CONTRIBUTION - Comme de bien entendu, l’atmosphère exécrable et la méfiance, qui caractérisent les rapports au sein de la classe politique, n’auront pas manqué de déteindre sur le démarrage des travaux du dialogue national boycotté par plusieurs partis parmi les plus représentatifs.

Un dialogue qui n’inspire pas confiance

Il y a d’abord, que la toute récente annulation des poursuites judiciaires contre le célèbre chanteur Thione Seck, sur la base du règlement n° 5 de l’UEMOA fait encore plus apparaître la détention de l’ancien maire de Dakar, Mr Khalifa Sall, comme une cabale voire une prise d’otage. De leur côté, les militants libéraux considèrent que Karim Wade a été arbitrairement exilé pour l’empêcher de prendre part à la vie politique
nationale, de la même manière, que des dizaines de candidats potentiels ont été mis à l’écart des dernières élections présidentielles, à cause de la loi scélérate sur le parrainage. Tout cela, en plus de l’opacité ayant entouré la gestion fichier électoral ont contribué à déconsidérer la victoire électorale de Macky Sall, enclenchant un processus de dé-légitimation de l’État central.

C’est pourquoi, de larges secteurs de l’opinion considèrent, que son appel au dialogue ne vise qu’à faire passer la pilule amère de son “casse du siècle” électoral et à apaiser le climat sociopolitique plus que tendu. Il chercherait également à étoffer la base sociale de son régime en enrôlant de nouvelles forces intéressées par le libéralisme économique prôné par les officines financières internationales.

Un état en voie de déliquescence

Pour autant, tout le monde s’accorde à reconnaître la profonde crise sociopolitique que traverse notre pays due à des décennies de clientélisme politicien et de gouvernance calamiteuse, que les Assises Nationales ambitionnaient de solutionner. Pour ce qui est de la
démarche Macky Sall, lors de son premier mandat, elle a été marquée par une répression tous azimuts, une corruption endémique et une
résistance à la transparence, surtout sur les questions du gaz et du pétrole. Notre pays vit, ces derniers temps, des phénomènes inquiétants,
que l’État n’arrive pas à juguler, à savoir la multiplication des crimes et délits, l’accroissement des accidents de la circulation, les trafics
illicites de drogues et de faux médicaments, la mise en vente de produits nuisibles à la santé (bouillons alimentaires toxiques, produits de dépigmentation artificielle...), les dysfonctionnements des systèmes éducatif et sanitaire....

Cela est à mettre en rapport avec une détérioration graduelle des services publics tels que la santé, l’éducation, la sécurité, la justice et
les transports..., contrairement aux allégations des thuriféraires du pouvoir accablant le peuple laborieux, qui serait coupable de tous les
péchés d’Israël. Cette crise responsable du calvaire des couches populaires est, il est vrai, à l’origine d’une perte généralisée de repères, aboutissant très souvent au non-respect des normes régissant la vie en société. Cela peut aller de comportements inappropriés dans la circulation routière à la hausse de la criminalité, depuis la délinquance à col blanc de certains hommes politiques peu vertueux aux crimes crapuleux de la pègre ou des exclus du système.

Si on ajoute à ce sombre tableau les velléités communautaristes, les tensions entre les confréries, les violations des droits humains, la judiciarisation de la vie politique, nous pouvons d’ores et déjà retenir que notre État de plus en plus illégitime est en train de s’engager dans un processus de déliquescence.

La patrie avant les partis

Certes, l’attitude des franges les plus significatives de l’opposition est compréhensible, elles qui refusent de s’embarquer dans la galère
branlante d’un président, que son dernier mandat rend de plus en plus vulnérable et dont l’autorité ira, en décroissant, à mesure qu’on
se rapprochera de l’échéance fatidique de 2024. Il faut, cependant, bien comprendre, qu’en boycottant le dialogue, sans initier des stratégies de mobilisation populaire contre la politique du pouvoir, les partis concernés laissent le champ libre à la Coalition Benno Bokk Yakaar.

Il ne doit plus être possible, pour les partis d’Opposition, de se réfugier dans des attitudes attentistes. S’ils ont parfaitement le droit de
dénoncer les manoeuvres d’un président, qui est loin de s’être repenti de son récent passé tumultueux, leur offre politique doit être plus
lisible et ne pas se réduire au boycott itératif de toutes les concertations nationales.

À défaut de participer au dialogue national initié par le pouvoir, ils doivent prendre en charge les revendications populaires et se retrouver autour d’une plateforme politique alternative, définie de concert avec les larges masses populaires.

C’est seulement ainsi qu’on empêchera l’installation, par le président Sall et son clan, d’une autocratie électorale ou démocrature, où le
pouvoir restera toujours aux mains des classes possédantes et des monopoles étrangers, malgré l’organisation régulière de consultations
électorales piégées.

NIOXOR TINE
LEELAMINE@NIOXOR.COM