NETTALI.COM - « Il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit l’adage. Macky Sall s’est en tout cas inscrit dans une logique de relance de l’économie, mais aussi et surtout de rattrapage ou si on veut de correction de son plan. La Covid 19 lui a donné un sacré coup d’arrêt après avoir déjoué les plans de l’Emergence qui ne semblaient pas accorder une grande importance à la santé et à l’éducation. Elle lui a aussi permis d’ouvrir les yeux sur ce qui était la priorité des Sénégalais et leurs besoins. Les infrastructures, c’est bien, mais couplées avec de quoi se mettre sous la dent et une bonne santé, c’est encore mieux.

Dans ce changement de priorités, le chef de l’Etat avait réservé la primeur aux patrons français, les informant lors d’une visite au pays de Marianne, qu’il orientait désormais son action vers le secteur primaire - entendez agriculture, élevage, etc sans oublier les secteurs de la santé et l’éducation.

Sur la question de l’agriculture par exemple, il veut fortement inciter le secteur privé sénégalais et mobiliser ainsi « une contribution à hauteur de 4 770 milliards F CFA, d’ici à 2023, soit 39 % des investissements à réaliser sur la période du Pap2 A ». C’est aussi pour lui, une occasion de corriger les erreurs commises dans la première phase du PSE et qui ont mené à l’échec des politiques d’autosuffisance alimentaire, en 2017-2018. Il veut ainsi miser sur la riziculture pluviale tout en s’orientant vers plus d’irrigation, au moins 40 %. Il entend aussi régler la question de l’accès au foncier « pour faire de l’agrobusiness. »

En ce qui concerne l’élevage, le président de la République a lancé un appel pour le développement des cultures fourragères, estimant qu’ « il faut aider les éleveurs à dépasser les vaches qui font 2 litres pour des vaches qui pourront faire 10 litres au moins. Pour ce faire, il veut « développer l’insémination artificielle et l’amélioration génétique ».

Mais dans ce remue-ménage, « l’agriculture et l’industrie pharmaceutique doivent, à son avis, être des secteurs de relance prioritaires. » Il est inadmissible, a-t-il regretté que, même pour des seringues, il faut importer. Certains médicaments doivent être trouvés sur place. Il en est de même pour la souveraineté alimentaire. Ce qui veut dire qu’il reste fidèle à sa logique de mettre en avant l’agriculture et la santé. Toujours dans cette lancée, « le relèvement du plateau technique est pour lui, un impératif. »

Changement de paradigme ou revirement après s’être rendu compte que la direction prise n’est pas la meilleure ? Le Plan Sénégal Emergent (PSE) se trouve désormais bien amendé avec comme projet de bouleverser ce qui était jusqu’ici considéré comme priorités, notamment les infrastructures tape à l’œil. L’Etat mise aussi sur la pêche, notamment maritime, mais aussi la pêche continentale et l’aquaculture.

Macky Sall n’a pas que cela comme projet. Lors du conseil présidentiel de ce mardi 29 septembre, il a mis un pied dans la fourmilière, révélant ce qui ne marchait pas dans sa gouvernance et qui devait être résolu par des réformes. Certains ministres et DG (Amadou Hott, ministre de l’Economie et du Plan ; Abdoulaye Diouf Sarr de la Santé ; Mountaga Sy DG de l’Apix) ont été priés d’enfourcher leurs chevaux pour galoper. Les lenteurs dans les réformes entreprises et face aux méthodes inopérantes. Le Président pense par exemple qu’ "on ne peut pas mettre 500 milliards pour être dans le même système où on ne peut même pas retracer le malade. Il faut donc des réformes. La balle est dans le camp du ministère de la Santé." Retracer un malade voulant dire connaître par exemple toutes les maladies qui ont été traitées chez le patient ; les médecins et spécialistes qui ont eu à le suivre. Bref les antécédents médicaux du malade, de manière à le suivre pour mieux le traiter tout en évitant les questions de contre-indications, d’allergies, etc de manière à s’assurer du meilleur traitement possible.

Les réformes. Voilà un problème en tout cas bien sénégalais surtout au moment où le Président avait fini de vendre aux Sénégalais, son fameux slogan le « Fast-Track ». C’est en réalité l’administration sénégalaise, ses lourdeurs, sa hiérarchisation excessive, les jeux de pouvoirs de certains de ses acteurs pour capter des ressources indues, qui posent le plus problème. Requérir les services de l’Administration ou acquérir un document administratif, relève du parcours du combattant. Même ce document qu’est l’extrait de naissance et dont l’obtention devait être d’une simplicité inouïe, pose souvent d’énormes difficultés. C’est en effet une réalité et bien avant même la gouvernance de Sall que l’Administration est de manière permanente décriée et jugée inefficace. Obtenir un permis de construire par exemple, relève du miracle, son obtention plonge le requérant dans un dédale continu qui nécessite des bras longs que le Président Sall a d’ailleurs évoqué dans son discours pour montrer les peines et souffrances que le Sénégalais endure.

A Amadou Hott, il a été reproché, sa lenteur dans les réformes. La volonté affichée de Sall de mettre en place une holding nationale bancaire qui sera la résultante d’une fusion entre la BNDE, la BHS, la Banque agricole plus d’autres entités publiques, n’est pas une idée mauvaise en soi, dans un contexte où les banques sénégalaises sont larguées par des étrangères arrivées en force et qui les dominent sur leur marché.

Mais au fond, n’ont-ils pas eux-mêmes donné à ces étrangères, l’opportunité de se renforcer ? Tenez par exemple pour le cas des banques marocaines (Cbao, Boa, Banque Atlantique et Crédit du Sénégal), le tapis rouge leur a été tout simplement déroulé au Sénégal où elles ont trouvé les conditions de leur épanouissement et une belle opportunité de se développer que des Sénégalaises qui n’ont pas le poids, n’auraient pas trouvé au Maroc. “On ne peut pas être chez nous et être les derniers dans le classement des banques. C’est juste une simple question d’organisation’’ : “Monsieur le ministre des Finances, je vous avais dit qu’il faut finir cette réforme. On perd trop de temps dans les réformes. On a peur de faire des fusions ; on a peur de supprimer des postes. Il faut aller vers cela, en gardant la spécificité de chaque entité. Mais il faut au moins une banque nationale qui compte ». Il y a en tout cas matière à davantage de collaboration et de connexion avec des institutions telles que le Fonsis, Fongip, Cdc, etc pour créer de véritables pôles dans une logique de renforcement des capacités financières et d’action.

Demander à certains ministres qui ne peuvent réformer, de se signaler, relève de la communication pure et simple. Macky Sall sait bien quel ministre est compétent et quel ministre ne l’est pas. Le Président sait aussi qu’il y a matière à supprimer certains ministères qui ont été créés juste pour caser du personnel politique. Fondre et concentrer certains ministères, ne seraient dès lors pas superflus, si l’on veut arriver à davantage d'efficacité. Cela ne sert à rien en effet de continuer à vociférer. La situation économique est telle qu'on ne peut plus se permettre de conserver certaines institutions dont l'inutilité et l'inefficacité sont prouvées. L’exemple par le Conseil économique, social et environnemental et le Haut Conseil des collectivités territoriales. Elles n'engendrent que des dépenses supplémentaires qui pouvaient servir à autre chose dans un contexte de presque récession.

Le plaidoyer du Président Sall révèle en réalité, un vrai problème de gouvernance des ministères, de coordination teinté de laxisme et même d’incompétence. A la vérité certains ministères ne devraient même pas exister. Le domaine industriel confié à Moustapha Diop ne produira pas de résultats. C’est sûr. Et que dire de ces ministères notamment, ceux de la Famille, de la Femme, de l’Enfant, de la Jeunesse, etc leur existence est-elle justifiée par des résultats probants ? Leur efficacité et leur utilité, en tout cas sous la forme sous laquelle, ils sont utilisés, n’expliquent pas leur nécessité.

Dans le domaine de la Santé, le président pense tout simplement qu’il faut se tourner vers les PPP (partenariat public-privé). " Il nous faut des privés qui peuvent aller lever des financements sur le marché et venir investir. Cela évitera à l’Etat d’aller s’endetter pour investir dans le domaine. C’est aussi ça le but des PPP. Sinon, l’endettement devient intenable pour l’Etat", a dit le Président Sall "Nous finalisons, en ce moment, un plan d’investissement pour un système de santé résilient et pérenne, pour un montant d’environ 500 milliards F CFA, pour la période 2020-2024. Ce plan permettra de moderniser davantage notre système de santé, par la réhabilitation, la construction et l’équipement de structures ainsi que le recrutement de professionnels de la santé.", a ajouté celui-ci.

Là aussi sur le partenariat public privé, gros problème. Vouloir réduire la dette et les intérêts de la dette, est un vœu certes pieux. Mais la question du PPP engendre des conséquences en général fâcheuses pour les Etats s’ils ne sont pas bien réfléchis. Ils coûtent parfois bien trop cher. L’Etat voit en effet à travers ce système, un moyen de ne pas débourser de l’argent dans ses projets tout en bénéficiant de réalisations. Mais à la vérité, ce sont les privés qui se taillent bien souvent la part du lion en obtenant des concessions sur des durées de plusieurs dizaines d’années avec à la clef, un coût assez élevé lié à une répartition déséquilibrée en faveur des bénéficiaires des concessions.

En France par exemple, le PPP n’a pas jusqu’ici produit les effets escomptés. Et elle a d’ailleurs été emmenée à revoir ses schémas dans le domaine des autoroutes par exemple dans lequel, les partages ont été déséquilibrés dans nombre de cas. Les intérêts de la dette sont aujourd’hui moins élevés de par le monde et peut-être un peu plus chers en Afrique qu’en Europe. L’exemple par Eiffage dont le contrat est assez coûteux pour le Sénégal à tel point que l’Etat tente depuis belle lurette de renégocier en tapant de manière récurrente sur la table. Imaginez un instant des bouchons depuis la station Total non loin de Cambérène jusqu’au-delà du péage de Thiaroye. Ce n’est ni un mirage, ni une fable. Une réalité qui ne s’explique. L’entreprise tire un bénéfice énorme en vendant quel service ?

Sur la question de l’enseignement, le chef de l’Etat nous a expliqué que le processus a été enclenché depuis longtemps. L’heure est surtout aux évaluations et au renforcement et annonce : “C’est comme les écoles privées. On n’a pas beaucoup parlé de l’enseignement privé, mais c’est aujourd’hui presque 1/3 des effectifs. Combien l’Etat met dans ce tiers ? Combien il met dans les 2/3 qui sont dans le public ? Ce sont des réflexions importantes à mener, pour pouvoir accompagner, de façon convenable, le secteur privé, même dans ces secteurs sociaux.’’

L’enseignement en tout cas, un secteur qui fait partie des socles du développement de tout pays . La privatisation n’est pas une mauvaise option en soi, mais à condition que l’autorisation de créer des écoles de formations soient soumises à des conditions strictes, de performance et de qualité. Le Président fait d’ailleurs bien de dire qu’il faut évaluer. Elles poussent comme des champignons, les écoles de formation privée supérieure, mais l’efficacité de beaucoup d’entre elles n’est malheureusement pas encore prouvée.

De même, il est peut-être temps de réfléchir sur l’offre de l’éducation qu’il faut davantage adapter à nos besoins et à une demande liée au modèle de développement choisi. A-t-on toujours besoin de cette grande offre en formation littéraire ou en droit ? Non pas qu’il faille abandonner ces secteurs, mais il urge d’opérer une orientation vers les filières scientifiques et techniques à renforcer, en opérant un système de quotas par secteur en adéquation avec les besoins du pays. Des secteurs tels que l’informatique, le numérique et l’intelligence artificielle, peuvent à ce titre nous valoir beaucoup de satisfaction si nous nous y orientons d’autant plus qu’ils ne nécessitent pas la mobilisation d’aussi importants capitaux que le secteur industriel classique. Le monde a changé et c’est l’intelligence qui le gouverne désormais, surtout dans un contexte où nos économies sont marquées par une indigence au niveau de la détention des capitaux et face à une option d’industrialisation que nous tardons à assumer et que nous engagerions difficilement.

Au-delà, c’est la question de l’imposition qui devrait être prise en charge. Elargir l'assiette fiscale peut être un bon chantier à engager d’autant qu’il est difficile d'imaginer un pays aussi tributaire du budget avec autant d'entreprises du secteur informel et de l’immobilier qui échappent à l'impôt. Les injustices fiscales devraient être réduites. L’Impôt minimum forfaitaire imposé aux entreprises, sans parler de l’impôt sur les bénéfices (30%) n’incite pas les entrepreneurs à être de bons citoyens. C’est une bonne partie de leurs revenus qui s’envolent.

Le secteur du Transport a été aussi abordé par le Président Sall qui a pointé du doigt un système d’un autre âge à moderniser. Le chef de l’Etat a ainsi prôné l’élimination des “cars rapides’’ et autres “7 places’’. Il pense simplement qu’ “Il faut arrêter ces ‘cars rapides’ qui datent des années 50- 60. Ce n’est pas normal qu’un véhicule de 40 ans fasse du transport en commun, un transport d’êtres humains. Ce n’est pas normal. Là aussi, il faut opérer les ruptures qu’il faut. Il faut moderniser le parc automobile pour le transport urbain et pour l’interurbain. D’ailleurs, le ministre (en charge des Transports terrestres) m’a dit qu’il y a de nouveaux véhicules. Nous devons arrêter ces véhicules ‘7 places’ qui ont fait trop de dégâts ; trop d’accident mortels. D’ailleurs, ils ne devaient jamais être des véhicules de transport.’’

Le ministre des Transports Oumar Youm, a à cet effet remis, ce samedi 3 octobre procédé à la remise de 20 véhicules de 7 places sur un lot de 150 dédiés au
transport collectif de proximité dans le département de Mbacké. Des véhicules visent à améliorer les conditions de déplacement des populations, en particulier celles des populations de Touba. “Ils vont permettre d’avoir un transport moins polluant, un transport plus sécurisé, plus propre, un transport qui permet
d’assurer la rentabilité du service. Nous sommes ici pour remettre une vingtaine de véhicules sur un lot de 200 dont 150 sont prévus pour Touba. Progressivement, ces véhicules seront remis une fois que toutes les procédures administratives et financières seront bouclées’’, a-t-il fait savoir. Le Ministre incita ainsi les clandos qui vont être peints en vert et blanc, à aller chercher des agréments qui leur seront facilités. les propriétaires ont donc jusqu’au 31
décembre pour se conformer en adoptant un code couleur, vert-blanc et trouver un agrément au niveau du guichet au niveau du ministère situé à la Direction des transports routiers.

Sur la question des inondations, le Président a joué une carte bien politicienne. Il s’est permis de défier quiconque dans un débat pour avoir supposément fait ce qu’un gouvernement n’a pas fait jusqu’ici. La réponse est en effet bien simple car aucun gouvernement n’a en réalité fait quelque chose de bien consistant. La situation est désastreuse, les routes sont jonchées de nids de poule et certaines populations ont été autorisées à s’installer dans des zones non aedificandi.

Mais c’est surtout le secteur de la recherche qui a été oublié. L’Etat devrait mobiliser des investissements conséquents et chercher à connecter la recherche avec un système d’enseignement technique, professionnel, universitaire digne de ce nom. Elle demande certes du temps, mais peut valoir du succès, si on s’y investit sérieusement.

Il reste juste à souhaiter que tout ce changement de cap échafaudé par Macky Sall, à grand renfort de communication, ne reste pas au stade de vœu pieux. Il doit être concrétisé. Ce qui serait une bonne bouffée d’oxygène pour une économie qui peine depuis longtemps à trouver ses marques, dans une logique introvertie qui profite aux populations et non seulement aux entreprises étrangères. Nous osons espérer que cette grand-messe n’était juste pas une opération de communication destinée à sortir d’un contexte morose où Macky Sall n’a jamais semblé maîtriser la situation ; les inondations, la gestion de la covid sont passées par là.