NETTALI.COM – Deux ans après la tuerie de Boffa Bayotte avec ses 14 morts, les populations locales sortent de leur silence. Elles dénoncent une stigmatisation qui fait mal à leur village, tant du point de vue économique que social.

14 jeunes exécutés par des individus armés. C’est le drame qui marquera à jamais les populations de la partie sud du pays. Ce 6 janvier 2020, elles se sont souvenues de ce drame que la justice peine encore à élucider deux ans après. Ce qui est source d’inquiétude pour les proches des personnes arrêtées et placées sous mandat de dépôt même si ces dernières ont été transférées à Ziguinchor pour les rapprocher de leurs familles.

Toutefois, les populations de Boffa Bayotte, elles, vivent les conséquences de la tuerie autrement. Dans ce dossier, la dénomination de Boffa Bayotte utilisée dans le langage courant pour désigner le drame est contestée par les villageois. Cette appellation du massacre est en effet source de stigmatisation économique et sociale. C’est en tout cas ce que soutient Edouard Dasylva, chef du village de Boffa. Ce dernier fait une précision de taille. «La forêt classée de Bayotte est à cheval entre plusieurs villages dont Toubacouta, Katouré et Badème. Le village de Boffa Bayotte n’a même pas de frontière avec la forêt classée», soutient le chef de village. Qui ajoute : «Quand on parle de la tuerie de Boffa Bayotte, cela fait vraiment mal à la population. Les gens se sont sentis stigmatisés parce que leur village n’a même de frontière avec la forêt où a eu lieu la tuerie.» Pis, révèle Edouard Dasylva, «même quand on montre nos pièces d’identité devant les autorités, on nous regarde quatre fois. Quand tu dis que tu habites à Boffa Bayotte, on t’assimile à un malfaiteur».

En réalité, le village de Boffa avait été déplacé en 1992 à cause du conflit en Casamance. Ce n’est qu’en 2008 que les populations ont fait leur retour. Et le chef de village de suggérer aux journalistes de dire désormais «la tuerie de la forêt classée du Bayotte» parce que, souligne-t-il, «c’est six villages qui sont autour». «Les bailleurs qui veulent venir à Boffa Bayotte n’osent plus venir à cause de cette mauvaise publicité. Pourtant, cette appellation ne correspond en rien à la réalité», regrette le chef de village.