander son départ du ministère de la Justice.

Une dizaine de magistrats constitués

Malgré les médiations pour arrondir les angles, les parties ont campé sur leurs positions. Pendant que la tutelle et son camp continuaient de mener une véritable campagne pour enfoncer le président Téliko, des magistrats sonnaient la mobilisation et avaient même préconisé un report des audiences le jour de l’audition (aujourd’hui).

Un face-à-face qui s’annonce donc épique entre magistrats d’une part, entre magistrats et avocats d’autre part. Car, pour sa défense, le président de l’UMS a constitué un pool d’avocats, contrairement à certains usages. En outre, comme cela a été annoncé, une véritable armada de hauts magistrats s’est constituée pour plaider la cause de leur président.

 

En fait, au-delà de la personne de Souleymane Téliko, ce qui est en jeu dans cette affaire, c’est la survie même de l’Union des magistrats sénégalais et la liberté de ton que l’on connait jusque-là à ses membres. Au sortir d’une telle épreuve, existera-t-il encore de magistrats suffisamment engagés pour succéder au président Téliko qui en est à son dernier mandat ? Rien n’est moins sûr.

Mais, soulignait le bureau actuel dans ses différentes sorties, il est hors de question de céder à ce qu’il considère comme une tentative de musellement de l’institution. “Dans l’intérêt des magistrats, des citoyens et de la justice tout entière, l’UMS doit continuer et continuera à faire entendre la voix des magistrats et de tous ceux qui ont fait le choix de faire prévaloir la vérité sur le faux, la justice sur l’arbitraire’’, soutenaient les camarades de Téliko en point de presse.

A les en croire, le garde des Sceaux s’est disqualifié, parce qu’il a montré “son incapacité à faire preuve de la hauteur et du sens du dépassement que nécessite une gestion efficiente d’un service aussi important et délicat que la justice’’. Et d’ajouter : “En se livrant à une telle stratégie de musellement de notre organisation, le garde des Sceaux veut nous imposer une alternative : se taire ou disparaître. Nous, membres de l’UMS, avons choisi une troisième voix : celle de la liberté et de la dignité.’

Avec Enquête