NETTALI.COM - Les récentes sorties musclées de Moustapha Diakhaté et de Moustapha Cissé Lô contre Macky Sall et sa gouvernance ont quelque chose d’indécent. Elles font désordre et indisposent ceux qui aspirent à la construction d’une république sereine. Une situation pour laquelle, on ne peut en rien dédouaner Macky Sall, président de la République et président de parti.  

A la vérité les sorties de ces membres du parti au pouvoir prêtent à rire, tant elles sont surprenantes. C’est comme si le premier nommé, Moustapha Diakhaté découvrait subitement les supposées tares de la gouvernance de Macky Sall, alors que ce dernier aborde son second mandat après avoir ajouté deux ans (soit 7 ans). Ce dernier a quand même été dans un passé récent, chef de file de la majorité à l’Assemblée nationale, ce haut lieu de combat politique où celui-ci a toujours défendu et de manière inconditionnelle Macky Sall et sa politique. La page facebook de Diakhaté est désormais régulièrement consultée par les journalistes pour être devenue sa tribune car il ne passe de jour sans que Macky sall ne soit critiqué par le sieur Diakhaté, en s’emparant de tous les sujets du moment.

L’ancien député défend Guy Marius Sagna, s’en prend à Senelec et à ses salariés et plaide pour l’éveil des Sénégalais : «Je veux apporter d’abord ma solidarité à toutes les victimes de la hausse du prix de l’électricité si durement condamnées le 1er décembre 2019 à payer le pillage de la Senelec qui a vu sa masse salariale passer de 30 à 57 milliards entre 2015 et 2018. ( …) Je veux dire, enfin en forme de prière, que votre arrestation soit un moment déclencheur du réveil de la conscience sociale dans notre pays ». Il n’hésite pas à convoquer le passé : «Sans cette marche non déclarée de l’ancien domicile du Camarade Macky Sall (Fann résidence) à la sûreté urbaine avec des milliers de militants, sympathisants et simples citoyens, certainement l’Apr n’allait pas porter son candidat à la magistrature suprême et célébrer ce 1er décembre 2019 son 11éme anniversaire». Mais pourquoi nous rappeler ce qu'on sait déjà ? N'est ce pas par conviction que M. Diakhaté s'était engagé à l'APR ?

Avec Moustapha Cissé Lô lui, réclamer sa part du gâteau devient une exigence, une norme. Il le dit avec un tel manque de pudeur et de décence que l’on se demande à quel type d’engagement on a affaire avec le député Lô, casé depuis lors à la Cedeao. ” Ce qui me fait mal, c’est que c’est mon ami que j’apprécie beaucoup qui m’a planté un couteau dans le dos. C’est vous qui m’avez informé qu’on a donné à chaque député 3 tonnes de semences. Moi, je suis député et je n’ai rien vu. Alors que moi, c’est mon domaine. Et vous ne voulez pas que j’en parle ? Je vais en parler encore et encore. Quand je me battais, en 2007, ceux qui profitent de ces semences n’étaient pas encore là (…) Même vous, vous vous battez pour la défense de vos intérêts. Niako fayda ! Vous n’accepterez jamais d’être lésé. ”, ajoutera celui-ci. Dans un entretien avec l’Observateur, il avait aussi fait référence à son compagnonnage avec Macky Sall : “Macky Sall n’est pas mon père, il ne m’a pas acheté. J’ai combattu pour lui ici quand on a voulu le tuer. Où étaient ceux qui parlent aujourd’hui ? J’étais le seul à avoir pris l’arme pour dire que Macky Sall ne sera pas tué. Je me suis battu contre Moustapha Niass et Cie, qui avaient dit que Macky ne serait pas candidat et qu’ils optaient pour une candidature unique. Je les ai combattus tous, je savais que Macky allait gagner”, rappelle Moustapha Cissé Lô dans un entretien avec “L’Observateur”. Même procédé, il évoque son statut de membre fondateur de l'APR ?

Autre phénomène, Youssou Touré. Celui-ci s’est récemment signalé, relevant son côté laissé pour compte. «Je suis malade depuis un certain temps, j’ai fait remonter l’information au sommet (à la Présidence), mais je n’ai aucune réponse. Je n’ai rien contre Macky Sall et personne d'autre, parce que grâce à Dieu je me suis fait tout seul. Ce n’est pas aujourd’hui ni demain que je vais m’agenouiller devant qui que ce soit pour avoir quoi que ce soit. Je ne le ferai jamais», a déclaré celui-ci dans un récent entretien avec L’Observateur, toujours.

Il nous avait de toute façon habitués à des sorties des plus virulentes, le syndicaliste, allant parfois jusqu’à verser de chaudes larmes parce qu’on lui avait tout simplement ôté son fromage. On se rappelle de la fameuse histoire de voitures de fonction qu’on lui avait retirées.

Finalement, il y a comme un parfum chantage qui s’exerce sur le président de la République et chef de l’APR. Une situation qui laisse croire qu’il y a une sorte de prime au compagnonnage de la première heure qui veuille que ces acteurs ne puissent bénéficier que de privilèges et de prébendes. Il suffit donc d’un moindre mécontentement pour que la machine à complainte et à jets de pierre, se mette en marche.

Il semble pourtant que l’engagement en politique se fonde sur des convictions et non sur la recherche de prébendes. Sous d’autres cieux, des exemples sont là pour nous édifier sur le fait que des militants de partis guidés par une idéologie, en arrivent à prendre des congés (travail) pour mener une campagne électorale et retourner au travail à la fin, malgré la victoire de leur candidat. Bien évidemment, l’on n’est pas en train de dire que parce qu’on s’engage, on ne devrait point être nommé à un poste. Il existe heureusement des militants qui s’engagent, sont nommés à des postes et servent le plus honnêtement et le plus loyalement possible parce qu’ils sont pétris de convictions et de valeurs.

Mais malheureusement dans la plupart des cas, on assiste à un jeu de chantage qui ne prédispose malheureusement qu’aux privilèges ou postes.

Mais à ce jeu-là, le Président Sall n’est pas exempt de reproches parce qu’il n’a cessé de prêter le flanc. Comment comprendre par exemple qu’il ait octroyé tant de privilèges à son petit frère en le nommant Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations ? Que dire du scandale Petrotim qui n’est pas sans rappeler que c’est parce qu’il est le frère du Président qu’ Aliou Sall se retrouve  au centre de cette affaire qui s’est, depuis lors miraculeusement tassée ? Et que penser de son beau-frère qui est passé de ministre de l’Eau et l’assainissement à celui de gestionnaire de toute la manne sociale ? Mamadou Lamine Diallo, n’a-t-il pas dénoncé ce ministère tentaculaire qui rappelle à certains égards celui de Karim Wade d’alors ? « En réalité, Oumar Youm et Oumar Guèye sont vos secrétaires d’Etat. Tout comme la ministre en charge de la Femme. Vous avez le plus gros ministère de ce gouvernement. C’est ça la réalité. Ce que vous voulez, c’est que la dynastie Faye-Sall continue à gouverner ce pays. Nous n’allons pas l’accepter“, a affirmé le président de Tekki, lors du vote du budget du ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale et  par ailleurs maire de Saint-Louis. Il concentre à lui seul, le Pudc et le Puma qui ont en charge le désenclavement des territoires, l’électrification de villages, la transformation de l’agriculture et la construction de cases de santé, des routes, des forges, châteaux d’eau, les pistes rurales, systèmes d’adduction,…

Par ailleurs, le manque de volonté dans la structuration de son parti, a ajouté au bordel dans ses rangs où il est finalement le seul maître à bord. Un parti finalement aux allures d'une armée mexicaine où seuls règnent l'ambition individuelle, les embuscades et les complots sont érigés en règle. Le dernier remaniement et le chamboulement des postes au palais, la suppression du poste de 1er ministre, etc ont ajouté à la confusion.

L’un des griefs aussi qu’on peut aussi faire à Macky Sall, c’est d’avoir eu une propension à tout politiser au point que l’occupation du terrain politique est finalement devenue le baromètre du mérite au détriment de la gestion orthodoxe des entreprises publiques et des ministères. Des DG de sociétés épinglés pour des actes de gestion dans des rapports d’audit, sont même promus ! Quel signal donne-t-on dès lors par rapport à l’exemplarité que requiert la gouvernance d’un état ? Ce n’est nullement un hasard si le projet de réforme des institutions initié par Amadou Makhtar Mbow et Cie proposait une déconnexion du chef de l’Etat du poste de celui de chef de parti ? Et Macky Sall qui savait très tôt le cap à prendre, avait fini de dire qu’il choisissait dans le lot ce qui lui plaisait.

Moustapha Cissé Lô, Diakhaté et Youssou Touré ont en tout cas bien appris la leçon. Il suffit juste de trop l’ouvrir pour recevoir des sucettes. Et face à eux, les chiens de garde du président Sall ont fini de les traiter de tous les noms d'oiseau. C'est le paroxysme du déballage et des invectives et cela finit par indisposer bon nombre de Sénégalais, au moment où ceux-ci cherchent le diable pour lui tirer la queue.

Macky Sall finit même par négliger ses ministres et DG qui tentent de faire sérieusement leur travail en les tirant vers le bas. Et si la perspective de briguer un 3ème mandat lui dictait ce stratagème ?