NETTALI.COM - La guerre de succession de fait, à l’Alliance pour la république, est loin de s’estomper. Même si Coronavirus a semblé absorber l’écume des escarmouches verbales, la tension reste permanente en sous-sol, après que le dieu Mars a lâché les faucons du palais sur Amadou Bâ et Aminata Touré, ainsi accusés de tous les péchés d’Israël.

Lundi 9 mars, le ministre des Affaires étrangères, réputé futé, a choisi l'hémicycle pour remettre l’affaire sur la table. Le sourire en coin, comme pour afficher un air détendu, il a tenté de minimiser la situation en ramenant tout à une sorte de querelle familiale sans grand intérêt et qu'il se promet de résoudre, estimant que "dans tout parti, il peut y avoir des frustrations çà et là, justifiées ou pas." Avant d'ajouter qu'ils "tenterons maintenant d’apporter des éléments de solution ". Amadou Ba a en tout cas  fourni une explication des plus simples : "Le président de la République m’a fait confiance et m’a demandé de faire de la politique et je continuerai à faire de la politique tant qu’il me le demandera". Une manière de botter en touche et de faire remarquer que son action s'inscrit dans une logique de mission ordonnée par le Président Sall.

Mais sous son semblant de sérénité, le feu couve et Amadou Ba s’attend certainement à recevoir d’autres assauts. Sa ritournelle fondée sur la loyauté en est presque devenue un disque rayé. Mame Mbaye Niang et Mbaye Ndiaye, vont-ils lâcher Amadou Ba ?

Ce mardi 10 mars, la  coordination du parti au pouvoir de la commune de Parcelles a tiré à boulets rouges sur le ministre des Affaires. "Dans son propos, le camarade Amadou Bâ affirme, avec légèreté et mépris, que ce sont « quelques militants mécontents et frustrés » qui ont été à la base de l’assemblée générale tenue le dimanche 1er mars 2020 aux Parcelles-Assainies’’, peut-on lire dans le communiqué ayant sanctionné cette rencontre au cours de laquelle le leadership de M. Bâ a été mis en cause. “Cette sortie malheureuse renseigne à souhait que le camarade Amadou Ba n’a pas saisi le sens et la portée de cette grande assemblée générale initiée par l’ensemble des responsables et militants avec comme seul et unique objectif de redynamiser et remobiliser le parti qu’il a fini d’installer dans une léthargie chronique’’, ajoutent les signataires du communiqué de presse qui font au passage, remarquer que l’ancien ministre de l’Intérieur et directeur des Structures de l’APR, Mbaye Ndiaye, n’est pas l’instigateur des décisions prises le 1er mars dernier. Ils ont à cet effet déclaré “que ces initiatives politiques sont prises par les différents coordonnateurs des structures’’. Il n'ont pas ainsi manqué d'inviter M. Bâ "à cesser définitivement son modèle de gestion clanique et fractionniste du parti à la base", lui rappelant également que "ses seuls interlocuteurs valables à la base, doivent être les coordonnateurs des structures du parti".

Entre autres griefs contre ces deux personnalités politiques...

Dans ce combat aux allures de jeu de dupes, difficile pour Amadou de s’échapper ; trop de griefs semblent plaider en sa défaveur.

D’abord sa responsabilité dans la gestion de Macky Sall. Combien de fois l’ex-argentier de l’Etat ne s’est-il pas glorifié d’avoir ramené un gros pactole au gouvernement en accumulant des dettes qui nous valent aujourd’hui d’être dans cet environnement de morosité économique au point que le Sénégal est obligé de s’endetter lourdement encore ? L’alerte lancée récemment par le Fmi vient nous renseigner sur la situation tendue que d’aucuns tentent de minimiser. Le dépeçage de son ministère au lendemain de la victoire du Président, n'est-il pas finalement la preuve d'une inefficacité reconnue et qu'il a fallu résoudre ? Amadou Ba aura beau justifier sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, sa mutation demeure considérée comme une sanction. Avec en plus , Moïse Sarr comme une sorte de doublon. Une situation qui selon certains observateurs, sonne une sortie progressive.

"Vous ne m’auriez pas inviter en tant que ministre des Affaires étrangères s’il y avait un seul nuage entre le Président et moi. Ce n’est pas possible", a laissé entendre Amadou Bâ, répondant sur I-TV à Mamoudou Ibra Kane avant d'ajouter : "Hier, il a décidé de m’appeler à ses côtés comme ministre des Finances, aujourd’hui, il m’a nommé ministre des Affaires étrangères, demain Dieu seul sait ce qu’il va faire (...) La qualité de nos relations est excellente. Je pense avoir le privilège d’être l’une des personnes les plus proches du président de la République. Il ne m’aurait pas mis ministre des Affaires étrangères s’il n’avait pas confiance en moi. Le ministre des Affaires étrangère est, par excellence, le ministre qui est toujours avec le Président",

Qui plus est, Amadou Ba est perçu, à tort ou à raison, comme le métronome en tapinois qui a activité Sory Kaba sur le sujet 3ème mandat et qui est allé dans le sens de dénier à Macky Sall le droit de se présenter à nouveau. Face à Mamadou Ibra kane, celui-ci se défendra de toute amitié avec Sory Kaba qu'il n'aurait jamais eu au téléphone et encore moins rencontré en réunion. Celui-ci était pourtant directeur des Sénégalais de l'extérieur. Il optera pour la dénégation systématique au sujet de ses connexions prétendues avec Pastef jusqu’à cette accusation de financement de ce parti.

Evoquant ses relations avec Cissé Lô, il les réduit à la simple réciprocité dans le respect. Pourtant, El pistelero est récemment monté en première ligne pour prendre sa défense, quand son exclusion a été agitée. Qui connait Cissé Lô, sait  qu’il n’est pas homme à se mettre dans une posture de larbin ; ni à se laisser humilier sans broncher.

Comme pour faire remarquer que les faucons ne vont pas se retirer sur l’Aventin de sitôt, invité à Sen Jotaay, l’ex-ministre de la Jeunesse, Mambaye Niang décrit comme un proche de la dynastie « FayeSall », a tiré fort sur le chef de la diplomatie. En clair, le chef de cabinet du président Sall a relativisé la portée du mérite attribué à Amadou Ba dans les victoires de la majorité dans la capitale, depuis le référendum de 2016. « Le président Macky Sall n’est pas un homme à subir des pressions ; en 2012 il a gagé à Dakar sans eux (Amadou Ba et Mimi Touré) », déclara Mame Mbaye. Mieux, rappelle l’invité de la Sen Tv, l’actuel ministre des Affaires étrangères avait été battu dans son propre bureau de vote aux législatives de 2017. « Aux législatives de 2017, certes il était tête de liste, mais de nombreuses personnalités, qui n’étaient pas investies,  avaient mouillé le maillot, dont les anciens ministres Pape Abdoulaye Seck et Maïmouna Ndoye Seck. La première dame Marième Faye Sall, Adama Faye, Seydou Gueye, Abdoulaye Diouf Sarr, moi-même qui vous parle. Vous vous rappelez bien, on était restés une semaine à faire du porte-à-porte, parce que Barthélemy Dias menaçait de saboter les meetings de Benno Bokk Yakaar. J’ai été le premier à relever son défi, lors d’une caravane tenue à Grand-Yoff », tente-t-il de brûler le mythe.

Ce qu’il n’a pas dit, c’est que toutes les victoires de Benno bokk yakaar à Dakar ont été contestées par l’opposition, alors que de sérieux prétendants avaient été écartés de la course. Autant d'accusations en réalité guère fortuites.

Mais Amadou Ba a cette finesse d'esprit qui lui permet de manœuvrer. Peu bavard, il semble déterminé à ne pas se laisser dévorer sans broncher. En plus d'avoir les bonnes grâces d'une bonne partie de la presse, l'homme a su tisser sa toile et espère sans doute tirer profit de l'hostilité d'une certaine partie de la population, vis-à-vis du 3ème mandat, dans un contexte où d'aucuns semblent favorables à ceux qui ont l'ambition de succéder à Macky Sall.  L'ex-argentier de l'Etat est actuellement sur le devant de la scène et est désormais perçu comme quelqu'un sur qui il faudra compter. A moins que Macky Sall en décide autrement et lui demander d'"arrêter la politique".

Les mêmes foudres sont réservées à Aminata Touré, la théoricienne de la « Traque des biens mal acquis » qui est soupçonnée d’élargir sa base politique en recrutant des transhumants. Cela serait aux antipodes de l’image de parangon de vertu qu’elle cherche à véhiculer. C’est sous son ministère que le procureur Alioune Ndao avait été éjecté de la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Aussi, le Conseil économique, social et environnemental est-il perçu dans l’imagerie populaire, comme une institution budgétivore destinée à recaser une certaine clientèle politique. Pourquoi a-t-elle accepté de présider aux destinées d’une institution aussi décriée ? Est-elle animée par l’obsession d’exister au point d’accepter tout et n’importe quoi ? Elle était envoyée spéciale du président avant d’atterrir à cette station dont on se demande la vocation et l'utilité. Aminata Touré peut vouloir prétendre au pouvoir, mais a-t-elle seulement gagné une élection ? A Grand Yoff, elle s’était fait battre. Aujourd’hui elle se cherche une base à Kaolack. Une sorte d’errance politique qui donne du personnage, une impression de se chercher. Est-elle de Grand Yoff ou de Kaolack ? That’s a good question ?

C’est dire que l’ex-directeur général des impôts et domaines et Aminata Touré devront ménager leurs montures pour aller loin dans ce combat de gladiateurs, où toutes les armes de dissuasion nucléaire seront utilisées. L’histoire des voitures achetées pour des membres du Conseil économique, social et environnemental, marque-t-il un tir de sommation ?

Que feront ces deux face au mouvement de Moustapha Diakhaté à venir ? Y aura-t-il une jonction ? Sont-ils déjà câblés ? Autant de questions floues pour le moment et qui nécessitent quelques éclairages.