NETTALI.COM – Les décès récents d’anonymes et de personnalités du monde politique, économique, religieux, de la presse et de la santé, etc ne laissent pas indifférents les Sénégalais peu habitués à une certaine récurrence des disparitions. Le phénomène les interpelle. Il les inquiète même. Et la frénésie médiatique qu’il entraîne, est une conséquence de la progression de la maladie.

Malgré leur silence, de nombreux Sénégalais relient le nombre important de décès ces derniers temps, à la COVID 19. Nous n’allons toutefois pas nous aventurer à corroborer ce que beaucoup pensent tout bas, sans détenir les instruments scientifiques et médicaux pour étayer cela. La propagation de l’épidémie est un fait et les chiffres le démontrent chaque jour, surtout à travers le point quotidien dressé par le ministère de la Santé. L’alerte lancée par le ministre de tutelle demandant aux populations de ne pas se déplacer de localités en localités à la veille de la Tabaski, n’était pas fortuite. Elle visait à anticiper le risque que pouvaient entraîner les déplacements de populations et les rassemblements (le jour de la fête) qui sont le lit de la propagation. Suite aux manifestations des transporteurs, les autorités n’avaient-elles pas libérées la circulation entre les régions, les autorités ? Pourquoi s’attendaient à ce que les populations les écoutassent ?

Ce qui est frappant dans le point Covid du dimanche 8 août, ce sont les 113 cas issus de la transmission communautaire. Un bien triste record qui interpelle les autorités qui, ayant flairé l’aggravation de la situation, ont tenté de réagir, mais parfois de manière fort maladroite. Car, comment comprendre que le ministre de l’Intérieur qui, pour annoncer ce qu’on savait déjà, à savoir l’interdiction des rassemblements sur la voie publique, ait organisé une conférence de presse ? N’aurait-il pas fallu adopter une autre forme de communication qui ne nécessitât pas la présence des journalistes ? Un communiqué de presse par exemple. En tout rien n’a été dit au cours de cette conférence qui n’ait pas déjà été dit ! Du réchauffé pur et simple.

Une situation qui rappelle à certains égards, les forts moments de la crise où les donateurs défilaient au ministère de la Santé avec leur staff pour afficher les chèques relatifs à leurs dons, alors qu’ils auraient pu tout simplement faire un virement. Sacrés Sénégalais, ils sont bien attirés par la visibilité et le folklore même lorsque cela peut causer du mal à la communauté nationale.

En tout cas dans le traitement de l’information liée à la crise, la presse a fait un sacré bon boulot. Tout au plus, s’est-elle contentée de relayer les points quotidiens avec les chiffres mis à sa disposition. Qu’on ne s’y trompe pas, elle a fortement participé à la sensibilisation et à l’information des populations. Elle a aussi agi de manière responsable surtout lorsqu’il a fallu tirer la sonnette d’alarme. Elle a été bel et bien présente. Que l’on ne se défausse surtout pas sur elle. C’est d’ailleurs ce que Macky Sall a cherché à faire en relevant le caractère « alarmiste » du traitement de la Covid par la presse.

L’on ne peut pas manquer de nous demander si un gouvernement devrait se permettre d’accuser la presse de cette manière-là, en occultant sa responsabilité en tant que garante de la sécurité et de la santé des populations ?  Pourtant rien ne lui a été refusé dans ce combat contre ce mal insidieux. C’est un grand boulevard qui a été ouvert au chef de l’Etat, surtout que l’opposition lui avait apporté son soutien total dans un élan de cohésion sans précédent. Même une loi d’habilitation avait été votée pour donner les coudées franches à notre cher président.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Coordination des associations de presse (Cap) ne s’est pas laissé faire. Elle a servi une cinglante réplique au chef de l’Etat « Non, Monsieur le Président, la presse n’invente pas de chiffres sur le nombre de contaminés ou de morts“, a écrit, dans une déclaration la Cap qui a préféré croire que le chef de l’Etat s’est trompé de presse ou de pays. Et celle-ci de rappeler en ces termes : “depuis le début de la pandémie, les médias se sont imposés un mot d’ordre allant même jusqu’à s’appliquer l’autocensure juste pour jouer leur partition dans l’effort de guerre. Ces efforts ont été reconnus et soulignés par le ministre de la Santé et le corps médical. Au-delà de notre rôle d’informer juste et vrai, toutes les entités de la presse ont fait plus de la communication et de la sensibilisation. »

D’après la Cap, les médias sénégalais étaient en droit de s’attendre à autre chose que des reproches. Surtout que, rappelle celle-ci, « la presse n’invente pas le nombre de contaminés ou de morts. Elle s’en tient juste aux déclarations des autorités du ministère de la Santé qui sont diffusées en direct régulièrement sur toutes les chaînes, radios et sites sans contrepartie. »

Lucide, Benno Book Yaakaar ne suivra pas le président Sall, tout allié sûr qu’il est. Son secrétariat exécutif a ainsi salué le travail de la presse sénégalaise dans la lutte contre la pandémie. “Appréciant à sa juste mesure le rôle inestimable de la presse dans la lutte contre la pandémie actuelle, le Sep/Bby réitère ses félicitations à l’ensemble des professionnels des médias et les exhorte à être le relais des mesures prises par les pouvoirs publics et le personnel de santé“, écrit Benno Bokk Yakaar dans un communiqué.

Lors de sa conférence de presse, Aly Ngouille a annoncé des mesures. «L’Interdiction des rassemblements au niveau des plages, des aires de sport, places publiques et des salles de spectacles. Interdiction de toute manifestation sur la voie publique spécialement à Dakar ; port obligatoire du masque dans les services de l’administration publique et privée, les commerces, les transports. Respect scrupuleux de l’arrêté du ministère du transport relatif à la limitation des places dans les transports», a listé Aly Ngouille, tout en invitant les populations à une prise de conscience et de responsabilité. A cet égard, il prévient que toute violation de ces nouvelles dispositions expose son auteur à des “sanctions pénales pouvant aller de l’amende à l’emprisonnement”.

Il ne s’est pas arrêté là puisqu’il a, chiffres à l’appui, informé de la répartition des cas par tranches d’âge : «En résumé, seuls 10 (4,7%) malades âgés de moins de 40 ans sur plus de 6000 malades sont décédés et 203 (95%) sur 4614 malades sur la cible des plus de 40 ans, avec un chiffre alarmant de 158 décès (74%) au 5 août 2020», déplore le ministre de l’Intérieur. La conclusion découlant de ses chiffres est simple : « Les jeunes constituent des vecteurs de transmission du virus aux personnes âgées et ces dernières en meurent».

Une conférence de presse qui a laissé beaucoup de Sénégalais sur leur faim. L’on s’attendait plutôt  à des mesures fortes. Aly Ngouille Ndiaye n’aura annoncé que ce qu’il avait dit il y a des mois déjà. Ce qui a fait dire à bon nombre de personnes qu’il aurait mieux fait d’envoyer un communiqué de rappel plutôt que d’ameuter tout le monde pour ne rien dire.

Quant aux jeunes, ils ne peuvent en aucun cas être tenus pour responsables de quoi que ce soit. La formulation de la phrase du ministre, a quelque chose d’ambigu et même de gênant Elle n’est pas loin d’accabler les jeunes. Ou cherchait-il juste à toucher leur fibre sensible ?

Il est vrai que les autorités doivent davantage sensibiliser les jeunes sur les risques liés à la maladie et le danger pour leurs proches, mais de là à insinuer leurs responsabilités. Le physiologiste Bamba Kane, présent sur le plateau de « Jakarloo » a donné une information de taille. A savoir que même pour les guéris, la maladie de la Covid peut laisser des séquelles aux poumons qu’il a dénommées fibroses et qui peuvent empêcher l’oxygène de traverser la membrane des poumons pour arriver dans le sang.

La gestion de la Covid apparaît finalement comme une affaire gérée à l'envers. Comment comprendre que ce n’est que seulement dans ces moments critiques que l’on songe finalement à l’équation de la gestion à un niveau communautaire ! Il aurait en effet fallu dès le départ, impliquer fortement le mouvement associatif, les navétanes, la société civile, les ONG, les « Badienou Gox », les leaders d'opinion, les comités de quartier, les chefs et délégués de quartier et également de marché,  etc afin de gérer l’affaire dans un cadre de proximité et de dialogue entre gens proches voire qui se connaissent, tout en maintenant une communication basée sur une stratégie claire et  des actions coordonnées, planifiées et réfléchies mais surtout nourries par le Comité de gestion de l’épidémie et les autorités.

La gestion de la Covid, une affaire pas simple, mais pas insurmontable en même temps.

Il aurait fallu également lancer au front les forces de l’ordre, y compris l'armée pour casser tous les îlots de rassemblements dès le début et privilégier la sensibilisation d’abord avant la sanction ? Comment comprendre la décision d'instaurer un couvre-feu tout en laissant les jeunes se rassembler sur les plages, les places publiques et dans les quartiers ? C’est un fait qu’au début de l’épidémie, les forces de l’ordre aient tenté de sévir, mais le relâchement a vite été constaté, suite à l’instauration d’un couvre-feu qui a fini par les mobiliser très fortement et les user.

A l’émission « Jakarloo » de ce vendredi, « Fou Malade » a soulevé la question du nombre de cas qui serait supérieur de l’avis d’un certain professeur qui l’a réitéré à l’émission de la matinale du jeudi 6 août sur la TFM. Pour le chroniqueur, les autorités auraient dû prendre la responsabilité de démentir ou de confirmer ses propos, estimant que les Sénégalais ont le droit à la bonne information. Le rappeur est même allé plus loin puisqu’il pense que la notion de rassemblements sur les places publiques, telle qu’énoncée par le ministre de l’Intérieur, est quelque peu floue, avant de se demander si les interdictions en question disent clairement que les prières collectives à la mosquée sont interdites, étant entendu que ce sont des rassemblements publics. Pour « Fou malade », les autorités sont dans une logique d’incohérence parce qu’elles édictent des mesures alors qu’elles sont les premières à assister aux cérémonies impliquant des rassemblements, citant au passage le baptême du petit-fils de Cissé Lô où bon nombre d’autorités étaient présentes.

La déclaration d’Idrissa Seck, lors du décès de son cousin, Alioune Badara Niang à savoir qu’il ne se rendrait pas à la levée du corps, peut-être certes vue comme un acte de communication, mais elle peut aussi être présentée comme un acte de responsabilité.

Serigne Babacar Sy Mansour Sy n’a eu pourtant de cesse de rappeler au gouvernement, ses obligations de dire la vérité aux citoyens. Il est à ce titre très engagé et très exemplaire sur le sujet. Il est allé même jusqu’à rappeler les chartes de la prière qui imposent que les fidèles soient épaule contre épaule et pied contre pied. La conséquence a abouti à la fermeture de la mosquée de Tivaouane.

L’Eglise catholique sénégalaise, elle aussi, est restée fidèle à sa ligne. A travers un communiqué, elle a annoncé la poursuite de la fermeture des lieux de culte chrétien “Nous, vos Pères Évêques du Sénégal, maintenons notre fervent appel à la persévérance dans la patience et la prudence. La situation actuelle ne milite pas en faveur d’une reprise immédiate du Culte chrétien. Bien sûr, les églises demeurent ouvertes aux fidèles pour des dévotions personnelles“, mentionne-t-elle.

Dans le prolongement du ministère de l’Intérieur, ce samedi 8 Août, le gouverneur de la région de Dakar a tenu à informer les populations des mesures prises. Parmi celles-ci, il y a la fermeture des bars, discothèques et autres salles de spectacle pour une durée de trois mois. Les autorisations de jouer de la musique, des chants et danses dans les débits de boissons jusqu’à nouvel ordre aussi.

En outre, il sera procédé, dans la région de Dakar, à un contrôle systématique des mesures barrières en particulier dans les restaurants. Et des éléments des forces de sécurité seront mobilisés pour faire ce travail. Ces derniers seront également présents au niveau des plages et autres espaces publics “en vue d’une application rigoureuse des mesures d’interdiction de rassemblement“, souligne le communiqué du gouverneur de Dakar. Des mesures que certains journaux du lundi 10 Août ont dû relever la non application sur les plages ce week-end. Peut-être les autorités vont mettre en place un dispositif progressif.

Invité, ce dimanche, de l’émission « Grand Jury » de la Rfm, ce dimanche 9 Août Mary Teuw Niane, auteur de plusieurs contributions sur le sujet, va plus loin. Il a ainsi banni toute sorte de rassemblement dans ce contexte de crise sanitaire. Même les évènements religieux ne font pas exception pour le candidat déclaré à la mairie de Saint-Louis. ”L’Etat doit discuter avec les dignitaires religieux pour que ces rassemblements (Magal et Gamou) soient annulés ou célébrés de manière symbolique“, a-t-il laissé entendre.

Ah l’épidémie du coronavirus ! Elle comporte désormais un champ lexical fort riche et permet même la parodie. Elle a à ce titre inspiré, en lien avec la question du 3ème mandat, les internautes, qui très créatifs, ont imaginé un message bien politique : « Virus du 3ème mandat. Deux cas confirmés. Un cas suspect. Respectons les mesures barrières ». Un truc tellement astucieux et bien tourné que Barthélémy Dias l’a affiché sur sa page. Un message viral qui ne va certainement pas faire plaisir à Macky Sall qui ne souhaite plus que le sujet 3ème mandat soit évoqué. Demandez à Sory Kaba et Moustapha Diakhaté. Eh bien, en ces temps de propagation du virus, y compris dans la sous-région notamment en Guinée Conakry et en Côte d’Ivoire, difficile d’y échapper. Un débat qui va inéluctablement remonter à la surface au regard de l’actualité sous régionale. Et la TFM a d’ailleurs exploité le filon en en faisant un thème d’émission de « jakarloo » de ce vendredi : « Virus du 3ème mandat : après Ouattara et Condé, à qui le tour ? ». L’allusion est tout simplement manifeste.

 

PS : L’info relayée par certains médias au sujet de la résiliation du contrat Akilee Senelec par cette dernière, a créé une confusion aux yeux d’une certaine opinion. Il importe de juste noter que Senelec ne peut en aucun cas résilier le contrat de cette manière-là. Elle peut par contre décider de ne plus vouloir continuer la relation contractuelle avec Akille. C’est son droit le plus absolu, ce d’autant plus que les cas de résiliation sont prévus et pris en compte par le contrat en question. Mais celle-ci ne peut être actée que par la justice (en l’occurrence la chambre d’arbitrage d’Abidjan) avec des conséquences juridiques bien évidemment pour l’une ou l’autre des deux parties. C'est comme dans le cadre d’un mariage, un époux ou une épouse, peut décider de divorcer. Mais, il revient à la justice de rompre le mariage après la recherche de conciliation. Eh bien, le mariage est aussi un contrat.